Debout sur la terre, de Nahal Tajadod.

Je suis tombée par hasard dans ma librairie sur ce livre de Nahal Tajadod :


Comme j'ai toujours été fascinée par l'Iran, je me suis tout de suite procuré cet ouvrage. Et je ne l'ai pas regretté.

Le livre suit les pas du réalisateur Fereydoun Sadari, qui doit se rendre chez Monsieur V., un homme politique qui vient de publier une biographie sur Victor Hugo, et qui souhaite que celle-ci soit adaptée pour le petit écran. Au cours de cette journée, Fereydoun va croiser tous les protagonistes de cette histoire, l'esprit surtout préoccupé par Ensiyeh, une jeune veuve dont il est amoureux, descendante d'un grand chef guerrier, femme de lettres progressiste et passionnée, attachée aux terres léguées par sa famille.

Au moment où commence l'histoire, nous sommes dans les années 1970 ; le shah d'Iran, Reza Pahlavi, a encouragé depuis plusieurs années déjà l'occidentalisation des moeurs - c'est ainsi que les policiers obligent les femmes qui déambulent voilées dans la rue à ôter leur tchador (les choses ont bien changé aujourd'hui). Cependant, le peuple ne profite guère de tous ces avantages sociaux, culturels et économiques initiés par le shah d'Iran, et le fossé se creuse entre l'élite et les classes populaires.

L'auteur, Nahal Tajadod, retrace sous nos yeux, avec beaucoup d'humour, au moyen d'une narration complexe et captivante, l'histoire collective de l'Iran, d'hier à aujourd'hui, à travers l'histoire intime de quelques personnages. Elle nous permet de mieux comprendre comment la révolution islamiste de 1979 a pu avoir lieu, en nous présentant le personnage de Massoud, l'électricien issu des classes populaires qui finira par devenir le préfet de Teheran une fois Khomeyni parvenu au pouvoir.

L'édition de poche ressemble à ceci :

Spoiler:

En faisant quelques recherches, j'ai appris que Nahal Tajadod était mariée à Jean-Claude Carrière. Elle s'intéresse de près à la culture perse, indienne et chinoise. Elle est connue pour Passeport à l'iranienne, que je viens de me procurer. La sortie du film Synghè Sabour, pierre de patience , adaptation du roman d'Atiq Rahimi, fait qu'il est question de ce couple dans les médias, puisque J.-C. Carrière a co-scénarisé le film :

Spoiler:

J'avoue être également tentée par son dernier livre, Elle joue, dont la couverture me fait penser aux dessins de Marjane Satrapi (c'est peut-être elle qui a réalisé l'illustration, qui sait) :

Spoiler:

Et vous, déjà entendu parler de cet auteur ? Tentés ?

Je connais Nahal Tajadod seulement de nom donc merci pour cette présentation très alléchante ! Je me laisserai bien tenter par Debout sur la terre. J'ai envie d'une lecture dépaysante en ce moment

Sinon, j'ai entendu beaucoup de bien du roman d'Atiq Rahimi, je le lirai bien aussi.

J'ai eu l'occasion de la voir dans une émission littéraire pour présenter son dernier roman Elle Joue, je l'ai trouvé agréable à écouter et intelligente et elle a réussi à captiver mon attention, suffisamment pour que je retienne son nom en tout cas.

Popila, je suis tentée par la découverte de cette auteure et si je croise son dernier roman à la biblio, je l'emprunterai surement. Celui que tu évoques est plaisant également.

En apparté Je n'ai pas lu le roman d'Atiq Rahimi, Syngue Sabour, j'en ai vu l'adaptation en Octobre dernier et ce film est éblouissant, un destin de femme hors norme, les premières scènes sont un peu difficiles et certains passages délicats pour les âmes sensibles. L'intrigue ne se déroule pas en Iran mais en Afghanistan, ce film vaut vraiment le coup d'oeil

Constance a écrit:

J'ai eu l'occasion de la voir dans une émission littéraire pour présenter son dernier roman Elle Joue, je l'ai trouvé agréable à écouter et intelligente et elle a réussi à captiver mon attention, suffisamment pour que je retienne son nom en tout cas.

Ses romans donnent effectivement l'impression qu'elle est intelligente, et a beaucoup d'humour. Son art de conteuse est remarquable.

Citation :

Popila, je suis tentée par la découverte de cette auteure et si je croise son dernier roman à la biblio, je l'emprunterai surement. Celui que tu évoques est plaisant également.

J'ai vraiment beaucoup aimé Debout sur la terre. En ce moment, je suis en train de lire Passeport à l'iranienne ; c'est différent (époque plus récente), mais l'angle d'approche choisi (le parcours du combattant pour l'auteur afin d'obtenir le renouvellement de son passeport) permet de mieux comprendre la société iranienne, décidément complexe et étonnante. J'en reparlerai plus en détail quand je l'aurai fini.

Citation :

En apparté Je n'ai pas lu le roman d'Atiq Rahimi, Syngue Sabour, j'en ai vu l'adaptation en Octobre dernier et ce film est éblouissant, un destin de femme hors norme, les premières scènes sont un peu difficiles et certains passages délicats pour les âmes sensibles. L'intrigue ne se déroule pas en Iran mais en Afghanistan, ce film vaut vraiment le coup d'oeil

Oui, effectivement, ça se passe en Afghanistan ; j'ai beaucoup entendu parler de ce film (merci pour ton avis), et j'ai pu voir la bande-annonce l'autre jour, que voici :


J'ai lu l'autre jour que l'auteur et son mari avaient accueilli l'actrice, d'origine iranienne et en exil, chez eux.

