Les trois vies de Jane Austen : la pièce de théâtre

Cette pièce de théâtre qui a d'abord été jouée à Avignon en 2008 est mise en scène en ce moment et jusqu'au 26 mars dans le petit (mais charmant) théâtre Essaïon, dans le 4ème arrondissement de Paris.


Création 2008
Compagnie La Petite Vadrouille
Auteurs : Lesley CHATTERLEY, Céline DEVALAN, Elodie SORENSEN
Interprétation : Céline DEVALAN, Elodie SORENSEN
Mise en scène : Lesley CHATTERLEY

Rebecca, restauratrice de tableaux, va faire une découverte qui la mènera pas à pas sur les traces de Jane Austen, célèbre romancière anglaise du XVIIIème siècle. Exaltée par tant de mystère, Rebecca va mener son enquête jusqu'à ce que Jane lui révèle "l'unique grande désillusion de sa vie", celle qui lui inspira ses plus beaux romans (Orgueil et Préjugés, Raison et Sentiments). Cette rencontre onirique avec Jane va bouleverser la vie de Rebecca, jeune artiste dans l'ombre...

J'ai eu l'occasion de voir la pièce hier soir. Mon avis est plutôt mitigé mais je ne regrette pas pour autant d'avoir fait le déplacement. Certaines choses m'ont laissée pantoise, d'autres forcent l'admiration... J'essaierai de poster un compte-rendu digne de ce nom bientôt.

Et vous, avez-vous eu l'occasion d'assister à une représentation ? Qu'en avez-vous pensé ? Si vous ne l'avez pas encore vue, êtes vous tenté ?

Merci Emjy d'avoir ouvert ce topic. J'avais complètement oublié l'existence de cette pièce. Du coup je vais essayer de le faire très rapidement. J'ai hâte d'avoir ton avis en tout cas .

J'ai vu la pièce hier. J'ai beaucoup aimé. Les deux personnages de femmes sont touchantes. La pièce est bien écrite, bien mise en scène. J'ai bien aimé ce mélange entre le présent et le passé, un peu à la manière d'Hours (le film).
Cela se passe dans une toute petite salle, on est proches des actrices. La salle est une cave voutée, c'est très beau, cela donne une ambiance, un charme.
Mais attention ! Il faut arriver en avance pour être sûr d'être bien placé.

@rosemonde: c'est drole j'y étais aussi samedi soir, on a du se croiser!

Oui, sûrement. J'étais sur une chaise, presque sur la scène. Mais c'était bien, j'étais vraiment avec les actrices.

j'étais tout devant sur une chaise aussi, sur le coté de la scène, juste en face de la petite table d'écriture de Jane Austen;

Bon, une semaine est passée. J'ai maintenant suffisamment de recul pour pouvoir vous livrer mes impressions sur cette pièce.
Comme je le disais dans mon post d'ouverture, je suis sortie de la salle avec un avis un peu mitigé. La pièce n'est pas dénuée de bonnes idées mais je crois qu'au final, elle tombe un petit peu trop dans la facilité.

Je vais commencer par vous faire un rapide rappel de l'intrigue. La pièce met en scène Rebecca, une jeune femme restauratrice d'art, qui vient de perdre son père et qui accessoirement parlant, à quelques problèmes de communication avec son petit ami. Lorsque la pièce commence, elle vient de recevoir la Poste un petit objet à restaurer. Nous découvrons qu'il s'agit d'un petit portrait d'un jeune homme irlandais du XIXème siècle, Tom Lefroy et qu'il contient une lettre d'une certaine J.A.

