Je me suis régalée avec ce roman lu il y a quelques jours
Nous sommes en 1924 et l’Angleterre évolue doucement et sûrement, mais certainement pas aussi vite que le voudrait l’héroïne de ce délicieux roman.
La disparition prématurée de leur papa bien aimé l’a laissée, elle, ainsi que ses soeurs, dans une sorte de pauvreté distinguée. Sans héritier mâle, la famille se retrouve dans la même situation que les soeurs Bennet ou les soeurs Crawley, à savoir dans l’impossibilité d’hériter du domaine familial, lequel doit revenir à leur cousin.
A leur grand désespoir, les Mannering doivent donc s’installer chez leur grand-mère sacrément démodée, qui ne voit pas d’un très bon oeil leurs petites (et grandes) excentricités.
Malgré ces prémices dramatiques, la romancière livre ici une histoire follement drôle et fantasque qui emprunte à Jane Austen ou à Dodie Smith mais peut-être plus encore à Gerald Durrell et PG Wodehouse.
Le récit, écrit sous la forme d’un journal intime, est ponctué de scènes plus désopilantes et savoureuses les unes que les autres. Les personnages, irrésistibles et pleins de fantaisie, y sont pour beaucoup. A commencer par les soeurs Mannering, toutes affublées de noms de fleurs.
Il y a Aster, la fille aînée qui boude presque continuellement mais cache bien des secrets et Marigold, toujours affublée de sa ménagerie, composée notamment d’une chèvre désobéissante et d’un chat toujours de mauvais poil.
Et il y a Panth (oui, Panth, vous avez bien lu), l’héroïne et narratrice, qui croque ses contemporains avec un talent d’écriture et d’observation assez inégalable.
Notre héroïne doit composer avec des relations familiales tumultueuses, une ménagerie toujours grandissante, un appauvrissement et un déclassement social mais aussi un profond sentiment de nostalgie (rappelons qu’elle a perdu son père et sa maison presque en même temps), un certain nombre de questions existentielles et un manque total d’expérience avec le sexe opposé. Ce dernier problème risque de ne plus en être un bientôt mais je ne vous en dis pas plus.
A Calamity of Mannerings est un récit d'apprentissage extrêmement bien documenté et divertissant. Le journal de Panth est un savant mélange de prose naïve et de réflexions plutôt stimulantes sur tous les aspects de la vie (l'amour, la famille, le deuil, l'argent, la sexualité ...)
Ce roman aurait pu être tout à fait ordinaire mais la plume de Jo Nadin, son sens de l'à-propos et de la formule, son esprit facétieux, son autodérision lui donnent un charme fou.
Elle rend l'ordinaire captivant et aborde des sujets difficiles sans fausse pudeur. La romancière a nourri son roman de références à des fictions anglaises bien connues mais la voix de Panth est fraîche et originale.
Je peine à croire qu'un producteur ne se soit pas penché sur ce texte tant il me semble parfaitement adapté à un format série. Et bien sûr, j'aimerais beaucoup le voir traduit un jour ! Peut-être chez Pocket jeunesse comme les romans de Laura Wood ou dans la collection Médium de l'Ecole des Loisirs ?
L'illustration de la couverture est d'Emma Block