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| Lolita de Nabokov, Première partie (ch. 1 à 33). | |
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+12MissAusten MissFairlie Enkephaline Laly Séverine JainaXF Akina Miss Virginia JenniferEhle Damien Emjy Popila 16 participants | |
Auteur | Message |
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Popila Bookworm
| Sujet: Lolita de Nabokov, Première partie (ch. 1 à 33). Lun 1 Fév - 17:40 | |
| Je déclare la lecture de groupe officiellement ouverte ! Lolita de Nabokov n'est pas une oeuvre facile à appréhender, du moins tant qu'on n'a pas franchi le seuil de la première page. Sa réputation sulfureuse, l'histoire que Nabokov y conte - celle d'un vieux dégueulasse qui viole une gamine de 13 ans - aurait plutôt tendance à faire fuir le lecteur. Et pourtant, une fois la première page lue, on se rend compte qu'il ne s'agit en rien d'une oeuvre à caractère pornographique, et faisant l'apologie de la pédophilie, comme on aurait pu s'y attendre au vu de la réputation du livre, mais que c'est bien de littérature qu'il s'agit, et pas de n'importe laquelle. Alors naturellement, certains passages peuvent choquer, et les protagonistes de cette histoire provoquer le dégoût, mais Nabokov nous invite à aller au-delà et à découvrir le portrait d'un monstre par lui-même, un monstre qui malgré le mal qu'il commet, garde, d'une certaine manière, une forme d'humanité. Et cette plongée dans les eaux troubles de l'âme humaine est tout simplement fascinante, car à moins d'être lui-même un pervers, à aucun moment le lecteur ne peut cautionner les agissement du "héros" de cette histoire, Humbert Humbert, et ce malgré les arguments qu'il avance successivement pour se justifier de ses actes devant le jury des lecteurs. Derrière une oeuvre à la réputation sulfureuse se cache donc en fait un livre profondément moral - sans que cette morale prenne pour autant un caractère édifiant. Mais trêve de blabla : ce qui importe au cours d'une lecture de groupe, ce sont vos impressions de lecteur, et les échanges que ces impressions peuvent susciter. Voici quelques pistes pour vous guider : Comment percevez-vous le personnage de Humbert Humbert ? Comment percevez-vous Lolita (sachant qu'elle est pour ainsi dire uniquement décrite du point de vue de Humbert Humbert) ? Que pensez-vous du portrait de l'Amérique qui se dessine en filigrane dans ces pages ? Vous pouvez évidemment partir sur d'autres pistes que celles que je vous suggère, évoquer le style de Nabokov - que personnellement je juge remarquable - ou citer un passage qui vous a particulièrement plu ou déplu et expliquer pourquoi. A charge pour moi d'animer les débats et de vous donner les quelques éléments d'analyse que j'ai relevés au cours de ma lecture sur un carnet. Bref, en un mot comme en cent : à vos claviers pour commenter cette Ière partie de Lolita ! _________________ |
| | | Emjy Bookworm
| Sujet: Re: Lolita de Nabokov, Première partie (ch. 1 à 33). Mar 2 Fév - 10:12 | |
| Très belle ouverture de topic, Popila ! Je trouve la photo vraiment bien trouvée ! Je reviendrai poster mes impressions sur la première partie du roman dans quelques jours. J'ai fini de la lire mais il me faut encore y réfléchir et poser quelques réflexions sur le papier _________________ |
| | | Damien Bookworm
| Sujet: Re: Lolita de Nabokov, Première partie (ch. 1 à 33). Mar 2 Fév - 12:24 | |
| Je me suis lancé dans le roman. Pour l'instant j'ai un peu de mal à entrer dans l'univers de Nabokov. On sent un style très riche et très travaillé, mais le récit me met un peu mal à l'aise (ce qui est l'effet recherché, je m'en doute). |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Lolita de Nabokov, Première partie (ch. 1 à 33). Mar 2 Fév - 15:31 | |
| J'en suis, je l'avoue, seulement aux 1/3 car plus je tournais les pages, plus le malaise s'installait en moi. Alors je l'ai reposé. C'est quelque chose que j'ai vécu avec d'autres livres et je m'y attendais finalement avec celui-ci : partagée entre ce style absolument incroyable, unique, et le sujet et ce que le narrateur tente de nous imposer. De ce fait, je vais essayer d'y retourner en espérant que j'arriverai au bout sans que ça ne m'entame le moral |
| | | JenniferEhle Swoon addict
| Sujet: Re: Lolita de Nabokov, Première partie (ch. 1 à 33). Mar 2 Fév - 15:52 | |
| C'est pour cette raison que cela ne m'ennuie pas de passer outre cette première lecture. Il me semblait bien que se dégagerait de ce roman un malaise. |
| | | Popila Bookworm
| Sujet: Re: Lolita de Nabokov, Première partie (ch. 1 à 33). Mar 2 Fév - 17:15 | |
| J'espère que vous ne vous laisserez pas décourager par le malaise que vous ressentez à la lecture : le roman est difficile, non pas tant à cause de l'écriture qu'à cause du thème et du "héros", qui, à côté d'une tare indéniable, présente des qualités telles que le raffinement, l'humour, la culture...
