Jugée par ses paires de Susan Glaspell

C'est toujours un très grand plaisir pour moi de voir un texte d'une romancière publiée par @persephonebooks traduit en français ! Lorsque Shelbylee a attiré mon attention sur cette toute nouvelle publication des éditions Tendance négative, je me suis précipitée pour la commander. 
Il s'agit après tout de la toute première traduction française d'un des textes les plus reconnus de la romancière américaine Susan Glaspell.

John Wright a été retrouvé mort dans son lit, étranglé par une corde. Sa femme Mini est la coupable idéale. Les hommes (dont le sherif et le procureur) s'interrogent, enquêtent, vont et viennent dans les pièces de la maison à la recherche de pièces à conviction. Le mobile reste totalement inconnu. Les femmes, elles, parlent, se confient à demi mots, observent, comprennent et lèvent peu à peu le voile sur la clef du mystère ...



Susan Glaspell  (1876-1948) était une écrivaine, dramaturge et militante féministe couronnée du prix Pulitzer pour une oeuvre théâtrale en 1931.
J'ai lu il y a quelques années son roman,  Fidelity, réédité en 1999 chez Persephone Books. (topic ici )
Publié en 1924, il nous brosse le portrait d'une héroïne audacieuse dont le comportement est condamné par la société du Midwest du début du XXème siècle. Quatrième roman édité par Persephone (rien de moins), il brille par son progressisme et sa modernité.
Bien que grande romancière, Susan Glaspell a surtout été célébrée aux Etats-Unis pour ses pièces de théâtre. Son répertoire se distingue par ses thématiques sociales et politiques très affirmées, sa dimension expérimentale et le rôle majeur qu'y jouaient les femmes.
Jugée par ses paires est l'adaptation en nouvelle de sa pièce la plus reconnue, Trifle (Broutilles). Ce texte, bref mais intense, est un récit policier dans lequel Susan Glaspell a insufflé un féminisme d'avant-garde. Porté par les voix jusqu'ici silencieuses de deux femmes, il bouscule la domination masculine, et surtout met à jour un système judiciaire défaillant. La mise en scène du texte, qui repose aussi bien sur des paroles d'un machisme implacable et assourdissant que sur un dialogue enfin établi entre deux femmes qui se comprennent, est d'une grande sensibilité et efficacité.
Tendance négative a fait un choix éditorial très fort en choisissant cette nouvelle comme premier titre de leur collection "Que fait la police ?"
En publiant ce texte obscur dans ce que je j'appellerais un véritable écrin, Tendance négative fait de cette lecture une expérience inédite. Le visuel est travaillé de tel sorte qu'on ressent l'impact de l'histoire qui nous est racontée de manière tout à fait particulière. Le jeu sur les mots, les lettres, les répliques, la police donne un relief incroyable à ce récit déjà captivant et bouleversant en soi. La dimension théâtrale du texte est respectée mais la forme du petit bloc-notes jaune n'est pas non plus sans rappeler les polars à l'ancienne.
Ici la forme est au service du fond, et de la plus merveilleuse des façons.
Jugée par ses paires est un petit ouvrage que je suis absolument ravie d'avoir ajouté à ma bibliothèque. Il peut-être être acheté ou commandé en librairies, ou sur le site internet de Tendance Négative.

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