Après avoir beaucoup aimé
Mary Reilly (
), j'ai lu avec plaisir le dernier roman en date de Valerie Martin, sorti en mars dernier chez Albin Michel.
En 1872, le navire marchand Mary Celeste est retrouvé dérivant au large des Açores. Le bateau est intact, sans aucune trace de violence mais l'équipage a disparu. Benjamin Briggs, le capitaine, son épouse Sarah et leur petite fille, de même que les marins, n'ont jamais été retrouvés.
Ce mystère est au centre de cette narration complexe et tumultueuse qui repose sur trois trames aux temporalités différentes.
Cette tragédie a hanté le public victorien pendant de nombreuses années. Lors d'un voyage pour l'Afrique, un baroudeur écrivain en herbe, le jeune Arthur Conan Doyle, entend parler de cette histoire et décidera quelques années plus tard de lui consacrer une nouvelle toute romanesque.
L'intérêt du grand public pour ce mystère coïncide également avec l'émergence d'une ferveur troublante et inédite en Amérique : le mouvement spiritualiste, très en vogue dans les salons américains, notamment à Philadelphie et à Boston. L'énigmatique et fascinante Violet Petra occupe une place importante sur cette scène, les riches mondains se disputant ses talents de médium. Phoebe Grant, une journaliste rationnelle et indépendante d'esprit doit la rencontrer pour essayer de percer le mystère qui l'entoure.
Le roman repose donc sur trois intrigues imbriquées. Le récit autour du bateau fantôme et de la famille de navigateurs frappée par la tragédie de génération en génération est le point de départ et donne naissance à deux autres narrations. La première concerne Arthur Conan Doyle, qui s'apprête à devenir l'un des auteurs les plus célèbres et adulés de son temps et la seconde concerne la figure de Violet Petra, une femme insaisissable, et avec elle, la montée en puissance d'une toute nouvelle ferveur religieuse, qui fascinera d'ailleurs grandement le créateur de Sherlock Holmes.
A travers des extraits de journaux, des lettres, une narration éclatée mais structurée et un voyage maritime et temporel, ces trois intrigues convergent pour former un récit ample, portant sur des thèmes aussi variés que l'obsession de la mort et de l'au delà, les légendes, les esprits, le deuil, la vie en mer et le statut de la femme.
Les lecteurs qui s'attendent à un récit spéculatif sur le mystère de la Mary Céleste ou à un thriller seront sans doute déçus. Contrairement à ce que laisse présager son titre, ce roman ne porte pas, à proprement parler en tous cas, sur le mystère du fantôme de la Mary Céleste, et pourtant, celui-ci hante chacune de ses pages. Il se consacre bien davantage aux conséquences de la tragédie et à l'affect de ses personnages. C'est un récit de mer bien sûr mais aussi un roman historique et social, qui explore, de manière assez captivante, le XIXème siècle victorien, entre les Etats-Unis et l'Angleterre.
Quelques années après
Mary Reilly, Valerie Martin livre une fois encore un roman où l'amour de la littérature transparaît de manière très forte. Elle cite d'ailleurs, entre bien d'autres auteurs, Mrs Gaskell et Mrs Oliphant, deux des figures féminines les plus éminentes de la littérature victorienne.