Madame Riccoboni, femme de lettres du XVIIIème siècle.

La première fois que j'ai entendu parler de Madame Riccoboni, c'est en lisant Les Liaisons dangereuses de Choderlos de Laclos ; le livre m'ayant passionnée, j'ai pris toutes sortes de renseignements sur lui, et j'ai appris qu'il avait été en correspondance avec cette femme, qui avait elle-même écrit plusieurs romans.

La vie de Marie-Jeanne Riccoboni ressemble à un roman : son père ayant été accusé de bigamie, sa mère et elle sont abandonnées, et Marie-Jeanne placée dans un couvent. Destinée à devenir religieuse, elle se révolte contre son destin, et sa mère est obligée de la retirer du couvent où elle avait été placée.

Quelques années plus tard, elle épouse un comédien très connu, mais qui apparemment était un époux assez volage. Elle devient comédienne, mais aux dires de ses contemporains et d'elle-même, elle n'est pas très douée. Le public vient surtout la voir parce qu'elle est jolie, et Diderot dira d'elle qu'elle parle très bien théâtre, mais que lorsqu'il s'agit d'en jouer, c'est une autre affaire !

Une fois passé un certain âge, son mari étant décédée, Marie-Jeanne se retire des planches pour se consacrer à la littérature. Elle prend un petit appartement avec une amie, Thérèse Biancolelli. Les débuts de sa carrière littéraire, tout de suite couronnée par des succès, lui valent la considération et l’estime de Diderot, qui dira d’elle : "Cette femme écrit comme un ange, c'est un naturel, une pureté, une sensibilité, une élégance, qu'on ne saurait trop admirer".

Habituée à fréquenter les grands esprits de son temps, elle admire beaucoup la littérature anglaise et traduira même l'Amelia de Fielding ; elle ne connaît pas grand chose à l'anglais, mais travaillera d'arrache-pied pour en proposer une adaptation. Elle écrit également une suite à La vie de Marianne de Marivaux, et avec un tel talent que les lecteurs l'attribueront d'abord à Marivaux avant qu'une mise au point soit faite par les deux intéressés.

Elle est l'auteur d'un court récit, Histoire de M. le marquis de Créssy, dont j'avoue que la couverture, un détail d'un tableau d'Henry Morland, La religieuse démasquée, m'a tapée dans l'oeil :

L'Histoire de M. le marquis de Cressy met en scène un homme ambitieux partagé entre deux femmes, Adélaïde du Bugei, une jeune fille très belle, très spirituelle et très pure, et la comtesse de Raisel, une jeune veuve de 26 ans pourvue d'une riche fortune et dotée de beaucoup d'attraits. C'est du roman sentimental, et du meilleur, car l'analyse de la psychologie du marquis, qui cherche à séduire tout ce qui passe, et celle des femmes qu'il sera amenée à rencontrer, est d'une grande finesse. Les deux jeunes femmes tombent tour à tour sincèrement amoureuses de M. de Cressy, avant de réaliser, mais un peu tard, qu'il n'avait pas les qualités dont elles l'avaient toutes les deux parées. C'est bien écrit et on ne s'ennuie pas ; Madame de Riccoboni gagne à être redécouverte, car sa plume laisse transparaître une belle âme. Elle aborde aussi, mine de rien, les réalités de la condition féminine au XVIIIème siècle, qui est loin d'être rose, puisque d'un côté, les hommes ont tous les droits, et de l'autre, les femmes, aucun. L'introduction de Martine Reid à ce récit est lumineuse, come toujours.

Lu dans le cadre du challenge "Dames de lettres".

Je ne connais cette auteur que par la suite de La vie de Marianne qu'elle a écrite. Son ami Marivaux (Marivaux, Laclos, Diderot, elle en connaissait du beau monde !) ayant omis de finir Marianne, elle s'y est attelée.
Malheureusement, bien qu'elle ait beaucoup de talent, sa plume n'est pas de la même qualité que celle de Marivaux et j'ai arrêté au bout de quelques pages.
Mais je réessayerai avec un de ses romans à elle !

J'ai bien aimé cette lecture. Les personnages féminins sont attachants. J'ai suivi avec beaucoup d'intérêt cette histoire.

Je l'ai commandé tout récemment (Histoire de M. le Marquis de Cressy) et ce que vous en dites toutes me donne bien envie de l'ouvrir prochainement !

J'ai lu les Lettres de Mistriss Fanni Butlerd de Mme Riccoboni, et j'ai été assez déçue.
Ce roman est un roman épistolaire, tout à fait dans le genre du XVIIIème. Miss Fanni, jeune anglaise de bonne famille, a un amant, Alfred, à qui elle écrit en long, en large et en travers, sa tendresse et son amour. Jamais nous ne lirons les lettres du jeune homme, et nous sommes donc contraints d'imaginer ce qui se passe chez lui.Entre les visites familiale, sa bonne amie Betzy et le galant de celle-ci, Sir Thomas, Fanni essaie de voler chaque instant pour penser à Alfred, relire ses lettres, caresser son portrait et lui écrire.Quand Alfred part pour des raisons professionnelles loin d'elle, et voilà que les lettres deviennent plus longues, plus tristes, plus déprimantes. Et quand à son retour, il découvre que la fortune de la jeune fille n'est pas si grande qu'il y paraissait ...
C'est un roman pour lequel je suis assez partagée : j'ai beaucoup aimé le personnage de Fanni, ses sentiments si universels, ainsi que la construction "à une voix" de ce roman. Certains passages sont extrêmement drôles, comme les relations entre Betzy et Sir Thomas :

Citation :

"Grand Dieu, quel bruit ! quelle querelle ! Sir Thomas est perdu ! En prenant le thé, il vient de faire tomber une porcelaine admirable, elle est cassée. Si c'était le chat, Miss en rirait ; elle trouverait qu'il y aurait eu de la grâce à faire cette sottise ; mais sir Thomas est un maladroit : de quoi se mêle-t-il ? officieux personnages, il veut tout ranger ; c'est une âme servile, son talent est d'être le valet de tout le monde : ennuyeux, incommode, gauche ..."

Malgré tout, je me suis un peu ennuyée. Le style est assez ampoulé, un peu gauche. Et rien n'est plus ennuyeux que les amours heureuses ... Il m'a fallu attendre les dernières pages pour apprécier vraiment les lignes que je lisais ...

Lu dans le cadre du challenge Dames de lettres !