J’ai découvert il y a quelques jours ce film de David Lean et je l'ai beaucoup apprécié.
David Lean a sans doute été l'un des réalisateurs britanniques (et hollywoodiens) les plus prolifiques de sa génération. Il s'est essayé au mélodrame (avec le fabuleux Brève rencontre - topic ici
), aux adaptations de grands classiques (
De grandes espérances, Oliver Twist, Chaussure à son pied) et connaît la consécration avec de grandes fresques historiques (
Lawrence d'Arabie, Le Pont de la Rivière Kwaï)
Vacances à Venise (
Summertime en VO), sorti en 1955, n'est pas son film le plus célèbre, ni le plus plébiscité mais a tout de même pour lui de sérieux atouts. Film de transition entre sa période britannique plus "intime" et celle, plus ambitieuse de ses grands succès hollywoodiens, il est aussi le premier que le réalisateur a tourné à l'étranger. Et le moins que l'on puisse dire, c'est qu’il y prendra goût.
Vacances à Venise est un drame romantique élégant et délicat qui offre un rôle de choix à Katherine Hepburn.
Elle y incarne Jane Hudson, une modeste secrétaire américaine qui voyage pour la première fois en Europe, et à Venise plus précisément. Dans la magnifique première séquence du film, alors que le train s'avance sur la lagune, Jane s'extasie sur tout et son enthousiasme devient rapidement communicatif. Il faut dire que la cité des Doges est sublimée par le regard de Jane et donc, la caméra de David Lean.
Les lieux se découvrent à nous comme ils apparaissent à notre héroïne, au détour d'une ruelle, d'une fenêtre ouverte, d'un coin de rue, et se révèlent encore plus majestueux que ce à quoi nous nous attendions.
Alors bien sûr, ces décors n'atteignent jamais la puissance émotionnelle des grandes fresques ultérieures du réalisateur mais c'est tout à fait naturel, « Vacances à Venise » touche à l'intime et non à l'épique.
Jane s'installe dans une pension tenue par la Signora Fiorini, fait la connaissances de 2 couples de touristes et d'un espiègle gamin des rues qui lui feront découvrir les coulisses de Venise (un personnage un brin dickensien et très attendrissant).
Mais mélancolique, Jane se sent de plus en plus esseulée dans une ville qui semble être le théâtre des amoureux.
Au cours de ses pérégrinations, elle s’attable à la terrasse d’un café sur la place Saint-Marc. Elle y attire tout de suite l’attention d’un séduisant italien aux tempes argentées (incarné par Rossano Brazi, le latin lover par excellence). Elle ne le sait pas encore mais cet antiquaire va la faire chavirer …
Au-delà de sa dimension romantique un peu classique, le film se démarque par le portrait tout en sensibilité d’une héroïne extraordinairement émouvante. Alors qu’elle nous avait habituée à des rôles de femmes fortes, Katherine Hepburn apporte fragilité et vulnérabilité à un personnage qui se distingue des représentations féminines traditionnelles. Jane n’est plus une jeune fille, c’est une femme d’âge mûr, ce qui détonne dans le paysage cinématographique du début des années 50. Elle est filmée avec tendresse, lucidité et sans fard, ce qui a parfois de quoi troubler. Jane est une femme d’action, une touriste curieuse et entreprenante mais qui révèle peu à peu ses failles au cours du récit. La solitude a rarement été filmée avec autant de naturel et de sincérité.
Bien que le film ne figure pas parmi les chefs d’œuvre du cinéaste, il a quelque chose de profondément attachant. David Lean déclarait lui même qu’il était son préféré. Malgré sa dimension parfois un peu académique, il n’est dénué ni de charme ni de fraîcheur. Et il doit beaucoup au charisme de son égérie et surtout à son lien si vibrant et exaltant avec Venise.
Bref, une belle découverte !