J’ai découvert Profondeurs glacées dans
Drood de Dan Simmons. Le contexte de cette pièce de théâtre est tellement formidable que j’ai voulu la découvrir.
Petit mot sur le
contexte (réalisé à l’aide de l’introduction de l’édition Libretto ainsi que de Drood de Dan Simmons) : Cette œuvre a été créée par Wilkie Collins « sous la direction de Charles Dickens » comme il est écrit dans la première version, ce qui est visiblement un euphémisme tant Dickens aurait apporté de nombreux changements à cette création. À l’origine, c’était une pièce de
théâtre privé. Dickens avait l’habitude de monter des petits spectacles dans sa maison et de les interpréter avec sa famille et ses amis. C’est le cas, ici, puisque il se réserve le rôle de l’héroïque Richard Wardour, tandis que Wilkie Collins joue son rival Frank Aldersley. Le succès de la pièce dépasse vite le cadre familial. Elle sera même présentée
devant la reine Victoria ! C’est aussi au cours de ces représentations que Dickens rencontre
Nelly Ternan qui deviendra sa maîtresse.
La pièce a été écrite en réaction à un fait divers qui avait choqué les victoriens et Dickens en particulier : la révélation, selon une enquête menée par John Rae, que les hommes disparus dans le pôle Nord suite à l’expédition de
Sir John Franklin auraient fini par manger leurs compagnons pour survivre. Dickens n’a jamais pu croire à cet acte de
cannibalisme. Quand Wilkie Collins propose d’utiliser ce sujet pour une pièce de théâtre, Dickens applaudit des deux mains. En fait, il se dit qu’il prend Wilkie Collins au piège, car celui-ci sera forcé d’écrire la pièce et de l’interpréter ; il aura moins de temps pour écrire ses propres livres. Dickens serait jaloux de la popularité grandissante de Wilkie Collins et ferait tout pour retarder la publication de Secret absolu (c’est ce qui est écrit dans la préface). La version publiée par Libretto est le texte retravaillé sous une forme romancée par Wilkie Collins, ce n’est donc pas la version d’origine (il fait par exemple une allusion au cannibalisme, alors que Dickens s’était opposé à cette idée).
Disons-le tout de suite, la pièce est
loin d’être un chef d’œuvre, notamment à cause de son personnage principal féminin qui rejoint la grande file des héroïnes têtes à claques qui nous font nous demander comment deux hommes assez sensés peuvent perdre la tête pour une telle gourde.
Au début du livre, cette jeune fille,
Clara Burnham, est inquiète. Elle confie ses tourments à l’une de ses amies : elle a été demandée en mariage par
Richard Wardour, un aventurier, juste avant son départ pour une expédition. Mais en fait, elle n’est pas sûre qu’il ait compris qu’elle l’a refusée parce qu’elle lui a dit non dans une lettre, mais n’a jamais reçu sa réponse. Elle a donc peur de le revoir, car il vient de rentrer de son voyage. Entre temps, elle a rencontré un jeune homme,
Frank Aldersley, qui lui a demandé sa main, juste avant de partir dans une expédition vers le pôle Nord. Clara accepte, alors que son amie Mrs Crayford lui avait bien dit de ne rien faire tant que sa situation avec Richard n’était pas tirée au clair.
Clara réussit à dire à Richard qu’elle ne veut pas l’épouser. Celui-ci se doute tout de suite qu’elle en aime un autre. Pour noyer son chagrin, il décide de repartir immédiatement. Bien évidemment, il s’engage dans la même expédition que Frank.
Pour ne rien arranger à son cas, Clara possède le
don de double-vue (sic). Elle est donc persuadée de savoir ce qu’il va se passer au pôle Nord : Richard va découvrir que Frank est son rival et le tuer. A-t-elle raison ?
Richard s’enfonce dans la dépression. On sent qu’il a envie d’en finir. Découvrira-t-il le secret de Frank ?
Les passages au pôle Nord sont ceux qui m’ont le plus intéressée. De même que le final que j’ai trouvé émouvant (même s’il faut bien avouer qu’on tombe un peu dans le pathos).
Cette pièce ne fait pas, selon moi, partie des incontournables, mais, au cours de ma lecture, je ne cessais de m’imaginer Charles Dickens et Wilkie Collins dans ces rôles. Et ça devait quand même être impressionnant.
Dan Simmons (toujours lui) a écrit Terreur, un livre qui s’inspire de l’expédition Franklin…