J'ouvre un topic à ce grand classique du cinéma italien que j'ai pris un grand plaisir à revoir il y a quelques jours. Il est actuellement disponible sur Arte.
Attirée par le succès, Aïda (Claudia Cardinale), une jeune danseuse de province, se laisse séduire par les belles promesses de Marcello, un don juan qui se lasse bientôt d’elle. Il demande alors à son frère Lorenzo (Jacques Perrin) d’éloigner la jeune fille. Celui-ci bien qu’âgé de 16 ans, est ému par la triste histoire d’Aïda et décide de la protéger. Pour cela, il n’hésite pas à inventer tout un stratagème…
Oeuvre majeure du cinéma italien, le film le plus célèbre de Valerio Zurlini puisse son imaginaire dans une tradition de très beaux films sociaux italiens pour finalement la dépasser. Sorti en 1961, il se démarque nettement du cinéma
sixties insouciant pour épouser le genre du néoréalisme de la décennie précédente mais avec une touche de modernité en plus.
Des les premiers plans, le réalisateur nous montre qu'il recherche une certaine forme de réalisme, mais un réalisme teinté de mélancolie, de tendresse et d'une certaine forme de romantisme.
La photographie en noir et blanc, somptueuse, faite de contrastes et étonnamment lumineuse, le rythme parfois abrupt du récit, les longs plans séquences... Tout participe à sublimer le décor de Parme et bien sûr la rencontre à l'alchimie parfaite entre Aida et Lorenzo, deux êtres solitaires et perdus.
Aida, piégée par sa beauté incandescente et son arrivisme naïf, est incarnée par Claudia Cardinale, une actrice qui avait déjà tourné quelques films mais n'était pas encore connue du grand public. Avec ce rôle taillé pour une très grande comédienne, elle brille de mille feux, ni plus ni moins. Elle est désarmante de naturel.
Tous les hommes ou presque n'ont de cesse de tourner autour d'elle, de tenter de la séduire voire d'abuser d'elle. Derrière sa façade de femme intrépide et ambitieuse, on sent toutefois des failles et une poignante vulnérabilité.
Claudia Cardinale est absolument merveilleuse dans ce rôle mais comme dans tous les grands films, c'est le regard du réalisateur qui donne le ton. Aida est littéralement magnifiée par le regard doux, sensible et délicat de Zurlini. Nous sommes très éloignés du "male gaze" traditionnel qui aurait épousé le point de vue des puissants et se serait repu des formes et de la beauté de l'actrice Ici, pour servir son propos, Zurlini garde Aida eu coeur de son film et lui accorde tout le respect qu'elle mérite et est en droit d'espérer. Le jeune Lorenzo est aussi un très beau personnage. Jeune lycéen brillant et romantique, il n'est pas encore corrompu par le machisme. Il semble même en être à des années lumière (mais jusqu'à quand ?)
Le film conte l'histoire d'une éducation sentimentale tendre et émouvante mais aux prises avec une Italie conservatrice, violente et misogyne.
Le réalisateur filme ses deux héros avec une lucidité qui n'a d'égale que sa compassion. Dans une société corsetée et machiste, ils ne semblent avoir aucune chance.
La Fille à la valise est un mélodrame subtile sur la cruauté des rapports de classe, avec un point de vue étonnamment intime et féminin, auquel Claudia Cardinale et Jacques Perrin insufflent la grâce de leur jeunesse et un grand talent.
A voir en parallèle ou en miroir avec le nom moins très beau film de Bolognini,
Le Bel Antonio (sorti un an plus tôt) et qui offre aussi une réflexion tout à fait intéressante sur la place des femmes et des hommes dans une société patriarcale (topic ici
)