Vie et mort d'Harriett Frean de May Sinclair

Joie : un autre ouvrage de May Sinclair sort enfin en français
Vie et mort de Harriet Frean, le 11 janvier chez Cambourakis et en poche !

Citation :

Harriett, que ses parents chérissent, correspond à l'image de la petite fille parfaite. Mais dans l'Angleterre victorienne, c'est loin d'être un modèle d'émancipation. Alors que ses principes sont mis à l'épreuve, elle finit par faire un choix qui agit sur sa vie comme une lente déflagration. L'auteure décrit sa vie de sa naissance à sa mort.

Quelle super nouvelle ! Hâte de voir la couverture.

Et voici la couverture :

Elle est pas mal, mais j'avoue que je m'attendais à mieux de la part de Cambourakis

Je suis ravie de cette nouvelle : j'avais beaucoup aimé Les Trois soeurs et je regrettais qu'il n'y ait pas d'autres romans de May Sinclair disponibles en français.

Je n'ai toujours pas sorti "Les trois sœurs" de ma pal mais je vais bien évidement acheter Vie et mort de Harriet Frean...je suis incorrigible !

Cette édition Cambourakis a été préfacée par Diane de Margerie. La portrait qui figure sur la couverture est de Sargent (Portrait of Catherine Chase Shapley, 1890)

Je me suis permise de créer un sujet à ce roman à partir des messages existants car je sais que nous sommes plusieurs à l'avoir lu

Comme le titre le laisse deviner, Vie et mort d'Harriett Frean nous retrace en un peu plus d'une centaine de pages la vie d'une femme de l'époque victorienne, qui sera durement éprouvée par les épreuves de la vie.
J'avais été prévenue de la noirceur de ce roman, il n'empêche que le ton m'a surprise : l'intrigue est assez sombre dans le sens où l'on voit défiler sous nos yeux la vie d'une personne et que clairement ce n'est pas la joie de vivre qui domine

Spoiler:

C'est assez éprouvant à lire car on se demande un peu quel message l'autrice veut faire passer là derrière, même si j'y ai décelé une critique de la société victorienne mais aussi du modèle familial où le père est tout puissant et définit la personnalité et le comportement des femmes de la famille... Il y a également une réflexion sur la vie, le temps qui passe, les espoirs ou les attentes que l'on peut avoir sur certaines choses, les relations sociales... Ce qui donne une certaine universalité à cette histoire, un lecteur du XXIe siècle peut tout à fait se retrouver par moments dans les mots de May Sinclair.

L'héroïne, Harriett Frean, est tout aussi complexe : on s'attache à elle et on prend pitié devant les épreuves qui parsèment sa vie, mais en même temps je la trouve assez antipathique dans sa manière de se poser parfois en victime et sa façon de traiter ses proches (l'histoire avec sa domestique en particulier me reste encore en travers de la gorge !)

Au final, je dirais que Vie et mort d'Harriett Frean est un roman plus complexe que sa brièveté ne laisse supposer et fait partie de ces oeuvres qui hantent le lecteur bien longtemps après les avoir terminés.

Je viens de terminer ce court roman avec lequel je découvre May Sinclair.

Je suis admirative qu'en si peu de pages (environ 125) l'auteure ait pu rendre compte de toute une vie de frustration, d'obéissance, de lutte acharnée pour entrer dans le carcan qu'on attend d'elle.
On pourrait associer à Harriett la célèbre réplique d'Elizabeth II "Never explain, never complain"

On s'attarde beaucoup sur son enfance, qui détermine beaucoup le caractère et les actes à venir. May Sinclair était très intéressée par la psychanalyse et sans jamais l'évoquer, le lecteur comprend pourquoi elle s'attarde tant sur certains épisodes de sa jeunesse, alors que sa vie est ensuite racontée rapidement. Jusqu'à sa (relative) vieillesse où elle va voir ressurgir les scènes du passé enfouies au fond d'elle-même.

Je n'ai pas réussi à éprouver de l'empathie pour cette petite fille, incapable de réagir devant une injustice (je pense à la scène du goûter), pour cette jeune femme, si peu curieuse du monde, enfermée dans le minuscule cocon que ses parents ont tissé autour d'elle et si peu empathique elle-même avec les autres (Priscilla, sa mère, la domestique).

