Sarn de Mary Webb

Vous connaissez mon intérêt pour les femmes écrivains anglaises. C'est donc avec une grande curiosité que je me suis plongée dans le roman le plus connu de Mary Webb (1881-1927). Au final, j'ai passé un très bon moment de lecture. Le style est plutôt désuet mais cela ne m'a pas dérangée outre mesure. Au contraire, c'est agréable et intéressant de lire un roman aussi marqué par son époque ...
L'héroïne est attachante. Prue est forte et courageuse. Elle subit les pires brimades avec une force de caractère vraiment admirable. Elle a conscience de sa laideur mais ça ne l'empêche pas de rêver du grand amour et d'être une vraie romantique. Et c'est justement ce qui la rend aussi humaine et touchante.
Le roman est aussi très sombre. On y croise presque les pires visages de l'humanité ! Gédéon a certes de l'affection pour sa soeur mais se montre impitoyable envers la plupart des autres personnes. Son moteur est l'argent et il ne le cache pas. C'est un jeune homme passionné mais aussi vindicatif et intransigeant. Prue, quant à elle, est sans cesse victime de quolibets puis d'agressions causées par des personnes sans scrupules et ignorantes. En effet, à cause de sa difformité, on la prend pour une sorcière.

Bref, Sarn est un roman témoin de son époque. On y traite du dur labeur des paysans, de la réalité de la vie dans les campagnes, de superstition (et de la folie qu'elle entraîne) etc.

Mais ce que je retiendrais surtout, c'est que c'est aussi un merveilleux roman d'amour. L'histoire de Prue et de Kester est une des plus belles que j'ai pu lire depuis longtemps. Je ne résiste pas à l'envie de vous recopier le passage qui met en scène leur première rencontre :

Citation :

Ce fût à une veillée d'amour que je vis Kester pour la première fois. Et si, en ces temps nouveaux où des inventions singulières nous envahissent, [...], on ne sait plus ce qu'est une veillée d'amour, ceux à qui il adviendra de lire ceci le sauront bientôt".

Le roman a aussi ce petit quelque chose de pittoresque qui le rend troublant, fascinant et différent des romans anglais que j'ai pu lire jusqu'à maintenant. Ici, l'auteur s'attache à décrire le quotidien de personnes misérables, qui vivent d'un travail épuisant et laborieux. C'est aussi le roman de la communion avec la nature. Les descriptions de Sarn, de sa campagne, de son marécage, de ses alpages sont absolument merveilleuses. Le style de Mary Webb se fait poétique, lyrique, enchanteur. Le lecteur peut sans peine se promener, à travers les pages du livre, dans ce petit monde rural à la fois plein de charme et de noirceur.
Un roman où on tremble face à la cruauté de Gédéon et de tant d'autres et où on est ému en assistant à l'épanouissement d'une jeune femme en quête d'affection mais soumise à une vindicte populaire qui risque de lui coûter son bonheur ...
Sarn évite le mélodrame car il ne sonne jamais faux.

Très jolie présentation, Emjy !

J'ai découvert Sarn pendant les vacances d'été, et tout comme toi, j'ai bien aimé ce livre.

Mary Webb a une façon très personnelle de décrire la nature, et l'héroïne, qui a une très forte personnalité, est attachante ; en plus, le livre est original dans le sens où il s'agit d'un roman paysan qui emprunte ses accents aux Hauts de Hurlevent d'Emily Brontë.

C'est d'ailleurs cette description du monde paysan qui m'a le plus intéressée, car l'action se passe au XIXème siècle, mais les mentalités sont encore celles du Moyen Age, avec une superstition omniprésente.

Spoiler:

j'ai trouvé cette lecture vraiment très agréable. En plus, Mary Webb a vraiment une très belle plume, et un style unique et original.

Merci pour ce topic Emjy!!

Je ne remercierai jamais assez Muezza de m'avoir fait découvrir ce livre!! Je suis entrée tout de suite dans l'histoire, l'écriture de Mary Webb (malgré la traduction) m'est apparue féérique, je me suis vue traverser les landes, les champs et les bois, j'ai entendu les oiseaux et surtout les corneilles, j'ai vu les lumières de l'aube et du soir tombant, la sueur couler sur les fronts du labeur des travailleurs des champs...
C'est un roman que l'on vit, que l'on ressent dans sa chair...Il est très puissant, très poétique...On envierait presque Prue et sa déformation qui lui cause tant de peine mais qui est aussi pourtant le reflet de son intelligence et de son bon coeur...
Quel culot que cette "scène de Venus", quel érotisme latent, quelle fantaisie de la part de cet auteur, on surprendrait Prue s'ébattre dans les étangs de Sarn à la nuit tombée, telle une Ondine, qu'on ne serait pas plus étonné, ni sous le charme...
Et que dire de ce héros, Kester, si fort, si puissant, si juste, au-delà de tous les préjugés, (il a une bonne place au panthéon des Swoons) on regrette juste que l'échange de lettres entre les deux protagonistes ne soit pas plus long, que de choses ils auraient pu encore s'écrire par l'intermédiaire de cette correspondance détournée? Que de douces pensées et sentiments aurait-on eu le plaisir de deviner entre ces deux âmes écorchées par trop de sensibilité?
Et Gédéon, trop fort, trop dur, brisé par la vie, par le labeur, par le rêve inaccessible, il nous montre la voie de son destin dès les premières lignes quand il accepte le fardeau des péchés de son père, on se doute bien que ce n'est pas pour rien et que tout se paye...et la trop jolie Jancis, perdue à cause de sa seule beauté...
Vous l'aurez compris, je suis sous le charme, pour moi, il y a un avant et un après "Sarn"...

