Entretien exclusif de Malika Ferdjoukh pour Whoopsy Daisy !

Oh là là, j'ai pris du retard ! Voici ENFIN la 3ème parti de l'entretien !

Citation :

Ecrire n’est pas une chose très facile pour moi. Même pas du tout. Je n’ai aucune discipline. J’ai beaucoup de mal à m’asseoir devant mon clavier. Non, ce n’est vraiment pas une chose évidente. J’entendais, il y a quelque temps, une collègue qui disait qu’elle avait tellement envie d’écrire qu’elle pouvait se lever à 4 heures du matin et hop…
Moi non. Pas hop. Jamais hop. Il n’est qu’à comparer mes « pauvres » seize ou dix-sept bouquins jeunesse écrits en 20 ans, à côté des soixante, ou quatre-vingts, voire la centaine, publiés dans le même laps de temps par un tas d’autres auteurs. Je suis une besogneuse et une paresseuse.
Avant, j’écrivais dans mon appartement, mais j’ai vite éprouvé le besoin d’écrire au dehors… mais dedans quand même. J’ai longtemps loué un studio. Maintenant, je sors de chez moi et je monte deux étages jusqu’à la chambre de service de 5m2. Je m’y sens bien. Je n’y écris pas obligatoirement. J’y lis. J’y regarde des films. J’y téléphone. J’y bois du thé avec un copain ou une copine. Le décor de l’endroit, se situe entre « Ici Londres » et un compartiment de l’Orient-Express. Vieille radio des 40’s, bureau anglais des années 20, une machine à écrire Underwood comme dans les films noirs américains récupérée un soir sur un banc à Boulogne Billancourt, une lampe de travail, sosie de celle de Jack Lemmon dans le film La garçonnière, une pendule soviétique noire. Et un coin lavabo très anglais, très Royal Scotsman. Je me demande comment tout ça arrive à tenir dans 5m2…
Je ne peux inviter qu’une seule personne à la fois dans ce bureau. Et pour qu’elle puisse entrer, je dois sortir mon fauteuil sur le palier. Je me suis inspirée de ça pour parler des chambres de service parisiennes dans « Geneviève » (mais j’ai aussi pensé au film « Rue de l’Estrapade » de Jacques Becker).
Je bois du thé, oui. Je n’aime pas le café. J’ai sûrement tort, vu le plaisir que semblent y prendre Lorelai et Rory Gilmore !
J’ai arrêté de fumer. Alors, quand mon paquet de Shortbread pur beurre est vide, ça veut dire que, ô miracle, j’ai écrit !

Roh j'adore l'idée de la chambre de bonne minuscule ! ça fait trop trop envie ! et sa déco
Et je ne parle pas de la référence à Lorelei et Rory !

Ça ne m'étonne pas du tout que tout le monde aime ses livres ici !

Je suis définitivement fan

Ce que nous livre là Malika Ferdjoukh est fascinant. Je trouve ca très intime et je la remercie de partager avec nous un bout de son quotidien d'écrivain, ses doutes, manies. En tant que lecteur, ca démystifie le processus d'écriture et dans le cas de Malika je trouve ca très touchant, très humble aussi.

C'est vraiment très intéressant à lire! j'ai bu ses paroles, la description qu'elle fait de sa pièce favorite est géniale à lire! je visualise bien! Je suis sous le charme, merci encore à Malika Ferdjoukh de nous faire partager tout ça!

Ooh, une partie des réponses aux questions que je me posais ! Merci beaucoup, Emjy, de nous faire partager cet entretien exclusif rédigé avec tant de soin, de tendresse et de malice par l'intéressée.

Je me reconnais beaucoup dans cette manière de "travailler", même si je ne suis pas écrivain...

J'aime beaucoup l'ambiance, le décor de cette petite pièce intime, et la référence à La Garçonnière de Billy Wilder, qui n'est pas mon film préféré de ce réalisateur, mais dont j'aime beaucoup le côté devenu aujourd'hui "rétro" de la décoration - puisque tout se passe dans l'appartement du héros, pratiquement.

La façon dont Malika Ferdjoukh décrit ses méthodes et lieux de travail me fait un peu penser à Agatha Christie dans son autobiographie, qui raconte que ses connaissances voulaient à toute force savoir à quoi ressemblait son bureau, et elle de confesser qu'elle pouvait se mettre à écrire n'importe où, de préférence sur la table de la cuisine... par la suite, je crois qu'elle a investi dans un vrai bureau, pour la galerie, mais qu'elle n'écrivait jamais dedans.