C'est un roman vraiment fort sur la puissance destructrice d'une éducation "victorienne" guindée, même si on sent que les parents reproduisent simplement un schéma qu'ils ont eux-mêmes vécu et qu'ils pensent faire le mieux pour leur fille, qu'ils aiment certainement sincèrement.

J'ai trouvé glaçante et très dérangeante la scène avec son père, après son expérience de désobéissance :

Citation :

- tu sais de quoi tu as été coupable ?
- J'ai désobéi.
- Tu as fait plus que cela. Tu as trompé notre confiance. C'est mesquin. Mesquin et déshonorant de ta part : tu savais très bien que tu ne serais pas punie.
- Il n'y aura pas de punition ?
- Non. Les punitions sont faites pour rafraîchir la mémoire. Et nous voulons te faire oublier."
Son bras la serra davantage, la rapprochant un peu plus de lui. Et la voix secrète et bonne continua :
"Oublier ce qui est laid. Tu comprends, Hatty. Rien n'est défendu. Nous ne te défendons rien, parce que nous avons confiance que tu feras ce que nous te demandons. Que ta conduite soit toujours belle... Allons, allons !"
Elle avait caché sa figure contre son manteau rugueux, et elle pleurait.
Il lui faudrait toujours faire ce qu'ils attendaient d'elle ; la douleur de ne pas le faire était trop grande pour qu'elle puisse la supporter. C'était facile de dire qu'il n'y aurait pas de punition : leur tristesse serait la sanction. Plus douloureuse que tout. D'une douleur qui ne cessait de lui faire mal quand elle y pensait    

DViolante a écrit:

On s'attarde beaucoup sur son enfance, qui détermine beaucoup le caractère et les actes à venir. May Sinclair était très intéressée par la psychanalyse et sans jamais l'évoquer, le lecteur comprend pourquoi elle s'attarde tant sur certains épisodes de sa jeunesse, alors que sa vie est ensuite racontée rapidement. Jusqu'à sa (relative) vieillesse où elle va voir ressurgir les scènes du passé enfouies au fond d'elle-même.

Clairement le passage dans les bois sur le chemin où elle ne doit pas aller, mais où elle s'égare finalement sans que l'on sache vraiment ce qu'il se soit passé, ça fait vraiment inspiré des courants de psychanalyse en vogue à l'époque.

Il y a tellement de choses à dire sur ce pourtant court ouvrage, c'est impressionnant.

Et il marque profondément, puisque je me souviens encore de bon nombre de détails.

Shelbylee a écrit:

Clairement le passage dans les bois sur le chemin où elle ne doit pas aller, mais où elle s'égare finalement sans que l'on sache vraiment ce qu'il se soit passé, ça fait vraiment inspiré des courants de psychanalyse en vogue à l'époque.

Il est génial ce passage car jusqu'à la dernière page on ne sait pas ce qui s'est passé et pourtant on imagine très bien ce qui a pu se passer et c'est presque même pire. Ca reflète vraiment l'importance des nons-dits et comme quoi, un excellent livre n'a pas besoin de longues descriptions : une simple suggestion est souvent beaucoup plus marquante.

sandie a écrit:

Shelbylee a écrit:

Clairement le passage dans les bois sur le chemin où elle ne doit pas aller, mais où elle s'égare finalement sans que l'on sache vraiment ce qu'il se soit passé, ça fait vraiment inspiré des courants de psychanalyse en vogue à l'époque.

Il est génial ce passage car jusqu'à la dernière page on ne sait pas ce qui s'est passé et pourtant on imagine très bien ce qui a pu se passer et c'est presque même pire. Ca reflète vraiment l'importance des nons-dits et comme quoi, un excellent livre n'a pas besoin de longues descriptions : une simple suggestion est souvent beaucoup plus marquante.

C'est vraiment le passage qui m'a le plus marqué dans le roman.
Celui que j'ai lu en présentant l'ouvrage au club lecture de la maison de retraite que j'anime une fois pas mois.