La boucle de cheveux enlevée –
Alexander PopePayot - rivages
«
D’une jeune beauté je chante la colère,
Et les graves effets d’une offense légère. »
Ainsi commence ce poème « héroï-comique* » en 5 chants. Le terme* est de l’auteur.
L’intrigue : une femme se fait voler une boucle de cheveux.
Inspirée d’un fait réel. Un lord, a coupé, sans demander la permission, une boucle de cheveux d’Arabella Fermor. C’est donc une sorte de « fait divers aristocratique », que relate Pope, mais en vers.
Poème qualifié de classique mais empreint d’une fantaisie et d’une inventivité toutes Britanniques.
La forme est gracieuse, aérienne à l’image des Sylphes qui imbibent le récit. Ces créatures, transformées en anges gardiens par Pope, sont omniprésentes dès les premières lignes et annoncent, en songe, l’imminence de la catastrophe à l’héroïne, Belinde. Celle à qui un impertinent dérobera la boucle…
On croise aussi les gnomes, terreux, malicieux et mal intentionnés.
Pope, en ajoutant aux traditionnelles références mythologiques ces êtres surnaturels, confère une dimension merveilleuse à l’histoire.
Mais ce n’est pas tout : il se gausse !
De l’apparat, de la pompe, des apprêts féminins, etc… Une société sur la sellette : cette élite fermée, féminine, mondaine, plus préoccupée d’apparence que d’essence.
Le tout est savoureux car si léger, si galant, si esthétique…
En un mot, si artistique !
C’est un ravissement pour les sens (par les sonorités si fluides) et l’esprit…
En plus, Pope finit en apothéose.
Car la belle, au prix d’un combat (physique !) réussira à arracher sa boucle de cheveux au téméraire voleur.
Mais celle-ci lui échappe pour s’élever dans les airs, sous la voûte céleste…
Et l’auteur de moraliser sur la mortalité / l’immortalité de Belinde :
«
Tu dois mourir toi-même ; et lorsqu’un voile affreux
Aura fait éclipser ces astres lumineux,
Qu’on verra tes cheveux traîner dans la poussière,
La boucle, avec splendeur parcourant sa carrière,
Jettera sur ton nom un éclat immortel ;
et les siècles futurs le liront dans le ciel. »
PS : En refermant ce livre, j’ai eu l’impression de tomber d'un arc-en-ciel…