J'ai quelques réserves quant à l'idée principale de la pièce. Encore une fois, le postulat de celle-ci repose sur l'idée que l'oeuvre de Jane Austen lui a été inspirée par sa vie amoureuse, en particulier par sa rencontre avec Tom Lefroy. Ce n'est pas une idée qui me séduit plus que ça. Je dirais même que je la trouve plutôt réductrice. Certes, le film Becoming Jane est centré sur la relation entre Jane et Tom et nous relate de manière très romancée (bien évidemment) l'évolution de leurs sentiments jusqu'à leur rupture forcée par les évènements extérieurs mais j'en garde un meilleur souvenir. Peut-être grâce au charme de ses interprètes principaux et la sobriété de l'ensemble. A mon sens, on ne tombait jamais dans un sentimentalisme aigu ...
La pièce n'est finalement pas très éloignée de bon nombres de romans chick-lit* que j'ai pu lire autour de Jane Austen et qui dressent un parallèle entre la vie de la romancière et celle, plus proche de nous, de leur héroïne contemporaine, souvent à proie à des questionnements intérieurs liés à une déception amoureuse. Là encore, la pièce met en scène une jeune femme qui se découvre peu à peu et de manière plus ou moins consciente grâce à "l'aide" de Jane. Elle nous fait le récit d'une "self discovery" en quelque sorte. C'est une ficelle scénaristique usée jusqu'à la corde.
On a droit aux poncifs du genre, des deux côtés de l'intrigue, que ce soit de celui de Jane que celui de Rebecca. L'ensemble fait la part belle aux sentiments ... C'est cet aspect qui m'a le plus gênée et le fait qu'il prenne le pas sur le reste explique que mon avis soit si critique ...

Toutefois, je n'irais absolument pas juqu'à dire que la pièce est mauvaise. Je peux facilement lui trouver des qualités. Tout d'abord, on remarque sans peine que l'auteur de la pièce connaît son sujet et qu'il s'est documenté. On a droit à des extraits des lettres de Jane adressées à sa soeur Cassandra, et pas des moindres ! Je pense notammet à celle où Jane se moque de manière drôle mais aussi terriblement cruelle de la laideur de l'une de leurs voisines. Cette lettre est célèbre, j'étais ravie de constater qu'ils l'avaient inclus dans la pièce.
En fait, même si elle reste très sentimentale et légèrement fleur bleue sur les bords, la pièce n'est pas dénuée d'humour pour autant. Une de mes passages préférés reste incontestablement celle où Jane écrit et joue en même temps la scène de demande en mariage de Mr Collins à Elizabeth. L'actrice interprète les deux rôles à la fois et montre qu'elle n'a pas du tout peur du ridicule. Son Mr Collins est caricaturé à merveille

J'ajouterais que le cadre de la pièce se prête merveilleusement bien à une plongée dans l'univers de Jane Austen. Nous étions installées dans une petite salle aux allures de cave gothique (j'exagère à peine ). Et puis les deux actrices s'en sont données à coeur joie. Je dois dire que les voir jouer à 1 mètre de soi à quelque chose de troublant et fascinant. Je salue leur performance. Faire ainsi abstraction du public à aussi peu de distance relève du tour de force pour moi !



* quelques exemples de romans de chick lit qui reprennent ce shéma narratif : Jane Austen ruined my life de Beth Pattillo, According to Jane de Marylin Brant ou encore The Jane Austen Book Club de Karen Joy Fowler (qui ont tous leur topic sur le forum). Je pourrai en citer d'autres ...

Merci pour ton avis, Emjy.

Le scénario n'a pas l'air effectivement de briller par l'originalité, mais j'imagine que la pièce est agréable à regarder. Je trouve que ce serait intéressant d'imaginer ce que ça aurait donné avec un autre script.. j'avoue qu'une pièce qui creuserait la relation entre Jane et sa soeur Cassandra m'intéresserait beaucoup, pour ma part - on les présente toujours comme s'entendant à merveille, mais qu'est-ce qui nous dit qu'elles ne passaient pas leur temps à se crêper le chignon ?

Par contre, pourquoi la pièce s'appelle-t-elle "les trois vies de Jane Austen" ? J'avoue que cela m'intrigue.

Citation :

Par contre, pourquoi la pièce s'appelle-t-elle "les trois vies de Jane Austen" ? J'avoue que cela m'intrigue.

Je me suis posée la même question et voir la pièce ne m'a pas éclairée. En fait, sur le flyer, le sous-titre est : Celle qu'elle a vécue, celle qu'elle a rêvée, celle qu'elle a écrite.

Je n'ai pas été enchantée par cette pièce et plus le temps passe, plus elle s'efface. C'est plutôt mauvais signe.
Je partage entièrement l'avis d'Emjy, j'ai également trouvé qu'il y avait trop de facilité. Certaines réflexions sont particulièrement mièvres : (en parlant d'une restauratrice d'art sur son échafaudage) "elle côtoie les étoiles" ou les anges, je ne sais plus trop... il y en avait pas mal de ce genre.
Et puis Jane Austen était un peu trop "excitée" à mon goût.
Bien sûr, cela n'enlève rien à l'indéniable talent des deux actrices. J'ai beaucoup aimé l'atmosphère générale ainsi que le choix des musiques (tirées de la BO de Becoming Jane pour la plupart). Et puis, on sent que les actrices aiment Jane Austen et ça, c'est vraiment agréable!

