Lytton Strachey, figure emblématique du groupe Bloomsbury, a écrit un nombre incalculable de lettres pendant sa vie.
L'ouvrage édité par Paul Levy (et très bien annoté avant chaque lettre, pour que le lecteur identifie qui est telle personne, quel est son lien avec Lytton etc..) n'inclut pas la totalité des lettres.
Certains jours, Lytton Strachey écrivait six lettres
Ce recueil de lettres, qui vont de 1900 jusqu'en 1931, quelques jours avant sa mort prématurée d'un cancer de l'estomac non diagnostiqué, est passionnant à lire.
Mieux qu'une biographie, ces lettres permettent de tout connaitre de Lytton Strachey, ses amitiés, ses passions amoureuses, son amitié indefectible avec Leonard Woolf, son admiration et son affection sans borne pour Virginia Woolf, sa relation avec Dora Carrington, son frère James, sa relation amitié-jalousie avec Maynard Keynes etc..
(ci-dessous Carrington, son mari Ralph Partridge et Lytton Strachey)Les lettres se divisent en périodes:
La première partie, probablement la plus intéressante, nous fait découvrir Lytton Strachey en 1900, étudiant et post-étudiant qui s'épanche sur sa vie dans les centaines de lettres qu'il a envoyé à Leonard Woolf qui a vécu pendant 7 ans à Ceylan.
Ces lettres, qui déjà montrent l'attachement entre les deux hommes, sont passionnantes à lire puisque Lytton l'explique dans une de ses lettres: il s'en sert un peu comme un journal.
Il est très ouvert dans ses lettres.
Il parle de ses amis étudiants, de Thoby Stephens (frère de Virginia Woolf et de Vanessa Bell) dont il évoque la maladie puis la mort soudaine d'une façon très émouvante, ses espoirs d'une carrière dans l'écriture et surtout sa passion amoureuse absolue pour Duncan Grant
Lettre de Lytton à Maynard Keynes (futur compagnon de Duncan Grant et rival amoureux pendant de longues années)
- Citation :
- I've managed to catch a glimpse of Heaven. Incredible, quite yet so it happened (...). Oh yes, it's Duncan.
Ci-dessous Bertand Russel, Maynard Keynes et Lytton StracheySes lettres évoquent sa jalousie suprême lorsque Duncan lui préfère Maynard Keynes.
Sa rencontre avec les sœurs Stephen est très intéressante. Il voue une admiration absolue envers Virginia et lui écrira toujours avec une grande affection.
Il peut être caustique :
- Citation :
- Bell and Vanessa are to be married tomorrow. She is very intelligent: how long will it be before she sees he isn't?
De même, il comprend rapidement que Leonard, pourtant loin à Ceylan, serait idéal pour Virginia
- Citation :
- You must marry Virginia. She is the only woman in the world with sufficient brains.It's a miracle that she should exist.
La deuxième partie de ses lettres qui est aussi très intéressante est celle concernant les années 1914-1918 et les innombrables recours juridiques qu'il a du faire pour être reconnu comme objecteur de conscience.
Car il faut savoir qu'il aurait pu être envoyé en prison, aux travaux forcés ou même de force sur le front.
Passionnément pacifiste, comme beaucoup de ses amis (Clive Bell, Duncan Grant, Bunny Garnett etc..), ses lettres font découvrir la période de la guerre sous un autre angle.
La rencontre avec Carrington et sa décision de s'installer à la campagne pour écrire (ses livres sur la reine Victoria et
Eminent Victorians) forme une partie à part entière.
Aussi surprenant que cela puisse paraître, les lettres à Carrington m'ont ennuyées. Même si elles reflètent l'amour qu'ils se portaient, elles ne sont pas passionnantes.
L'intérêt revient avec les lettres qu'il adressa à son dernier amant, Roger Senhouse.
Je ne peux pas résumer ce recueil de livre dans un seul commentaire tant il y a de choses à dire.
Je recommande ce livre qui offre un aspect inédit du groupe Bloomsbury, puisque Lytton parle et écrit beaucoup aux autres membres.
Toutes les lettres qu'il a envoyé à Virginia Woolf sont dans ce recueil.
Se trouve également dans ce livre une lettre de Clive Bell (probablement jamais envoyée) d'une violence absolue envers Lytton Strachey.
Cette lettre énumère tous les travers de L. Strachey (l'égocentrisme, le snobisme etc..) et est fascinante