Il s'agit d'une chronique qui s'étend sur une année où Elizabeth décide d'aménager son jardin. Elle n'y connaît pas grand chose et fait des essais qui se révéleront plus ou moins judicieux, la surprise étant toujours de mise puisque les résultats ou les échecs ne peuvent se voir que quelques mois plus tard.
Je suis loin d'être une grande fan de jardinage, même si j'apprécie le résultat esthétique. Je doutais donc un peu du fait que ce livre puisse m'intéresser. Mais, étant donné que j'aime Elizabeth von Arnim, j'ai décidé de tenter l'expérience malgré tout et évidemment, j'ai bien fait.
Certes, Elizabeth et son jardin allemand nous évoque les plaisirs de l'aménagement du jardin (pas du jardinage, ce loisir étant considéré comme inconvenant pour les personnes de son rang), mais il est bien loin de se cantonner à cela.
C'est tout d'abord un éloge de la solitude, de l'art d'être heureux avec soi-même et plus que de s'en contenter, de trouver un réel plaisir dans ces heures où personne ne vous dérange et où vous pouvez passer votre temps à lire ou à rêver les yeux ouverts (le terme rêvasser ayant un côté péjoratif qui m'insupporte). Évidemment, tout cela me parle, qu'on le fasse dans un jardin ou dans son salon. J'ai d'ailleurs dans l'idée que si Elizabeth aime tellement son jardin, c'est aussi parce que personne ne l'y suit. On ne peut pas ne pas penser que son jardin, c'est en fait sa chambre à elle. Tout cela lui vaut le fait d'être qualifiée d'excentrique par son mari, ses relations ou ses domestiques.
Si ce livre est aussi plaisant à lire, c'est parce que l'on y trouve déjà les traits d'esprit qui sont la force de nombre de ses autres livres. L'énumération des fleurs n'est jamais ennuyeuse car celles-ci sont considérées comme des amies récalcitrantes qui refusent de faire ce que l'on attend d'elles, avec une mention spéciale aux fleurs allemandes.
Les invités, qui n'en ont que le nom, sont plus des personnes qui s'imposent alors qu'Elizabeth préférerait rester tranquillement seule chez elle : "Qui se sent vraiment capable d'échanger des amabilités dès le matin ?".
Un de mes seuls petits bémols serait la façon dont Elizabeth et son amie se moquent d'une troisième personne, qui certes n'est pas la personne la plus sympathique du monde, mais qui n'apparaît pas au départ comme l'ayant vraiment mérité, d'autant plus qu'elle se moque du fait qu'elle écrive sur leur vie, alors qu'au final, c'est ce que fera Elizabeth. Cela aurait pu être amené un tout petit peu autrement. Mais, il faut avouer que même si c'est un peu vachard, c'est tout de même assez drôle.
Le texte a aussi une grande modernité sur certains aspects comme la place des femmes, mais toujours écrit avec esprit notamment quand elle écoute les discours pontifiants de son mari qui sait tout et qu'elle précise qu'elle ne répond pas, mais on sent tout de même qu'elle n'en pense pas moins.
Elle est toutefois parfois elle-même le produit de son temps en particulier dans son rapport avec les jardiniers.
Il n'empêche que cela reste un plaisir à lire et que l'on se délecte de son esprit mordant ainsi que de sa volonté à essayer de tirer le meilleur parti de chaque situation.
Pour m'être un peu intéressée à sa vie, je suis assez admirative de cet aspect, d'autant plus que si elle surnomme son mari l'Homme de Colère, c'est qu'il y a des raisons qui apparaissent en filigrane tout au long du texte.
Je déplore toutefois l'absence du texte d'EM Forster qui accompagnait la version précédente car celui-ci a été le précepteur de ses enfants. J'ai lu chez Katie Roiphe
qu'il avait dit un jour que le jardin n'existait pas, j'aurais donc voulu lire cet aspect.
La préface, les notes et la chronologie présents dans l'ouvrage sont très intéressants. *Elizabeth von Arnim a tenu un journal, inédit en anglais comme en français et je me demande bien pourquoi car je rêverais de le lire. En attendant, je vais lire tous ses écrits disponibles dans l'ordre chronologique. Je regrette déjà d'avoir été raisonnable et de ne pas avoir acheté L'été solitaire qui va rejoindre ma PAL on ne peut plus rapidement.