Merci beaucoup, c'est vraiment très intéressant (j'ai l'impression de me répéter, mais je n'ai rien de plus constructif à dire )

Merci à Malika & à Emjy bien sûr. Popila, en lisant la réponse de Malika, je me suis fait la même réflexion que toi et je pensais à ce film de Billy Wilder..

Bon, ce soir, j'ai décidé de vous poster pas moins de 2 parties de l'entretien ! Et oui, il m'arrive d'avoir bon coeur

Citation :

J’écris à l’ordinateur direct. Mais pour ça, il faut que j’aie réfléchi, potassé, noté, écrit des petits bouts au… crayon noir. Mine 4B. Ça glisse sur le papier juste comme il faut, la mine 4B. Souple, doux, sans être trop gras (non, je ne parle pas d’une crème hydratante !). J’ai une ribambelle de taille-crayons. Parce que, bien sûr, la pointe doit être… pointue !
Quant à l’heure…. Si l’on me voit écrire le matin, ça veut dire que je ne me suis pas couchée et que je suis en train d’achever ma journée de travail. C’est rare. C’est plutôt l’après-midi et/ou le soir. C’est à ça qu’on distingue, je crois, les « productifs » des flemmards dans mon genre. Les premiers bossent plutôt le matin. Des types comme Patrick Cauvin ou Max Gallo, qui noircissent une quantité affolante de pages, bossent au petit matin et ont toute la journée pour vivre sans culpabilité !
Ça m’ennuie, souvent, d’être aussi peu tenaillée par le démon de l’écriture. Je veux dire, ça m’est totalement indispensable et en même temps, impossible d’écrire autant que j’aimerais. Gaston Leroux disait dans son journal « Ecrire au moins 4 pages par jour ».
4 pages ! Il a raison ! Imaginez 365 fois 4 pages !? Et les années bissextiles, alors !
Mais non. Je peux écrire beaucoup, beaucoup plus que 4 pages en une journée, mais CERTAINEMENT PAS TOUS LES JOURS !
Et, en tout cas, jamais ailleurs que dans mon alvéole du 6eme étage ! Dans les trains, dans les cafés, j’ai seulement des idées, mais je ne pourrais pas y écrire. Je n’ai même pas de petits carnets. Enfin, si, j’ai plein de petits carnets, parce que je traîne le fantasme de l’écrivain qui a des petits carnets… Mais ils sont tellement jolis, mes carnets, que je n’ose pas les entamer. Alors, ils sont tous vides, en pile. Déprimant. J’ai le souvenir d’une collègue de littérature jeunesse qui se baladait (se balade peut-être encore ?) avec un petit cahier qu’elle entrouvrait sur ses genoux et annotait tout dès qu’elle entendait une phrase, une formule, un truc. Comme on attrape des mouches ou des papillons pour naturaliser. Ç’a a un côté taxidermiste. J’aimerais savoir faire ça. Mais ça me fait un ricaner en réalité. C’est avouer qu’on est un peu courant d’air. Pour ma part, je me dis qu’une bonne idée qu’on oublie, c’est qu’elle n’est pas si bonne. On se console comme on peut.

Citation :

Les prénoms des 4 Sœurs… On m’en parle beaucoup. Mais j’ai vécu mon enfance avec l’impression d’avoir un nom improbable. Fallait toujours épeler, répéter, etc. Et puis, un jour, je me suis rendue compte que « Malika » c’était devenu très commun et je me suis dit « ouf ! ».

Mais, Engelbert Humberdinck… il existe, vous savez ! Ils sont même deux à porter ce nom !
Au départ, il y a trèèèèèèès longtemps, vers 1992, quand j’ai déposé le synopsis de Les Quatre sœurs au Centre National des Lettres pour avoir une bourse, elles portaient d’autres prénoms. Charlie se nommait Fred pour Frédérique. Et puis, il y a eu le succès de Fred Vargas et je ne voulais pas avoir l’air de copier. Bettina s’appelait… Laurie ! Si. Si. Geneviève était Camille (ou Juliette, j’hésitais entre les deux). Quant à Enid, c’était Louise.
Mais quand j’ai commencé à écrire, vraiment écrire, à taper sur mon clavier, en octobre 95, les noms définitifs étaient trouvés.
Je ne peux pas commencer sans connaître les noms. Enfin, ça m’est arrivé une fois. Dans Fais-moi peur, j’ai écrit tout le roman en appelant Gervaise, « Eugénie »… Et c’est seulement un an plus tard, quand j’ai corrigé le roman, que j’ai commencé à le faire lire, que j’ai éprouvé l’envie de la re-nommer. Impossible de vous dire pourquoi.
*

Décidément, je suis de plus en plus conquise !!
Moi aussi j'ai le syndrôme de l'amour des carnets dans lesquels je n'ose ensuite même pas écrire tellement je les trouve beaux !