Ce n'est certes pas une lecture "légère", mais croyez-moi, l'expérience vaut la peine d'être tentée et poursuivie, ne serait-ce que parce que c'est un roman extrêmement riche sur le plan littéraire. _________________ |
| | | Miss Virginia Bookworm
| Sujet: Re: Lolita de Nabokov, Première partie (ch. 1 à 33). Mar 2 Fév - 18:42 | |
| Ca y est j'ai fini la première partie. Je vais être très originale : ce roman me met mal à l'aise. Il me faut donc digèrer un peu avant de vous faire part de mes impressions!! |
| | | Popila Bookworm
| Sujet: Re: Lolita de Nabokov, Première partie (ch. 1 à 33). Mer 3 Fév - 16:06 | |
| Je vous laisse un peu décanter, alors. Je pense que c'est le livre le plus "difficile", à certains égards, de cette lecture de groupe, principalement à cause du thème abordé ; je crois qu'il ne faut pas occulter le malaise que l'on peut ressentir à la lecture. J'ai relu les analyses d'Azar Nafisi au sujet de ce roman, elles sont tout à fait éclairantes. _________________ |
| | | Miss Virginia Bookworm
| Sujet: Re: Lolita de Nabokov, Première partie (ch. 1 à 33). Jeu 4 Fév - 20:02 | |
| Le "problème" de ce roman est le point de vue adopté : le narrateur s'exprime face à ses juges, le public des lecteurs pour tenter d'expliquer l'inexplicable et de se justifier, et ce faisant, le lecteur n'est confronté qu'à un seul point de vue, celui du narrateur, qui est donc orienté. Le personnage d'Humbert Humbert est complexe, il comporte 2 facettes selon moi : d'un côté, l'homme instruit, cultivé, féru de littérature, (ce serait un beau sujet de mémoire d'ailleurs "la place de la littérature dans Lolita" et de l'autre, le violeur de jeunes filles, le névrosé. Alors, j'ai l'impression qu'il justifie cet acte par le fait qu'il n'aurait pas pu lors de son adolescence posséder sexuellement une fille de son âge, et qu'une fois adulte, il recherche l'objet de ce désir frustré, ce qui expliquerait, selon le narrateur, sa pédophilie.
Quant au personnage de Lolita, je le trouve très ambigu, mais comme elle n'est présentée que par le regard du narrateur, doit-on ajouter foi à ces propos sur elle? Le narrateur dit qu'elle l'a séduit lors de la scène de l'hôtel. Certes, comme la plupart des jeunes filles adolescentes, elle doit être en quête d'identité sexuelle, et la volonté de séduire se fait plus prégnante, mais n'est-ce pas à l'adulte de poser des limites, et de ne pas se laisser "abuser"?
Voilà mes premiers sentiments sur ma lecture de la première partie. |
| | | Popila Bookworm
| Sujet: Re: Lolita de Nabokov, Première partie (ch. 1 à 33). Jeu 4 Fév - 20:12 | |
| Merci pour ce point de vue, Miss Virginia, qui, je crois, pose bien les bases du "problème" : je n'ai pas relu mes notes, mais je crois que je te rejoins sur pas mal de points.
Je ne serai pas très disponible dans les jours à venir, j'attends donc d'autres réactions avant de vous livrer mes impressions personnelles sur cette première partie, sachant que nous enchaînerons officiellement avec la deuxième partie de Lolita à partir du 10 février. _________________ |
| | | Miss Virginia Bookworm
| Sujet: Re: Lolita de Nabokov, Première partie (ch. 1 à 33). Ven 5 Fév - 12:32 | |
| J'ai oublié de parler aussi de ce qui me semble tenir de l'ironie tragique dans la mesure où les projets malsains du narrateur se réalisent toujours sans l'impliquer directement. - Spoiler:
La mort accidentelle de Charlotte, alors qu'il ourdissait des plans pour l'assassiner
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| | | Popila Bookworm
| Sujet: Re: Lolita de Nabokov, Première partie (ch. 1 à 33). Ven 5 Fév - 16:31 | |
| Très juste, Miss Virginia ; nous aurons l'occasion de reparler de cette ironie tragique plus en détail au moment de la lecture de la Deuxième Partie, car c'est encore plus flagrant peut-être que dans la Première. _________________ |
| | | Emjy Bookworm
| Sujet: Re: Lolita de Nabokov, Première partie (ch. 1 à 33). Mar 9 Fév - 17:03 | |
| Bon, comme je l'ai dit dans le topic Que lisez-vous en ce moment ?, j'ai fini Lolita ce week end. Ca a été pour moi une lecture très intense. Je dirais même plus : une véritable expérience littéraire. C'est tout à fait le genre de roman dont on ne sort pas indemne. Pour moi, Nabokov est parvenu à signer un livre aux prouesses stylistiques indéniables, lesquelles servent admirablement un sujet controversé. J'ai lu le roman très (trop ?) rapidement. J'ai donc un peu de mal à démarquer les 2 parties. Il me faut du temps pour les digérer. J'ai pris quelques notes sur papier, il faut encore que je les organise. Une fois que ce sera fait, je les posterai (pas trop en vrac, si possible ) _________________ |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Lolita de Nabokov, Première partie (ch. 1 à 33). Mer 10 Fév - 12:17 | |
