Dominion de C.J. Sansom

C.J. Sansom a laissé brièvement de côté sa série des "Matthew Shardlake" pour écrire Dominion, sorti l'an dernier et qui a eu un énorme succès en Angleterre.


Il s'agit d'une uchronie, car C.J. Sansom imagine que l'Angleterre a signé la paix avec l'Allemagne en mai 1940 et est devenu un de ses "dominions", c'est-à-dire un pays allié et soumis aux Nazis même s'il dispose de son propre gouvernement (d'extrême-droite évidemment). Il y a cependant une forte opposition, la Résistance britannique, dirigée par Churchill et ressemblant beaucoup à la Résistance française dans ses actions et son fonctionnement.
L'intrigue se déroule en 1952, nous suivons David Fitzgerald, un fonctionnaire travaillant au Dominion Office (chargé des relations avec l'Allemagne) et qui effectue quelques missions d'espionnage pour la Résistance. Il est un jour contacté pour une mission de plus grande envergure, celle de faire évader d'un asile psychiatrique l'un de ses amis de lycée, Frank Muncaster, et de lui faire rejoindre les Etats-Unis. Frank, un scientifique très doué mais instable psychologiquement, est en effet recherché par les Nazis car il a appris malgré lui et par l'intermédiaire de son frère, également scientifique mais émigré aux Etats-Unis, un secret capable de changer le cours de l'Histoire...

Dominion est un roman très riche et très complexe, tout d'abord de par le mélange des genres : roman policier teinté de science-fiction (pour l'uchronie) mais surtout d'espionnage. L'intrigue est également très touffue, on est plongé dès les premières pages dans cet univers si particulier, il y a beaucoup de personnages, la dimension historico-politique est très présente... J'avoue que j'ai eu beaucoup de mal à rentrer dans l'histoire et à y focaliser ma concentration.
Les choses s'améliorent au bout d'une centaine de pages, une fois qu'on comprend les liens entre les différents personnages et que l'histoire se précise, et j'ai été assez scotchée par ce roman : l'intrigue est bien construite et très prenante et l'univers créé par C.J. Sansom est fascinant (et incroyablement documenté si l'on en croit les notes historiques et bibliographiques à la fin du roman).
S'il fallait faire une comparaison, je dirais que Dominion est un très bon croisement entre Fatherland de Robert Harris (pour l'uchronie) et les romans de John Le Carré (pour les intrigues complexes et l'espionnage).

Quelle superbe présentation

Ce livre me semble passionnant et je le rajoute immédiatement dans ma PàL
Je connais CJ Sansom grâce à ses livres sur Matthew Shardlake, et je suis très intéressée par ce roman.
L'uchronie dont tu parles est la plus répandue il me semble dans la littérature (il me reste à lire Fatherland dont je n'ai entendu que du bien) et est très intéressante.
Alors si en plus, tu considères que c'est un croisement entre ce livre et John Le Carré , je ne peux que le lire.
J'espère le lire très prochainement

Je suis moi aussi plus que tentée par cette présentation !

Je pense néanmoins que j'attendrai sa sortie en poche, surtout que j'ai déjà les Shardlake à lire...

Diana a écrit:

L'uchronie dont tu parles est la plus répandue il me semble dans la littérature (il me reste à lire Fatherland dont je n'ai entendu que du bien) et est très intéressante.
Alors si en plus, tu considères que c'est un croisement entre ce livre et John Le Carré , je ne peux que le lire.
J'espère le lire très prochainement

Effectivement, j'ai l'impression que de nombreuses uchronies prennent pour point de départ une victoire de l'Allemagne nazie : il faut dire qu'il y a de la matière pour un tel sujet et personnellement, ce sont parmi celles qui m'intéressent le plus... Fatherland est d'ailleurs la meilleure que j'ai lu et C.J. Sansom en parle dans sa notice bibliographique comme une de ses sources d'inspiration pour Dominion.
Le croisement avec John Le Carré, c'est juste un ressenti personnel, je ne sais pas si d'autres le voient également : c'est surtout la complexité de l'intrigue, la nature de la mission confiée au héros et l'ambiance pesante qui me poussent à faire cette comparaison.

Shelbylee a écrit:

Je pense néanmoins que j'attendrai sa sortie en poche, surtout que j'ai déjà les Shardlake à lire...

Il me reste juste le dernier, Corruption à lire : si tu veux qu'on se fasse une lecture commune, dis-moi

Ok je n'ai pas encore lu le premier, alors ce ne sera pas pour tout de suite, mais si tu ne l'as pas lu d'ici là pas de souci.

Je suis très tentée par Fatherland aussi.

Dans le même genre, il y a SS-GB de Len Deighton (paru bien avant Fatherland), le concurrent de John Le Carré, pratiquement inconnu en France.



http://en.wikipedia.org/wiki/SS-GB

Pour info, Deighton est le créateur de Harry Palmer, l'espion britannique anti-James Bond (il est myope ...), incarné à plusieurs reprises au cinéma par Michael Caine (les 2 premiers volets de la trilogie sont à voir absolument).

Il est sorti en poche le 24 juin. Je viens de l'acheter et de le commencer

J'ai hâte d'avoir ton avis, ce livre semble passionnant.

Pour l'instant, j'aime vraiment beaucoup mis à part l'utilisation un peu trop récurrente des retours en arrière qui cassent un peu le rythme.
Mais pour le reste c'est génial, j'en suis déjà p 370 (sur 900 et quelques).

