N’essuie jamais de larmes sans gants de Jonas GardellKärleken (20/07/2012)
Traduit par Jean-Baptiste Coursaud et Lena Grumbach
Parution le 07/09/2016 aux
Editions Gaïa592 pages
Présentation de l’éditeur : Rasmus quitte enfin la Suède profonde pour Stockholm où il va pouvoir être lui-même et ne plus se faire traiter de pédé mais l’être vraiment. Benjamin vit dans les préceptes et le prosélytisme inculqué par ses parents. Sa conviction vacille le jour où Paul, qu’il est venu démarcher, l’accueille avec simplicité et bienveillance, et lui lance « Tu le sais, au moins, que tu es homosexuel ? » Rasmus et Benjamin vont s’aimer, et l’un d’eux va mourir, comme tant d’autres. Ils étaient pleins de vie, une bande d’amis qui s’étaient choisis comme famille. Ils commençaient à être libres lorsque les premiers malades séropositifs au VIH furent condamnés à l’isolement. Pour la première fois en France, LE roman suédois sur les années sida, une épidémie mortelle inconnue, face à la quelle toutes les politiques sociales ou sanitaires échouèrent.
Mon avisL'amour, la maladie, la mort…
Tel est le chemin tracé pour un homosexuel à Stockholm au moment de l’apparition du « cancer gay« , le sida, et partout ailleurs dans le monde j’imagine. Ajoutez à cela le déni, l’exclusion, le rejet, l’humiliation et le tableau sera complet.
Début des années 80 : Rasmus débarque à Stockholm où il peut enfin vivre son homosexualité, où il se sent enfin chez lui.
- Citation :
- Vous deviez voyager si loin pour arriver enfin chez vous.
Là, il rencontrera Paul, Bengt, Reine mais surtout Benjamin, l’amour de sa vie, un témoin de Jéhovah tentant de concilier sa foi avec ce qu’il est au fond de lui, un homosexuel. Benjamin a ce désir simple qui lui est pourtant interdit par sa religion :
- Citation :
- Je veux dans ma vie pouvoir aimer quelqu'un qui m'aime.
Certaines familles acceptent l’homosexualité de leur enfant par amour pour lui et par peur de le perdre, d’autres rejettent en bloc la situation, comme si leur fils n’existait pas, d’autres encore ne sauront jamais rien et leur enfant mourra dans l’isolement et la solitude.
Jonas Gardell use de flashbacks ainsi que de l’alternance entre les points de vue, nous promène d’une époque à une autre, d’un personnage à un autre, et entrecoupe son récit de faits historiques, d’extraits d’essais ou d’articles de journaux écrits sur le sida, au moment de son émergence ou plus tard.
Il jette ainsi un éclairage factuel sur la manière dont la société, influencée par les médias, a perçu cette maladie et la vision des homosexuels qui en découle. Il nous donne également des informations sur le traitement des gays à travers l’Histoire, j’ai été notamment assez choquée par leur sort dans les camps de concentration, pire que celui réservé aux juifs, si l’on se peut se permettre une échelle dans l’horreur.
Certaines scènes reviennent plusieurs fois dans le roman, prennent valeur de symbole : celle de l’apparition de l’élan blanc par exemple.
J’ai aimé la symétrie entre le titre, expliqué dès les premières pages, et l’extrait de la Bible que Benjamin récite à Rasmus :
- Citation :
- Et il essuiera toute larme de leurs yeux, et la mort ne sera plus ; ni deuil, ni cri, ni douleur ne seront plus.
Je referme ce livre bouleversée et me rends compte soudain que mes personnages de fiction favoris se trouvent être des homosexuels : Fenno, Danny Upshaw et maintenant Benjamin…
Cette histoire, c’est celle de Benjamin, c’est celle de Rasmus, de Paul, de Bengt mais aussi de tous les homosexuels en Suède dans les années 80.
- Citation :
- Ils se tiendront là pour toujours, Rasmus et Bengt, nus, jeunes, avec leur coprs musclé et bronzé, en cet instant de liberté et de bonheur, alors que rien ne saurait les vaincre.