| J'ai fini la première partie ce matin. Je me sens un peu seule là ^^ mais le roman ne me met pas mal à l'aise, non que je sois aussi névrosée et désespérée que le narrateur mais j'ai l'impression que le style et l'angle de vue choisi par Nabokov m'aident à dépasser d'éventuels jugements moraux. Ce n'était pas forcément gagné puisque je me souviens avoir lu la première page et avoir été dégoûtée il y a quelques années. D'abord Humbert Humbert (quel nom stupide d'ailleurs ! ^^) est un homme cultivé, un littérateur, et également une âme romantique (même si je fronce quand même les sourcils à la comparaison aux poètes) ce qui, sans l'excuser en rien, le rend, je trouve, plus séduisant que le pédophile crasseux au sourire concupiscent dérangeant et au regard mauvais de l'imagination collective. Ensuite si l'on se fie à sa narration, Lolita n'est quand même pas la jeune ingénue du type de Cécile Volanges. Du haut de ses douze ans et quelques, je la trouve même sacrément dévergondée et je dirais même, si vous voulez bien me passer l'expression, que c'est une pouffe, le narrateur ne se prive d'ailleurs pas de la décrire comme vulgaire à plusieurs reprises. Si le trouble psychologique qui hante le narrateur est malsain , moi c'est la perversion des enfants décrite dans les tout derniers chapitres de la première partie qui m'horrifie . Après, évidemment, il n'y a aucun autre témoin, mais j'ai tout de même l'impression qu'il y a un effet de véracité très recherché ce qui me rend encline à croire le narrateur. A part ça, j'ai bien aimé la description d'une petite ville de l'Amérique des années 50 (je pouvais la voir se dessiner devant mes yeux, le style de l'auteur est très agréable) et je me demande ce que va donner la deuxième partie . Bilan plutôt positif pour l'instant donc . |
| | | Popila Bookworm
| Sujet: Re: Lolita de Nabokov, Première partie (ch. 1 à 33). Mer 10 Fév - 17:21 | |
| Merci pour vos réactions, Emjy et Lise. Suite à des problèmes de connexion Internet, je n'ai pas pu me être présente ces deux derniers jours, et du coup, je pense reporter à demain mon post sur la façon dont je ressens cette première partie, ainsi que l'ouverture du topic consacré à la seconde partie du roman, car ce soir, je suis obligée de sortir, et il me faut quand même du temps pour mettre en forme mes notes et rebondir sur ce que vous avez dit. Enfin, ceci dit, je ne pense pas que ce retard soit absolument dramatique ! ^^ Je profiterai également de la journée de demain pour créer un post-it récapitulant le calendrier de la lecture de groupe, pour que tout le monde puisse s'y retrouver. _________________ |
| | | Akina Bookworm
| Sujet: Re: Lolita de Nabokov, Première partie (ch. 1 à 33). Mer 10 Fév - 23:03 | |
| J'ai fini la première partie ce soir, et ... j'aime vraiment énormément, même si c'est pas évident. J'ai été très choquée au sens premier du terme durant les premières pages, quand il théorise sa pédophilie. Au bout d'un moment, ça devient plus un roman sur une histoire d'amour et de désir interdits, ce qui passe quand même mieux. J'adore le style : je voulais le lire en anglais pour mieux en profiter, et je ne le regrette pas même si je lis moins vite. C'est très très beau ! Pour répondre aux petites pistes que tu lançais, Popila : Humbert Humbert - Je ne suis pas psy, mais je ne serais pas étonnée si on me disait qu'il est schizophrène. Il y a au moins deux aspects dans cet être. L'homme savant, cultivé, ironique, un peu froid, et globalement bon et gentil d'une part, qui reprend parfois le dessus. Et quand le désir prend le dessus, le monstre, l'animal. Et c'est là que je trouve le style de Nabokov particulièrement fin : dans ces moments, ce style s'accélère ; les descriptions se focalisent sur des détails, la robe, les jambes, la peau, les cheveux de Lolita, comme le regard de Humbert Humbert qui se trouble. On croit même entendre le sang bruisser dans ses oreilles. Je trouve la scène où il se ... 'branle' sur la jambe de Lolita très bien écrite : ce n'est plus le même homme que celui qui nous parlait quelques pages auparavant. Et cet aspect Dr Jekkyl et Mr Hyde de Humbert joue beaucoup pour nous le rendre sympathique. On ne peut pas aimer le monstre qui fantasme sur des fillettes ; mais l'homme raisonnable qui porte ce monstre en lui, oui. Mais je vois d'autres aspects dans sa personnalité : quand il théorise sa pédophilie, avec l'histoire des nymphettes, il n'est ni l'intellectuel raisonnable, dont des règles morales très strictes empêchent le passage à l'acte (que ce soit avec Lolita à l'hôtel, ou le meurtre de Lotte dans le lac), ni le monstre enivré de désir. C'est là une espèce de pervers froid et inhumain. En filigrane des descriptions qu'il fait de lui même, je trouve qu'il se dessine le portrait d'un homme très lâche, très faible, incapable de prendre la moindre décision, ou alors dans la violence. L'histoire de son premier mariage est sur ce niveau très instructive. et contrairement à LiseBennet, je pense qu'il est aussi ce - Lise Bennet a écrit:
- pédophile crasseux au sourire concupiscent dérangeant et au regard mauvais de l'imagination collective.