J'ai poursuivi ma découverte de Nahal Tajadod avec la lecture de Passeport à l'iranienne, que j'ai beaucoup aimé, et par Elle joue, sorti récemment, pour lequel j'ai un avis plus mitigé.

Je vais commencer par parler du livre que j'ai préféré, Passeport à l'iranienne, qui est d'une très grande drôlerie, malgré ou à cause de l'univers kafkaïen qu'il décrit :

Citation :

Venue rendre visite à sa famille et à ses amis avec sa fille en Iran, Nahal Tajadod doit aussi faire renouveler son passeport avant de rejoindre son mari (Jean-Claude Carrière, qui signe d’ailleurs le dessin de la couverture) resté en France. Mais face à la lenteur de l’administration iranienne, elle accepte l’aide de deux photographes du quartier qui connaissent un médecin qui connaît un officier qui connaît… Commence alors pour Nahal une quête absurde et une succession de rencontres à travers Téhéran pour obtenir le fameux sésame qui lui permettra de rentrer en France.

Cette quête d'un passeport sert de fil directeur à une succession d'anecdotes et de portraits qui permettent de mieux comprendre les paradoxes de la société iranienne actuelle. C'est un bon complément à la lecture de Lire Lolita à Téhéran, qui se situe dans les années 1980-1990, que j'ai relu récemment, avec un plaisir peut-être plus grand encore qu'à ma première lecture, étant plus attentive à des détails qui jusqu'alors m'avaient échappé.

Elle joue, présenté un peu plus haut, m'a cependant moins convaincue ; il s'agit en fait du récit de la vie de Sheyda, jeune actrice qui n'a connu que le régime islamique, par l'auteur, qui elle a essentiellement connu l'Iran du Shah :


Derrière le récit de la vie de Sheyda, on peut reconnaître Golshifteh Farahani, l'actrice iranienne superstar dans son pays jusqu'à son exil, qui joue dans le film mentionné un peu plus haut, Syngué Sabour, Pierre de Patience.

On apprend beaucoup de choses intéressantes sur la communauté bahaie, sur ce que c'est d'être femme et de grandir en Iran, sur le cinéma de ce pays, sur la personnalité passionnée de Sheyda. Mais je n'ai pas trouvé cette œuvre aussi passionnante que les précédentes ; je ne suis pas persuadée que l'idée de départ était si excellente que cela (par moment, on aimerait entendre la voix de la comédienne elle-même ; or, elle est toujours décrite de l'extérieur, de manière fragmentaire et masquée). Et puis la personnalité de Sheyda est telle qu'il est difficile de se sentir en empathie complète avec elle. Tout se passe un peu comme si l'auteur était tombée amoureuse de son sujet, au point d'en être aveuglée. On a néanmoins une réflexion passionnante sur le jeu et le mensonge à Téhéran, qui justifie à elle seule de lire ce livre.

Je ne connais pas cet auteur, mais ton avis sur Passeport à l'iranienne me tente beaucoup!

Miss Virginia a écrit:

Je ne connais pas cet auteur, mais ton avis sur Passeport à l'iranienne me tente beaucoup!

Laisse-toi tenter, Miss Virginia ; c'est une lecture très agréable ; on ne s'ennuie pas une seule seconde. L'auteur a un talent consommé pour trousser des anecdotes absolument savoureuses ; et en plus, non seulement c'est divertissant, mais quand on referme le livre, on a l'impression d'avoir énormément appris sur l'Iran actuel.

Merci Popila pour tes avis éclairés

Lors de ma dernière descente en librairie, la semaine dernière je n'ai pas pu résister à l'achat de Debout sur la terre, entre autre. Je te ferai part de mes idées, dès que j'aurais pu m'y mettre.

Citation :

j'ai relu récemment Lire Lolita à Téhéran, avec un plaisir peut-être plus grand encore qu'à ma première lecture, en étant plus attentive à des détails qui jusqu'alors m'avaient échappé.

Là aussi , j'y penserai ....

De rien, Constance.

Constance a écrit:

Lors de ma dernière descente en librairie, la semaine dernière je n'ai pas pu résister à l'achat de Debout sur la terre, entre autre. Je te ferai part de mes idées, dès que j'aurais pu m'y mettre.

J'ai hâte d'avoir ton avis !

Tu verras, au début, le mode de narration peut surprendre.

Sinon, Lire Lolita à Téhéran est un très beau livre, peut-être plus susceptible de te plaire encore.

J'ai beaucoup apprécié ma lecture de Passeport à l'iranienne. C'est une situation absolument incroyable qui est décrite et l'auteur le fait avec beaucoup d'humour. C'est aussi un bon prétexte pour dresser des portraits savoureux de personnes rencontrées au cours de ces démarches, et nous montrer tout un pan de l'Iran actuel.

Je me souviens avoir lu les deux, il y a quelques années et j'en garde de très bons souvenirs. J'ai plus apprécié "passeport à l'iranienne". .." À l'encontre des idées reçues, Nahal Tajadod décrit un Iran généreux, drôle, où la débrouillardise est le maître mot de la vie quotidienne, un pays qu'elle aime passionnément".

Merci pour vos avis, Miss Virginia et Catherine Morland ; j'ai beaucoup apprécié la lecture de ces deux livres moi aussi ; je les trouve passionnants et non dépourvus d'humour. Le dernier livre de Nahal Tajadod ne m'avait hélas pas paru très bon (cf posts ci-dessus) ; j'espère qu'elle publiera prochainement d'autres livres, plus inspirés.

Merci pour la découverte Popila!