Shelbylee a écrit:

Pour l'instant, j'aime vraiment beaucoup mis à part l'utilisation un peu trop récurrente des retours en arrière qui cassent un peu le rythme.

C'est aussi un élément qui m'a un gêné au début, j'avais vraiment du mal à suivre avec ça.
J'attends moi aussi ton avis final avec impatience !

Je viens seulement de finir le livre, j'ai eu besoin d'une pause. Voici donc mon avis.

J'ai beaucoup aimé toute la première moitié du livre. Elle nous explique ce qu'il s'est passé après la guerre. On voit David dans ses missions de renseignements qui, même si elles sont simples, nécessitent quand même beaucoup de mensonges et de manipulation. On découvre son réseau. En parallèle, on découvre la vie de son ami Frank Muncaster et les conditions (atroces) de vie dans les asiles psychiatriques de l'époque.
La politique de la collaboration franchit une étape quand le Royaume-Uni décide d'organiser la rafle et la déportation des populations juives britanniques. Il y a une scène très poignante au moment du passage d'un de ces groupes de déportés dans Londres.

Mais j'ai eu plus de difficultés avec la deuxième partie du livre. David est répéré. Il va donc fuir et devoir tout abandonné. Alors que ce devrait être le moment où tout s'accélère, le rythme ralentit. On s'attarde sur ses problèmes matrimoniaux (sa femme ne savait pas qu'il était espion et pensait qu'il avait une maîtresse). Il y a tout au long du livre de nombreux flash-backs dont certains ne sont pas forcément utiles (par exemple à ceux qui concernent la vie de l'agent allemand qui est à leurs trousses). Les aspects politiques sont mis de côté alors que c'est ce qui m'intéressait le plus. C'est d'autant plus dommage qu'à la fin du roman, l'auteur a écrit une note historique très intéressantes, notamment sur la façon de choisir les personnages historiques qui allaient devenir les collaborateurs dans son roman.
De plus, le sort des personnages (fictifs) n'est pas totalement déterminé, ce que je trouve très frustrant. J'ai d'ailleurs remarqué que c'était très fréquent dans les ouvrages de près de 1000 pages, comme si l'auteur n'arrivait pas vraiment mettre un terme définitif à son livre (ce qui peut se comprendre après y avoir passé autant de temps).

Même si je ne regrette pas ma lecture, je trouve que la deuxième partie du livre aurait gagné en efficacité si l'action avait été plus resserrée.

Tout ce que vous avez dit de ce roman me donne hautement envie de me lancer dans cette lecture! j'aime beaucoup le postulat de départ, et je pense me laisser tenter rapidement!

Je viens de finir le livre et mon avis est assez mitigé
Tout d'abord, le livre m'a paru inutilement long. J'ai eu l'impression que l'auteur en rajoutait sans arrêt - notamment dans les flash-backs - pour ralentir le cours de l'histoire, et cela m'a ennuyé à certain moment.
Le recours aux flashback pour l'enfance de Franck, dans le style "lequel nous montrera le pire moment de la vie de ce pauvre homme" m'a irrité car cela n'apporte pas grand chose
Je suis d'ailleurs un peu perplexe concernant les passages sur la vie privée du personnage allemand, puisque je suppose que c'est effectué pour nous montrer qu'il est humain, alors que rien (même l'amour pour son fils et pour son défunt frère) ne peut le rendre humain quand on voit ce qu'il fait

Shelbylee a écrit:

Mais j'ai eu plus de difficultés avec la deuxième partie du livre. David est répéré. Il va donc fuir et devoir tout abandonné. Alors que ce devrait être le moment où tout s'accélère, le rythme ralentit. On s'attarde sur ses problèmes matrimoniaux (sa femme ne savait pas qu'il était espion et pensait qu'il avait une maîtresse). Il y a tout au long du livre de nombreux flash-backs dont certains ne sont pas forcément utiles (par exemple à ceux qui concernent la vie de l'agent allemand qui est à leurs trousses).

Le début m'a paru très long. Je crois qu'il faut attendre 150 pages avant que David n'entre en contact, même indirect , avec Franck.
Cela commence à s'agiter un peu lorsqu'ils se retrouvent, mais après, c'est d'un lent
Comme Shelbylee, j'ai eu peu d'intérêt pour la femme de David et sa colère face aux mensonges de son mari. Elle n'est pas très perspicace
Le personnage de Natalia, mystérieux, est très intéressant, tout comme celui de Geoff.
Le réseau de résistance, avec les couples tranquilles et d'apparence pépère qui les accueillent est très crédible cependant.

Les meilleurs moments du livre, sont, selon moi, les informations que distillent l'auteur petit à petit sur l'état du monde après la reddition de l’Angleterre, avec des nouvelles de Staline

Spoiler:

@Shelbylee

Citation :

De plus, le sort des personnages (fictifs) n'est pas totalement déterminé, ce que je trouve très frustrant. J'ai d'ailleurs remarqué que c'était très fréquent dans les ouvrages de près de 1000 pages, comme si l'auteur n'arrivait pas vraiment mettre un terme définitif à son livre (ce qui peut se comprendre après y avoir passé autant de temps).

La fin gâche un peu tout pour moi aussi, j'ai eu l'impression d'avoir attendu en vain une véritable fin. Celle-ci m'a paru tronquée et pas du tout convaincante.
Et puis le fait que l'on suive en même temps l'équipe allemande et les résistants enlève tout suspens
Les personnages méritaient mieux qu'une pareille fin...