. Je doute que son regard sur Lolita tel qu'il le décrit dans son carnet soit très pur. Lolita - comme le disent Popila et Miss Virginia, c'est assez difficile d'avoir une opinion sur Lolita sachant qu'on n'a que l'avis du narrateur, et que le narrateur nous parle à nous, jurés, lors d'un procès : il y a toutes les chances pour qu'il cherche à nous embobiner ! Je la vois plutôt comme une gamine paumée, mal élevée, sans repères. Elle pique le rouge à lèvre de sa mère, la belle affaire ! Qui ne le faisait pas à 12 ans ? Elle montre ses jambes, ne semble pas très pudique, mais je pense qu'elle ne se rend pas compte du regard des hommes sur son corps. Elle ne le fait pas pour les exciter (sinon, elle serait plus coquette, et elle se laverait plus). Juste parce que ça l'amuse... Alors, bien sûr, il y a la scène de l'hôtel, et les confessions sur ce qui s'est passé en camps de vacances. Elle apparait comme une gamine très influençable. Pour les relations saphiques (comme c'est joliment dit !), elle semble suivre sa copine. Pour les actes sexuels de l'année suivante, elle dit bien qu'elle ne voulait pas au début, et que ses amis ont finit par la convaincre d'essayer. Et quant à sa relation avec Humbert ... elle pourrait bien être impressionnée par le désir qu'elle excite chez cet homme adulte, et vouloir se montrer en grande. D'ailleurs, Humbert explique comment il a du la faire chanter après, pour qu'elle ne porte pas plainte pour viol. Raconte-t-il vraiment l'histoire telle qu'elle s'est passée ? des propos comme "She was not quite prepared for certain discrepancies between a kid's life and mine. Pride alone prevented her from giving up." me convainquent qu'il s'agit plus d'un viol que d'une relation sexuelle amoureuse. L'Amérique - la description qui est donnée de l'Amérique est ironique à souhait. Cela m'a énormément fait pensé à Edward aux mains d'argents, ainsi qu'à Rêves de garçons de Laura Kasische (Lolita pourrait parfaitement figurer dans ce bouquin d'ailleurs). Un autre aspect qui y est un peu relié : Humbert Humbert est européen. Comme dans les Henri James, celui qui apporte la perversion (et la beauté poétique) dans une Amérique saine et bien portante, est européen. Est-ce un lieu commun de la littérature américaine ? Bon, je vais me coucher ! Bonne nuit à tous ! |
| | | Popila Bookworm
| Sujet: Re: Lolita de Nabokov, Première partie (ch. 1 à 33). Jeu 11 Fév - 11:07 | |
| Merci, Akina, pour cette analyse très intéressante, très fouillée et très détaillée ; tu as su voir des choses que je n'avais pas même aperçues. Voici, comme promis, mon point de vue sur ces premières pages, qui rejoint beaucoup celui exprimé par Miss Virginia. Comme je l'avais signalé dans mon post d'introduction à cette Première Partie de Lolita, Nabokov livre essentiellement dans ces pages le portrait d'un monstre par lui-même. Et pourtant, et c'est bien là tout le paradoxe - ce monstre est humain... Je me suis demandée, après avoir lu les premières pages de cette première partie et compris quel en était le fil directeur, si un semblable projet littéraire avait été mené par d'autres écrivains, mais je n'ai réussi à penser qu'au Parfum de Patrick Süskind, que je n'ai jamais lu en entier (livre commencé trop jeune, sans doute), et dont le thème me semble relativement similaire. J'avoue en revanche ne pas avoir songé à Docteur Jekyll et Mr Hyde : je trouve cette comparaison parfaitement valide et fondée. Humbert Humbert, le personnage principal du livre, est censé écrire sa défense en prévision du procès qui va avoir lieu contre lui - on ignore encore pour quelles raisons, et c'est l'une des grandes forces de ce roman, je crois, que de laisser le lecteur imaginer toutes sortes de possibilités. Face à ce qu'il appelle le jury de ses lecteurs - car cette défense tient aussi du journal intime, Humbert Humbert nous signale d'ailleurs ce qui constituait l'ébauche de ce livre, à savoir un agenda de poche en similicuir noir datant de 1947, détruit depuis - sa mauvaise foi est évidente. Pour justifier sa passion pour Lolita, une gamine de 13 ans, le narrateur invoque l'argument de l'amour romantique, références littéraires à l'appui (Pétrarque et Laure, par exemple), avant, à la fin de la première partie, d'imputer la responsabilité du viol à Lolita, qu'il nous dépeint comme une petite perverse vulgaire qui l'a en quelque sorte provoqué et dévergondé. Il y a là une contradiction, et des mensonges et des silences de la part du narrateur, ce que viendra confirmer la suite du roman. Car tout au long de cette histoire, Humbert Humbert ne cesse de se chercher des excuses : il y a eu certes ce traumatisme enfantin qu'il a subi lorsqu'il était jeune adolescent et qui explique selon lui sa perversion, mais par la suite, lorsqu'Humbert Humbert s'est retrouvé en maison de santé à l'âge adulte, il a toujours cherché à berner les médecins chargés de son cas en se présentant comme homosexuel et impuissant (!) au lieu de souhaiter véritablement la guérison de penchant sexuels qu'il juge lui-même criminels, voire diaboliques. A mes yeux, le cynisme de Humbert n'est pas sans rappeler le héros du Voyage au bout de la nuit de Céline, mais même chez Céline, les antihéros gardent une forme de moralité. J'avoue que dans cette première partie, il est difficile de déterminer si Humbert Humbert est un être immoral ou amoral : il éprouve certes un sentiment de honte et de culpabilité, mais ce sentiment me semble assez proche, vu la manière dont il est exposé, d'une forme de coquetterie du narrateur, sentiment gênant, vu la gravité des faits qui lui sont reprochés. Au fond, pour moi comme pour vous tous, j'imagine, Humbert Humbert est un salaud, un salaud tellement bien décrit qu'on en vient à se demander si Nabokov éprouvait des pulsions semblables à celles de son héros ; je pense d'ailleurs que c'est là que réside l'une des causes du sentiment de malaise que peut éprouver le lecteur à la lecture. Le texte laisse d'ailleurs entendre qu'il n'y a au fond qu'une différence de degré entre le monstre et le fou d'une part, et l'artiste et l'esthète d'autre part. Rien que de très classique, au fond - Freud affirmait plus ou moins la même chose - mais qui ne laisse pas d'inquiéter... Dès cette première partie, donc, le décor de la tragédie - de l'enfer à deux que vont vivre Lolita et Humbert Humbert - est planté, et l'on sait déjà que cela va mal tourner, car le narrateur reconnaît lui-même être davantage amoureux d'une Lolita qu'il s'est forgée que de Lolita elle-même, et dont il ne restera probablement amoureux que tant que celle-ci ne vieillira pas et gardera ses traits juvéniles : cette relation est donc vouée à l'échec, puisque l'enfant grandira, et cette passion représente bien une forme de perversion. En somme, ce qui fait de Humbert Humbert un monstre dans cette Première Partie, c'est son mépris des autres, son snobisme et son égoïsme - son égoïsme vis-à-vis de tous les êtres qui l'entourent, qui le rend à mes yeux absolument terrifiant. @ Lise Bennet : - Citation :
- Je me sens un peu seule là ^^ mais le roman ne me met pas mal à l'aise, non que je sois aussi névrosée et désespérée que le narrateur mais j'ai l'impression que le style et l'angle de vue choisi par Nabokov m'aident à dépasser d'éventuels jugements moraux.