@Lady Clare : ta description est tout simplement magnifique et reflète parfaitement ce que j'ai pu ressentir lors de ma lecture!
Je viens en effet de le terminer et je l'ai trouvé sublime ce roman : les descriptions de la nature sont ciselées tellement qu'elles en deviennent lyriques, l'évocation du monde paysan fait de durs labeurs, de superstions et de l'étouffement dû au fait qu'il s'agit d'un microcosme, est faite de façon splendide sans jamais tomber dans l'ennui.

J'ai adoré le personnage de Prue, à la fois si douce et si forte, confrontée à son problème physique, au regard des autres et aux croyances qu'il engendre, elle ne baisse jamais les bras et à la fin du roman, lorsqu'elle s'oppose à son frère, l'on voit encore mieux cette force de caractère tandis qu'au début on aurait plutôt tendance à la croire soumise.

Le personnage de Gédéon est très intéressant également, très difficile à cerner : la description qu'il fait de lui-même comme étant fait de granit est très évocatrice, mais finalement, il révèle une certaine faiblesse à la fin du livre.

La scène de la Venus est sans doute la scène qui m'a le plus marquée, elle est très étonnante. Et comme le dit Lady Clare, elle amène de l'érotisme dans ce monde paysan.

Un roman à découvrir!!

Merci Miss Virginia, j'aime beaucoup ce que tu as écrit! c'est vrai que c'est un roman qui ne peut laisser insensible...j'ai trouvé il y a peu La Renarde du même auteur, je suis curieuse de voir ce que cela peut donner, mais j'ai un peu peur d'être déçue, tellement j'ai aimé ce livre...

@Lady Clare : en tout cas, si tu lis ce roman, j'ai hâte d'en lire ta critique!!

J'en avais étudié un extrait à la fac et j'ai vraiment envie de le lire après cette présentation ! Il rejoint ma PAA !

J'ai fait quelques captures d'écran de la merveilleuse adaptation TV (1968) de "Sarn" par Claude Santelli, lobbying, lobbying

Prue (Dominique Labourier) et Gédéon (José-Maria
Flotats)



Jancis (Danièle Lebrun) et Kester (Pierre Vaneck)



Prue et Kester



L'adaptation n'est disponible que via le site de l'INA ici

J'ai beaucoup aimé ce roman, mais je ne serai pas aussi enthousiaste que vous ! On sent effectivement l'époque où le roman a été écrit, et j'ai trouvé cet aspect un peu pesant !
Je m'explique : la religion citée à tout bout de champ par Prue, le fait qu'elle ait l'air de considéré Kester comme supérieur à elle, son attitude soumise au début (bon ça s'arrange un peu par la suite, en effet) ...
Je sais, c'était normal à l'époque, mais ça m'a agacé à la lecture !

De plus, c'est bien écrit, mais le côté tragédie grecque gâche une bonne partie du suspens (quelque chose d'assez important pour moi) : Prue annonce les évènements à venir, le destin de certains personnages très en avance, du coup on sait à quoi s'en tenir ! De même, pour l'histoire d'amour, on sait très vite comment ça va finir !
C'est dommage, je trouve, j'aime bien avoir la tension de ne pas savoir ce qui va se passer trop longtemps à l'avance !

Bon, ça reste un très beau roman : Prue et Kester sont de très beaux personnages, Prueen proie aux superstitions de son époque (bon elle est parfois naïve et aveugle, mais on en comprend les raisons) et Kester qui choisit de risquer sa vie pour ses principes ! Gédéon est aussi assez fascinant dans sa dureté, Beguildy et sa sorcellerie, la pauvre Jancis, victime désignée ....
Le drame qui se noue reste intense et passionnant à lire, la

Spoiler:

vraiment affreuse !

J'ai aussi aimé les descriptions de la Nature, la seule consolatrice de Prue pendant un bon bout de temps ! Elles sont très poétiques !