Elle me fait un peu penser à une amie aquarelliste qui passe ses journées entre les cours qu'elle donne, ses bouquins, ses animaux, sa ribambelle de garçons et son mari un peu bohème/un peu chanteur et qui, la nuit, quand tout ce beau monde est au lit, peint ! J'ai toujours trouvé ça fascinant.

Tout comme JO, je suis conquise.

J'aime vraiment beaucoup comment elle nous raconte les endroits où elle écrit ont l'air si magique, sa façon d'écrire et ses moments, comment elle pioche ses idées. C'est vraiment intéressant de savoir l'arrière du décor quand on connait les écrits.

Ah, j'adore !

JO a écrit:

Moi aussi j'ai le syndrome de l'amour des carnets dans lesquels je n'ose ensuite même pas écrire tellement je les trouve beaux !

Bienvenue au club !

Sinon, Zola se forçait à écrire un page par jour... et avait parfois bien du mal !

Quant aux prénoms des quatre soeurs, ils vont tellement de soi, je trouve, que j'ai peine à imaginer à en imaginer d'autres.

Merciiiiii !

Merci beaucoup Emjy! J'aime beaucoup l'univers de Malika Ferdjoukh et c'est vraiment gentil à elle de nous le faire partager.

Merci Emjy pour cet entretien. Il est tout à fait passionnant. Merci à l'auteur également .

Merci encore Emjy & Malika, c'est de plus en plus passionnant! Merci à Malika pour sa générosité! J'adore la référence à Gaston Leroux!! C'est vrai qu'il avait un emploi du temps drastique!!

Quelle interview passionnante ! Merci encore Emjy. J'adore ses réflexions sur la difficulté d'écrire. Et sa chambre de bonne a l'air super !

Je suis ravie que la lecture de cet entretien suscite autant d'enthousiasme
J'ai pris du retard, j'essaierai de poster les 2 prochaines parties ce soir !

Je poste ENFIN les 2 parties suivantes ! Il y a de quoi faire, c'est encore une fois passionnant

Citation :

Mes livres jeunesse sont encore disponibles pour la plupart. Il y a eu des réimpressions, des rééditions, sauf pour un : Comme sur des roulettes. Mais on le trouve en bibliothèque.
En revanche, mes romans dits « sentimentaux » (il y en a certains que j’aime beaucoup, que j’ai écrits de tout mon cœur), c’est plus difficile. Quoique.
Vous savez, sur les marchés, ou dans ces librairies brocantes au bord de la mer ? En général, ils sont dans un bac, dehors, sur le trottoir, à 1 euro, avec les Harlequin. Si vous avez le courage de fouiller… Je vous chuchoterai mes 3 ou 4 pseudos hors antenne, histoire de cultiver l’incunable et l’ésotérique… Sachez cependant qu’il s’agit des noms et prénoms d’héroïnes de films d’Hitchcock.
J’en ai écrit une quinzaine. Sur le tas, il y en a une bonne dizaine dont vraiment je ne rougis pas. Que j’aime bien, même. Et dans le reste, il y a des passages, des phrases, des personnages que je revendique carrément.

et

Citation :