Cela me rassure de lire ce point de vue. J'avoue que j'appréhendais beaucoup la lecture de ce roman dont j'étais en même temps très curieuse de faire la découverte, et qu'au final, à la lecture, j'ai été beaucoup moins choquée qu'à ce à quoi je m'attendais. Je trouve que Nabokov écrit de manière très intelligente et sait suggérer, là où un autre écrivain beaucoup moins doué y serait allé avec ses gros sabots. Quant au nom de Humbert Humbert, j'avoue me poser des questions à ce sujet. C'est un pseudonyme un peu ridicule (le narrateur avoue à un moment avoir changé la plupart des noms), et en même temps, ce nom signale peut-être le dualisme du personnage, sur lequel Akina a beaucoup insisté, à juste titre, en comparant le "héros" de Lolita à celui de Docteur Jekyll et Mr Hyde. En plus, Nabokov aime énormément jouer sur les noms, les mots, et leurs combinaisons ; c'est particulièrement flagrant dans la Deuxième Partie (je le signale d'ores et déjà) où il est question du goût de l'auteur et du narrateur pour le jeu d'échecs, qui devient une sorte de symbole de la fatalité en marche, et dont les multiples combinaisons mathématiques exercent un attrait immense sur Humbert Humbert. C'est également dans la Seconde Partie qu'un personnage, sorte de double fantoche et fantasque du narrateur, finit par faire son apparition, mais chut, je ne vous en dis pas plus. Ton point de vue sur Lolita est extrêmement intéressant, même si je ne le partage pas entièrement, pour les mêmes raisons qu'Akina. Sachez, pour ceux qui ne l'ont pas encore lu, qu'Azar Nafisi, dans Lire Lolita à Téhéran, analyse très en détail, et contrairement à toute attente, le personnage de Lolita ; nous aurons donc l'occasion de reparler plus en détail de ce personnage qui donne son nom au livre, mais qui n'a pas de voix propre, puisqu'elle est décrite uniquement du point de vue de Humbert Humbert. @ Akina : - Akina a écrit:
- J'adore le style : je voulais le lire en anglais pour mieux en profiter, et je ne le regrette pas même si je lis moins vite. C'est très très beau !
Quelle chance ! Le style doit effectivement être remarquable ; je trouve d'ailleurs la traduction Folio, pour autant que je puisse en juger, bonne, dans le sens où elle est très très fluide. Le style de Nabokov - celui qu'il prête à Humbert Humbert, est assez hybride, tantôt pompeux, tantôt très simple - unique assurément, car cette prose ne ressemble à aucune de celles que j'ai pu lire jusqu'ici. Sinon, je te rejoins tout à fait lorsque tu dis qu'à certains moments, HH cesse d'être l'homme cultivé et potentiellement charmant qu'il peut être pour devenir un être particulièrement bestial, et sur le portrait que tu dresses de lui de manière générale. Pour ce qui est de Lolita, j'aurais tendance à partager ton point de vue ; je pense aussi que Nabokov tenait à dépeindre une adolescente américaine "typique", affranchie sexuellement, complètement livrée à elle-même, bien loin de l'image des "jeunes vierges pures et innocentes" sur lesquelles HH fantasme très souvent. - Akina a écrit:
- L'Amérique - la description qui est donnée de l'Amérique est ironique à souhait. [..] Un autre aspect qui y est un peu relié : Humbert Humbert est européen. Comme dans les Henri James, celui qui apporte la perversion (et la beauté poétique) dans une Amérique saine et bien portante, est européen. Est-ce un lieu commun de la littérature américaine ?