Moi j'ai beaucoup aimé !!

@ Popila, pas de problème, je retire le lien

Lady Clare, plutôt que de mettre un lien vers ce site, il serait préférable de faire un copier-coller de ton article. D'avance, merci.

J'ai également vu cette pièce et le moins que je puisse dire c'est que je n'ai pas envie de la revoir ce qui est mauvais signe car en ce qui concerne Jane Austen je suis généralement bon public ! L'idée de départ, l'histoire de la lettre, me plaisait mais les scènes avec Rebecca ne m'ont pas plus. Ca m'a semblé sur-joué ! Je n'ai pas adhéré au "Jane Austen a changé ma vie" Et j'ai aussi trouvé que l'actrice qui jouait JA, hystérique, faisant apparaitre une JA un peu vacharde, loin de celle que je m'imaginais à travers mes lectures et autres biopics. Cependant tout n'est pas mauvais, c'est bien documenté, il y a de belle idées (l'écriture de P&P, l'occupation de l'espace), j'ai quand même bien rit (nous avons eu une vision d'un 4ième et différent Mister Collins !) Et puis c'est un tel plaisir de voir que JA fait déplacer les gens ! La salle était pleine et apparemment c'est comme ca tout les soirs !

J'ai oublié de dire que j'étais aussi allée voir la pièce. Je rejoins vos avis en général : on passe un bon moment car on aime tous Jane Austen, mais l'ensemble est finalement moyen. J'ai trouvé que les deux actrices jouaient bien et j'ai bien aimé l'espace de la salle qui était très original !

Céline Devalan reprend sa pièce avec Élodie Sörensen jusqu'au 31 mars 2012, les jeudi, vendredi et samedi à 20 h. Je l'ai vue hier soir avec mon épouse et ma fille Constance, austenienne avérée et confirmée par les larmes qu'elle a versées pendant une bonne partie du spectacle. Je viens de parcourir rapidement les critiques qui précèdent et que je juge fort sévères pour la plupart et assez injustes. L'idée de tendre un fil, à deux siècles de distance entre Rébecca, jeune femme "moderne" et Jane, femme de son siècle, libre et corsetée, n'a rien d'artificiel. Rébecca (jouée par Élodie Sörensen) est peintre, créatrice donc, mais peu sûre d’elle-même, elle n'ose faire le pas qui l’engagerait auprès d’un galeriste dans une reconnaissance de son talent. Elle se contente donc d’être restauratrice des œuvres des autres, à l’exemple de cette dame que son papa lui avait montrée il y a fort longtemps, « tutoyant les anges » sous la voûte d’une église. Jane Austen, interprétée par Céline Devalan, nous est montrée amoureuse et frémissante comme ses personnages, vivant de rêves et d’eau fraîche, sous le regard de sa sœur Cassandra. Pendant que Rébecca fait revenir à lui un portrait en médaillon de Tom Lefroy, Jane échafaude un avenir avec le même homme, qui fut sans doute son seul amour. Elle se voue à ses intermittences du cœur, dont elle confie le récit à sa correspondance avec sa sœur et bientôt à ce qui va devenir son œuvre. Nulle mièvrerie dans le personnage de Jane qu’impose Céline Devalan, par touches progressives. Vie, rêves et écriture s’entrelacent avec force. Il y a même une sorte de virilité dans le jeu de l’actrice, sous ses apparences diaphanes. C’est qu’au XIXème siècle anglais, l’amour courtois est féroce et impitoyable. Le contrepoint est parfait avec Élodie Sörensen qui campe une belle plante aux apparences libres et affranchies. Pourtant Rébecca devra s’accepter vulnérable pour avancer. L’une doit se battre sans le montrer pour imposer ses enfants de papier, l’autre doit se rendre pour gagner, peut-être, sur les deux tableaux de l’art et de l’amour. Les deux actrices donnent un récit croisé et prenant de leurs existences. Aussi proches l’une de l’autre que des spectateurs, sans jamais se toucher, elles nous partagent simplement leurs vies. Et leurs monologues nous font pénétrer avec elles, l’espace d’une soirée, dans leur temps retrouvé.
Céline Devalan prépare une adaptation théâtrale de Miss Charity, de Marie-Aude Murail.