Bref, pas un roman que j'ai adoré autant que P&P ou Jane Eyre, mais un grand roman quand même !

Ce week-end, dans une bourse aux livres (le kilo de livres à 1 euro ), je crois avoir trouvé un petit trésor : 7 pour un secret de Mary Webb, la première édition de la traduction de 1933. Est-ce que quelqu'un connait ce roman ?

Non, pas du tout ! Tu as du faire une sacrée trouvaille !

resmiranda a écrit:

Ce week-end, dans une bourse aux livres (le kilo de livres à 1 euro ), je crois avoir trouvé un petit trésor : 7 pour un secret de Mary Webb, la première édition de la traduction de 1933. Est-ce que quelqu'un connait ce roman ?

Resmiranda, il me tarde d'en savoir plus!!

Je vous tiens au courant dès que je l'aurais lu Lady Clare et Emjy, s'il vous intéresse, je peux facilement vous le prêter

C'est très gentil Resmiranda!
En tout cas, il me reste La Renarde qui m'attend dans ma pal !!

J'ai lu Sarn suite aux bons conseils d'Emjy (entre autres) et je ne dirais qu'une chose : quel roman magnifique !

Dès les premières pages j'ai été irrésistiblement séduite par le style de Mary Webb : quel beauté et quelle poésie dans l'écriture, le choix des mots et bien entendu les paysages ! Ces derniers sont tout bonnement sublimes, et donnent envie de se promener près de l'étang de Sarn.
Ensuite l'histoire : comment ne pas tomber sous le charme de Prue, courageuse jeune fille, intelligente et si dévouée aux autres alors que tout le monde la rejette en raison de sa malformation ? D'ailleurs, j'ai eu beaucoup de peine pour elle lors des passages où elle écrit des lettres pour son frère ou pour Jancis : chacun loue la beauté de l'écriture et des mots employés, mais personne n'imagine qu'ils peuvent émaner de Prue .
J'ai adoré le personnage de Kester pour la bonne raison qu'il est plus intelligent que les autres et voit la beauté intérieure de Prue. Et puis les dernières pages et son attitude envers elle et les villageois sont sublimes !
Concernant Gédéon, le personnage ne me déplaisait pas au départ malgré son caractère et son avarice. Mais le passage où

Spoiler:

m'a horrifiée ! Et je ne parle même pas de la suite. Ce qu'il advint de lui à la fin du livre m'a tout de même attristée.

Bref, Sarn est vraiment un magnifique roman et une fable à la fois sur la vie à la campagne autrefois, les superstitions, les conséquences de nos actes et surtout la bêtise humaine. Un véritable coup de coeur !

Voilà un avis enthousiaste qui fait plaisir à lire !

Sandie, je suis contente que tu aies autant apprécié ce roman Ton avis enthousiaste me donne envie de le relire !

Un autre roman de Mary Webb La Renarde va paraitre en poche le 3 octobre!!

Quelle excellente nouvelle !

Je mets ici la description (le roman paraîtra chez Archipoche) :

Citation :

À la fin du XIXe siècle, Hazel Woodus, jeune fille farouche et indépendante de dix-huit ans, vit avec son père dans la campagne anglaise.
Amoureuse de la nature, elle aime vagabonder librement dans les bois en compagnie de sa renarde apprivoisée. Mais les bois, comme les terres environnantes, appartiennent à Jack Reddin, le hobereau local passionné de chasse...
Les chemins de Hazel et de Jack se croiseront donc, sans doute pour le pire. À moins que le révérend Marston, qui souhaite épouser Hazel, ne réussisse à éloigner la jeune femme de cette contrée... Mais l'appel de la campagne n'est-il pas le plus fort ?
Écrit en 1917, La Renarde est le deuxième roman de Mary Webb, un conte romantique et puissant dont l'intrigue s'ancre au coeur d'une nature prégnante et mystérieuse qui donne force, sensualité et violence à ses personnages.

ça donne envie

Je crois que c'est un des romans fétiches de Malika Ferdjoukh...

Emjy a écrit:

Quelle excellente nouvelle !

Je suis tout à fait d'accord avec toi : le résumé donne énormément envie et Sarn m'a tellement plu que j'attends avec impatience de pouvoir lire un autre roman de Mary Webb

Je me souviens encore aujourd'hui de l'adaptatation TV de Claude Santelli,atmosphère,acteurs,tout était parfait,j'ai très envie de le revoir,je pense que l'INA doit pouvoir fournir des copies .Merci de m'avoir remis ce souvenir en mémoire

@ fseguran : je viens de t'envoyer un MP pour t'aider à redimensionner ta bannière.

Ca fait effectivement très envie !

La couverture



Quelqu'un a-t-il déjà lu ce roman ? Est-il aussi beau que Sarn ?