Je me suis fait la même réflexion... Sinon, il y a deux personnages secondaires dont nous avons assez peu parlé, à savoir les deux épouses de HH. _________________ |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Lolita de Nabokov, Première partie (ch. 1 à 33). Jeu 11 Fév - 19:53 | |
| - Popila a écrit:
- un salaud tellement bien décrit qu'on en vient à se demander si Nabokov éprouvait des pulsions semblables à celles de son héros
Je suis d'accord avec ça . C'est d'ailleurs ce qui est assez troublant dans ce livre, on rentre dans la peau du pédophile, on connaît toutes ses pensées, il nous confie les sentiments qu'il éprouve même si par certains moments sa mauvaise foi est évidente (dans l'histoire du journal par exemple, c'est vrai) et même si je ne peux pas approuver sa conduite, et là peut-être est-ce moi qui suis emportée par le style de l'auteur au point de devenir aveugle mais je n'en suis pas sûre, je n'arrive pas à le considérer comme un monstre. Même la théorie de Dr Jekyll & Mr Hyde, qui me paraît pourtant très intéressante, ne me satisfait pas dans la mesure où je n'arrive pas à le considérer comme un monstre. Comme un salaud, oui. Un homme lâche, parfois répugnant (l'image du pédophile crasseux tenait plus du cliché à opposer à l'apparence de Humbert Humbert que d'autre chose d'ailleurs, je sais bien que le regard que le personnage principal pose sur Lolita est loin d'être pur) notamment dans ses rapports avec ses épouses ; l'opinion qu'il exprime sur elles, "la grosse godiche Valérie" et "la grosse insupportable Haze" (pour caricaturer), montre particulièrement son manque de respect total envers la gent féminine, bien qu'il se décrive comme un "gentleman du Vieux Monde" et même si la théorie de son amour d'enfance non consommée ne me convainc pas du tout, Humbert Humbert reste pour moi un être humain même dans ses pires moments. Je pense qu'avec moi, l'auteur a réussi à atteindre son but de présenter le pédophile comme un être humain même si je crois (j'espère) rester lucide. Pour en revenir à Lolita, je veux bien croire qu'elle soit un peu perdue, mal élevée par une mère aimante mais quelque peu dépassée par son fort caractère et je ne lui reproche pas de lui voler du maquillage (ce que je trouve assez normal à un âge où on se cherche). Mais je crois qu'il ne faut pas non plus lui chercher toutes les excuses. Bien sûr, il s'agit incontestablement d'un viol malgré le fait qu'Humbert Humbert tente de nous présenter l'histoire comme celle d'un amour maudit. Mais il faut rappeler que Lolita n'a que douze ans et demi. C'est un âge qui me paraît quand même précoce, même à notre époque et encore plus en 1947, pour faire son éveil sexuel. Si, et je dis bien si, l'on se fie au récit d'Humbert Humbert (mais il se peut qu'il ait réussi à me tromper), il y a donc bien une certaine perversion chez ces enfants. Et je ne dis pas ça pour défendre le personnage principal que je ne tiens pas en haute estime mais parce que je trouve que c'est un aspect non négligeable de l'histoire, même si nous ne sommes pas là pour faire le procès d'Humbert Humbert ^^. - Akina a écrit:
- Je trouve la scène où il se ... 'branle' sur la jambe de Lolita très bien écrite : ce n'est plus le même homme que celui qui nous parlait quelques pages auparavant.
Je suis assez d'accord, Nabokov parvient à rendre cette scène intéressante alors même qu'elle devrait nous dégoûter. Je nuancerais quand même la deuxième partie, pour moi c'est bien le même homme qui parle, les mots dont il use me semblent relever toujours du "littérateur", plus bestial bien sûr car il s'exprime à travers le souvenir de ses sensations mais le style ne me suggère pas un monstre. Seulement, j'espère que ce n'est pas dû à la traduction, je lis celle de 1959... |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Lolita de Nabokov, Première partie (ch. 1 à 33). Ven 12 Fév - 9:28 | |
| - Popila a écrit:
- Sinon, il y a deux personnages secondaires dont nous avons assez peu parlé, à savoir les deux épouses de HH.
Je n'ai eu le temps hier de lire que les 8 premiers chapitres de Lolita mais justement, au delà de l'aspect moralement dérangeant de ce récit, la description du personnage de la femme de HH et le récit de leur séparation m'a paru assez drôle. Cela vient certainement du détachement avec lequel le narrateur évoque la scène. Il me semble y avoir beaucoup de dérision dans ce passage, ce qui aère un peu le début du roman, faisant un peu l'effet d'une soupape de décompression. Bien sûr, on peut aussi plaindre cette femme d'être tombée dans les griffes de HH mais finalement elle ne sort pas si mal en point de cette relation et, elle parvient à s'en échapper de façon plutôt honorable... Qu'en pensez-vous? |
| | | Popila Bookworm
| Sujet: Re: Lolita de Nabokov, Première partie (ch. 1 à 33). Ven 12 Fév - 13:18 | |
| - Lise Bennet a écrit:
- C'est d'ailleurs ce qui est assez troublant dans ce livre, on rentre dans la peau du pédophile, on connaît toutes ses pensées, il nous confie les sentiments qu'il éprouve même si par certains moments sa mauvaise foi est évidente (dans l'histoire du journal par exemple, c'est vrai) et même si je ne peux pas approuver sa conduite, et là peut-être est-ce moi qui suis emportée par le style de l'auteur au point de devenir aveugle mais je n'en suis pas sûre, je n'arrive pas à le considérer comme un monstre.