Plusieurs prénoms se bousculent au portillon de ma trilogie sur la Commune. Ce qui fait que je n’ai pas encore osé véritablement plonger dedans. Je me déculpabilise en lisant beaucoup de documents autour de cette période, comme je l’avais fait pour Taille 42.
Tout ce que je peux dire, c’est qu’il s’agit, durant les 3 mois (1 mois par tome) qu’a duré la Commune, de la vie d’une famille aisée du 9eme arrondissement. Le récit est en partie conté par la cadette de 13-14 ans. Mais l’héroïne est l’aînée de 17 ans. Entre Zorro au féminin et Fantômette jeune adulte, elle quitte son hôtel particulier, masquée, pour aider les « communeux » (on ne disait pas encore « communards »). A côté de cela, elle mène une vie de jeune fille de la bonne société parisienne du second empire.
Le 1er livre commence avec le bal où vont être annoncées ses fiançailles. Mariage programmé, mariage de raison… Mais une conversation surprise dans la bibliothèque (il y a toujours une conversation qui ne doit pas être entendue dans ces histoires-là, n’est-ce pas ?!) entre son futur et un ami, va changer ses perspectives.
Mon repère, c’est le bal d’Anna Karénine. Il a une structure exemplaire. Je ne vais pas m’en inspirer, bien sûr, ni même le respirer, mais je sais qu’ Anna sera là, derrière moi, pour me dire si je vais ou non vers le bon chemin.
Vous savez ce que j’ai fait, en septembre ? Je me suis offert un carnet de bal, un vrai, en corne, Napoléon III, trouvé chez un antiquaire normand. Avec encore son petit crayon ciselé et une feuille où sont inscrits des mots comme « cavalier », « danse». Tout ça dans un petit écrin avec le nom de la boutique où il fut acheté , boulevards des Capucines à Paris…. Au XIXeme siècle, donc.
Dès que je l’ai vu, mon héroïne était là, dans la bibliothèque avec sa petite sœur, le fiancé qui se confie à son ami sans savoir qu’il est écouté, tout ça.
Et du coup, tous les bals de la littérature se sont invités… à mon bal ! Les filles March, Scarlett, Karénine, Emma Bovary, Austen…
En fait, je crois que je sais pourquoi je n’écris pas davantage, c’est parce que j’adore le processus d’élaboration et de cristallisation. « L’écriture debout », en somme. La rencontre entre le hasard et le projet qui est en train de naître. Si je n’avais pas trouvé ce carnet, je n’aurais peut-être pas commencé le livre par un bal. Mais en même temps, si mon œil a été attiré par ce carnet de bal, c’est que j’étais en état de « réception ». Après tout, j’ai dû en croiser d’autres, auparavant, des carnets de bal, mais mon regard n’était alors pas attentif à un tel objet.

Oh la la j'ai vraiment hate de lire cette nouvelle trilogie, l'histoire à l'air vraiment intéressante j'ai hâte hâte hâte!!

Et en plus ça se passe au 19è siècle et ça commence par un bal

Même réaction que Trillian . Cette trilogie donne vraiment envie. C'est une excellente idée de placer une intrigue pendant cette période de l'histoire française. J'aime beaucoup la liste des bals célèbres qu'elle donne. Ce doit être émouvant d'avoir un objet comme le carnet de bal qu'elle a trouvé.

Merci Beaucoup Emjy (et Malika ) pour cet entretien, c'est vraiment fabuleux J'ai également hâte de lire cette trilogie, l'histoire du carnet de bal est vraiment incroyable, quel objet qui appelle à la rêverie !

Une fois de plus, c'est tout à fait passionnant !

J'aime beaucoup ce passage, et le fait que Malika Ferdjoukh ait choisi pour pseudonymes les noms et prénoms d'héroïnes d'Hitchcock :

Citation :

En revanche, mes romans dits « sentimentaux » (il y en a certains que j’aime beaucoup, que j’ai écrits de tout mon cœur), c’est plus difficile. Quoique. Vous savez, sur les marchés, ou dans ces librairies brocantes au bord de la mer ? En général, ils sont dans un bac, dehors, sur le trottoir, à 1 euro, avec les Harlequin. Si vous avez le courage de fouiller… Je vous chuchoterai mes 3 ou 4 pseudos hors antenne, histoire de cultiver l’incunable et l’ésotérique… Sachez cependant qu’il s’agit des noms et prénoms d’héroïnes de films d’Hitchcock.

Et comme je vénère Tolstoï depuis que j'ai (re)lu Anna Karénine et Guerre et Paix en septembre, cette nouvelle trilogie est un fantastique appel du pied auquel je sens que ma carte bancaire va trèèès difficilement résister !

Ohlala, de mieux en mieux !!
Comme elle nous donne envie de lire ses livres ! C'est presque... cruel
Je ne sais pas si elle a une attachée de presse mais je pense qu'elle n'en a pas vraiment besoin

Je ne savais pas qu'elle avait écrit des romans sentimentaux... Je sens qu'on va assister à une recrudescence de filles qui fouillent dans les bacs dans les prochains temps

Déjà quand elle nous en avait parlé au salon du livre de jeunesse, l'idée me plaisait énormément, mais là avec tout ce qu'elle nous en dit, je suis très très impatiente de lire cette trilogie.

Merci à Malika Ferdjoukh pour ses réponses très détaillées !

Et pourra-t-on connaitre ses pseudos, j'ai bien envie de lire un de ses romans sentimentaux.