Je ne sais pas ce que vous en pensez, mais le fait que le livre soit raconté du point de vue de ce qui me semble quand même être, quelque part, un malade, me fait penser à ces thrillers psychologiques qu'on voit parfois au cinéma, avec Anthony Hopkins ou Jack Nicholson dans les rôles titres. Malgré tout, pour moi, HH est un monstre ; ce qui est troublant, c'est qu'il reste un être humain, que dans une certaine mesure, il est à notre image, un frère, en quelque sorte : c'est très dérangeant. Pour moi, sa part d'humanité et d'inhumanité sont liées. - Citation :
- Même la théorie de Dr Jekyll & Mr Hyde, qui me paraît pourtant très intéressante, ne me satisfait pas dans la mesure où je n'arrive pas à le considérer comme un monstre. Comme un salaud, oui. Un homme lâche, parfois répugnant notamment dans ses rapports avec ses épouses ; l'opinion qu'il exprime sur elles, "la grosse godiche Valérie" et "la grosse insupportable Haze" (pour caricaturer), montre particulièrement son manque de respect total envers la gent féminine, bien qu'il se décrive comme un "gentleman du Vieux Monde".
Je partage entièrement ton point de vue pour ce qui est des rapports de HH avec les femmes. On peut d'ailleurs noter que le narrateur nous en dit très peu sur son milieu et sur sa famille : il mentionne son père et l'hôtel qu'il tenait dans le sud de la France, si mes souvenirs sont bons, mais la mère est une figure complètement absente. - Citation :
- Pour en revenir à Lolita, je veux bien croire qu'elle soit un peu perdue, mal élevée par une mère aimante mais quelque peu dépassée par son fort caractère et je ne lui reproche pas de lui voler du maquillage (ce que je trouve assez normal à un âge où on se cherche). Mais je crois qu'il ne faut pas non plus lui chercher toutes les excuses. [...]Il faut rappeler que Lolita n'a que douze ans et demi. C'est un âge qui me paraît quand même précoce, même à notre époque et encore plus en 1947, pour faire son éveil sexuel.
En fait, je trouve la personnalité de Lolita très difficile à cerner. Elle a beau donner son nom au livre, le regard que le lecteur pose sur elle est biaisé, parce que filtré par celui de HH - même si parfois, il y a des choses sur lesquelles il ne pourra pas mentir. J'avoue pour ma part la trouver peu sympathique. Je la plains, mais je n'arrive pas à compatir absolument à tout ce qui lui arrive. - Lise Bennet a écrit:
- J'espère que ce n'est pas dû à la traduction, je lis celle de 1959...
Ah, c'est intéressant que tu lises ce livre dans cette traduction ; on dit d'elle que c'est une belle infidèle. Cela vaudrait peut-être la peine que je mela procure pour pouvoir faire des comparaisons. - Everina a écrit:
- Je n'ai eu le temps hier de lire que les 8 premiers chapitres de Lolita mais justement, au delà de l'aspect moralement dérangeant de ce récit, la description du personnage de la femme de HH et le récit de leur séparation m'a paru assez drôle. Cela vient certainement du détachement avec lequel le narrateur évoque la scène. Il me semble y avoir beaucoup de dérision dans ce passage, ce qui aère un peu le début du roman, faisant un peu l'effet d'une soupape de décompression. Bien sûr, on peut aussi plaindre cette femme d'être tombée dans les griffes de HH mais finalement elle ne sort pas si mal en point de cette relation et, elle parvient à s'en échapper de façon plutôt honorable...
Tout à fait, Everina : c'est étrange, mais honnêtement, je ne peux m'empêcher de sourire lorsqu'HH fait preuve de cynisme, et en même temps, cela me met toujours mal à l'aise après coup, car j'y vois une façon d'essayer de faire de moi sa complice, alors même que je juge son attitude franchement répréhensible. Tout se passe comme si HH monopolisait le devant de la scène et faisait tout pour empêcher le lecteur d'éprouver la moindre once de sympathie pour les personnages secondaires que sont sa première épouse, Lolita ou Charlotte Haze. Il se montre narcissique à l'extrême, et utilise sa culture pour circonvenir le lecteur cultivé, en utilisant les mêmes codes que lui (références littéraires, etc.) pour lui montrer qu'ils appartiennent au même monde. C'est drôlement retors. _________________
Dernière édition par Popila le Ven 12 Fév - 16:00, édité 1 fois |
| | | Akina Bookworm
| Sujet: Re: Lolita de Nabokov, Première partie (ch. 1 à 33). Ven 12 Fév - 15:26 | |
| Je suis d'accord avec tout ce que tu dis Popila (sauf que la citation est mal faite et que c'est pas moi qui lis en traduction !)
Sur le côté "monstrueux" ou "humain" de HH : Tous les monstres restent des êtres humains, c'est ça qui nous met aussi mal à l'aise. Je pense que c'est l'une des prouesses de ce livre car il arrive à nous présenter cette espèce d'ordure de manière relativement sympathique. J'ai vraiment l'impression de lire le journal intime de quelqu'un, sauf que cette personne est un pervers. Il ressent des sentiments que l'on connait, le désir, l'amour, la haine, le mépris, mais il les tord de manière à ce qu'ils deviennent pervers. Je pense que c'est ça qui nous met mal à l'aise dans ce récit. En tout cas, c'est cela qui m'a donné la nausée dans les premières pages.
Sur son rapport avec les femmes : Il est très clairement problématique. Les femmes (matures) le dégoûtent. C'est l'un des points sur lequel il insiste souvent : elles sont grasses, flasques, rondes. Elles débordent. En revanche, il insiste sur la minceur, la fermeté de Lolita. Un des aspects qui me dérange le plus dans les rapports entre HH et les femmes, c'est sa violence. Il se promet de tabasser Valérie quand elle le quitte ; Il veut noyer Charlotte pour s'en débarrasser. Même avec Lolita, il agit de manière violente : ça ne passe pas par les gestes, mais par les mots, comme lorsqu'il lui annonce la mort de sa mère et qu'elle se doit de rester avec lui, quoiqu'il lui fasse. Il veut agir comme un dieu tout puissant, que tout se passe comme lui le désire, en prenant les souhaits des autres comme quantité négligeable. D'ailleurs, j'y pense : une des absences que je trouve remarquable dans ce livre, ce sont les hommes. Il y a Valérie, Charlotte, Lolita, même Jean. Mais les hommes ne font que des passages très furtifs dans l'histoire. Donc, je n'arrive pas à savoir si il manque de respect envers la gens féminine, ou envers l'humanité en général.
Lolita : Comme le dit Popila, on ne peut pas trouver un portrait réaliste de Lolita dans ces pages, parce qu'on lit le journal intime de HH. Je n'arrive pas à aimer Lolita, parce que je n'arrive pas à la connaître. Que sait-on de ce qui se passe réellement dans sa tête ? Sur la question de l'âge de l'éveil sexuel en 1947, je pense qu'il faut faire attention aux idées reçues que l'on a sur cette époque. Je me souviens d'une discussion avec ma mère, née en 1959, qui me racontait que dans son village breton, sa cousine s'était faite dépucelée à 7 ans (oui, je n'en suis toujours pas revenue) par un gamin de 12-13 ans ; et qu'une bonne moitié de ses copines avaient perdu leur virginité vers 12-14 ans. Ça ne se disait pas (à cause de la pression familiale, religieuse, etc.), mais ça se faisait sans doute plus tôt que maintenant. HH nous agite ses marionnettes mais on ne peut vraiment pas savoir si elles sont fidèles à la réalité. Est-on même sur qu'il ne ment pas quand il dit qu'il était son premier amant ? |
| | | Popila Bookworm
| Sujet: Re: Lolita de Nabokov, Première partie (ch. 1 à 33). Ven 12 Fév - 16:02 | |
| - Akina a écrit:
- Je suis d'accord avec tout ce que tu dis Popila (sauf que la citation est mal faite et que c'est pas moi qui lis en traduction !)
J'ai corrigé, Akina. _________________ |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Lolita de Nabokov, Première partie (ch. 1 à 33). Sam 13 Fév - 14:01 | |
| - Popila a écrit:
- Malgré tout, pour moi, HH est un monstre
Là je dois dire que pour moi c'est un ressenti personnel, j'ai beaucoup de mal à considérer quiconque comme un monstre si j'arrive à voir la moindre trace d'humanité en lui... - Popila a écrit:
- Tout se passe comme si HH monopolisait le devant de la scène et faisait tout pour empêcher le lecteur d'éprouver la moindre once de sympathie pour les personnages secondaires que sont sa première épouse, Lolita ou Charlotte Haze.
C'est vrai je crois mais pour ses épouses ça produit l'effet contraire chez moi, j'éprouve de la compassion pour Charlotte Haze et Valérie parce que les descriptions grotesques qu'il en fait me révoltent. En revanche, j'ai plus de mal à prendre du recul quand à sa description de Lolita, je le reconnais, parce que j'ai l'impression qu'il essaye sincèrement d'en rendre un portrait fidèle. Est-elle vraiment la femme fatale miniature qu'il nous dépeint ? Sans doute pas entièrement mais je pense qu'il s'agit quand même d'une demi-vérité. Le jeu est aussi de se laisser prendre dans les filets de la narration si l'on en a envie. Mais je serais très curieuse d'en voir une adaptation, j'en discutai avec quelqu'un qui m'a dit que la version de Kubrick présentait Lolita comme une histoire d'amour maudit... - Akina a écrit:
- Sur la question de l'âge de l'éveil sexuel en 1947, je pense qu'il faut faire attention aux idées reçues que l'on a sur cette époque.
Merci pour les précisions , je ne savais pas tout ça et j'avoue que ça m'étonne quand même. Ca dépendait certainement des milieux aussi. Je ne sais pas ce qu'il en était aux Etats-Unis, mais c'est vrai que Lolita raconte qu'elle a une classe "chahuteuse", maintenant que je m'en souviens ça me paraît moins étrange. Ce qui reste étrange pour moi c'est la manière dont elle use consciemment de son sex-appeal mais là encore ça relève du portrait qu'en fait Humbert Humbert. C'est pas le tout mais il faut que je lise la 2ème partie aussi au lieu de radoter ^^. |
| | | Popila Bookworm
| Sujet: Re: Lolita de Nabokov, Première partie (ch. 1 à 33). Dim 14 Fév - 10:26 | |
| Pour la question du monstre, Lise, je ne suis toujours pas d'accord avec toi. ^^ Même en gardant une part d'humanité, pour moi, un monstre reste un monstre : je peux essayer de comprendre son comportement, mais en aucun cas l'excuser. Sinon, je pense moi aussi que la personnalité de Lolita s'explique en partie par le milieu d'où elle vient. Je posterai aujourd'hui ou demain un post-it avec le calendrier indicatif de cette lecture de groupe, et, normalement, le post d'introduction à la Deuxième Partie de l'oeuvre. _________________ |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Lolita de Nabokov, Première partie (ch. 1 à 33). Dim 14 Fév - 15:13 | |
| - Popila a écrit:
- Pour la question du monstre, Lise, je ne suis toujours pas d'accord avec toi. ^^
Et je le conçois très bien, je ne cherchais pas à te convaincre . Je pense que c'est un ressenti très personnel parce que ça touche à des questions qui dépassent la littérature. |
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| | | | Lolita de Nabokov, Première partie (ch. 1 à 33). | |
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