Cléa, 4ème partie du Quatuor d'Alexandrie de Lawrence Durrell

Citation :

Perhaps our only sickness is to desire a truth which we cannot bear rather than to rest content with the fictions we manufacture out of each other.

Cléa est le dernier volet du Quatuor d’Alexandrie. Il est le seul livre à être une véritable suite des trois précédents tomes car il se passe près de 6 ans après Justine.
Darley, de nouveau narrateur,mais cette fois-ci, un narrateur avec les yeux grands ouverts, vit en Grèce depuis près de 6 ans avec la petite fille de Nessim et de Mélissa. Incité par Balthazar, il rejoint Alexandrie (nous sommes en pleine seconde guerre mondiale) qui vit dans un calme assez relatif, peuplée de Français libre et toujours influencé par l’Empire britannique.

La guerre a changé beaucoup de choses : Nessim et Justine, reconnus comme traite à l’Angleterre, sont en résidence surveillée et la plupart de leurs biens ont été confisqués. Nessim, qui a été blessé par un bombardement et a perdu un œil peut vivre relativement normalement en étant ambulancier. Il reste optimiste concernant son avenir.
Justine, amère, dépitée, est devenue une femme méprisante, isolée, dure avec son mari et elle n’éveille aucune pitié auprès des lecteurs.

Darley, qui confie la petite fille à un Nessim reconnaissant et joyeux, est un personnage totalement changé. Il sait désormais pourquoi Justine est devenu sa maitresse (il vous faudra lire Mountolive pour comprendre à quel point Justine est méprisable, je ne dévoilerais pas la raison...) et n’en est pas amer. Il avance dans la vie, devient l’amant de Cléa, personnage solaire et artiste que l’on a rencontré dans les trois précédents volets du Quatuor d’ Alexandrie.
On retrouve dans ce livre Balthazar, médecin qui ne se remet pas de vieillir , Pombal, diplomate français, homme à femme limite caricatural qui tombe pour la première fois amoureux fou (d’une femme mariée enceinte, pour ne rien compliquer   ), et surtout David Mountolive, fou amoureux de Liza Purswarden, sœur aveugle de l’écrivain.
Liza Purswarden, jeune femme fascinante que rencontre Darley, est le personnage principal feminin de ce 4ème volet.

Une partie importante de Cléa est d’ailleurs consacré à Purswarden à travers une sorte de journal où il a écrit ses pensées et ses vues sur l’art. Ces passages sont ce que j’aime le moins dans ce livre.

Cependant, il prend encore de l’importance quand on prend connaissance de  sa relation amoureuse et incestueuse avec sa sœur. Elle a du mal à se remettre de sa mort, et elle tente de repousser un David Mountolive fou amoureux de peur que sa cécité de soit un frein à sa carrière diplomatique.

Finalement, Cléa a  un point faible, et c’est justement Cléa elle-même. Elle apparaissait, dans les livres précédents, comme une jeune femme raisonnable et intelligente, et finalement, elle est surtout une femme qui se berce d’illusions et n’est pas forcément amoureuse de Darley.

Cléa clôt d’une belle façon le quatuor d’Alexandrie, même si le personnage de Cléa n’est pas le personnage principal ni le plus important.
Nessim et Darley sont plus intéressants et ne s’illusionnent pas sur la vie , et la très belle relation entre David et Liza Purswarden est très touchante.

C'est d'ailleurs le personnage de David Mountolive qui m'apparait le plus intéressant dans l’œuvre de Lawrence Durrell, et c'est peut être le plus proche de lui car Durrell a été pendant de longues années un attaché diplomatique qui a voyagé au gré de ses nominations.
Le contenu politique du livre, laissant présager la fin de l'Empire britannique, est aussi passionnant.

Je recommande aux futurs lecteurs du Quatuor d'Alexandrie de lire chaque tome comme un roman à part entière (et donc, de ne pas les lire dans une édition regroupant les quatre livres)
Cela permet de bien différencier les livres et surtout de constater les différents styles adoptés par Lawrence Durrell.

Je me plonge enfin dans ce quatrième tome, après avoir mis le quatuor en pause (notamment pour la lecture commune de Notre-Dame de Paris que j'ai fait un peu durer...).

Que c'est bon de retrouver la plume de Lawrence Durrell, et je suis agréablement surprise de ré-entendre la voix de Darley! Je ne m'étais pas rendue compte que tous ces personnages m'avaient manquée et c'est un vrai plaisir de les retrouver. Je serai certainement un peu triste quand j'aurai fini ce dernier opus...

Et voilà, j'ai terminé le Quatuor d'Alexandrie. Ce dernier tome est dans la parfaite lignée des trois autres : une prose magistrale (parfois déroutante...) qui sert une exploration profonde des interactions humaines.

Darley semble un brin plus lucide, il a dû gagner en maturité, mais il garde la même façon de regarder les choses et de comprendre le monde. Je lui ai trouvé néanmoins comme un nouveau sens de l'humour, voire un certain cynisme (je pense entre autre à sa réaction amusée en lisant les lettres de Pursewarden qui le couvrent quand même de ridicule...).

Le personnage de Justine est celui qui m'a le plus étonnée. Elle n'est plus que l'ombre d'elle-même Ou bien le fait que Scobie (le policier qui aimait s'habiller en femme) soit devenu une sorte de divinité locale!

Dans l'ensemble ce quatuor était éblouissant, par l'écriture et par les thèmes abordés. Parmi ces thèmes je retiendrai surtout la réflexion sur la nature de la vérité, qui n'est jamais objective, toujours multiple et si complexe qu'elle ne peut être regardée sous un seul angle.

Merci Diana de m'avoir fait découvrir cet auteur!

LilyBart a écrit:

Merci Diana de m'avoir fait découvrir cet auteur!

Je suis ravie que tu aies aimé le Quatuor d'Alexandrie autant que moi

Citation :

Le personnage de Justine est celui qui m'a le plus étonnée. Elle n'est plus que l'ombre d'elle-même

Le personnage de Justine est effectivement saisissant. On en fait connaissance grâce au récit de Darley sans remettre en cause ce qu'il en dit, pour avoir ensuite plus d'information dans Balthazar et encore plus dans les deux derniers volet du quatuor.
Ses trahisons et son comportement franchement ignoble envers son mari me l'ont rendu détestable , mais intéressante

Comme je l'ai dit plus haut, ce n'est pas le tome que j'aime le plus, surtout parce que le personnage de Cléa m'a paru un peu ennuyeux.
Par contre, j'aime beaucoup le personnage de Mountolive dans Cléa et sa relation avec Liza.

Après avoir lu les quatre tome, as-tu un préféré? Des personnages qui t'ont plus marqués que d'autre?

Diana a écrit:

Citation :

Le personnage de Justine est celui qui m'a le plus étonnée. Elle n'est plus que l'ombre d'elle-même

Le personnage de Justine est effectivement saisissant. On en fait connaissance grâce au récit de Darley sans remettre en cause ce qu'il en dit, pour avoir ensuite plus d'information dans Balthazar et encore plus dans les deux derniers volet du quatuor.
Ses trahisons et son comportement franchement ignoble envers son mari me l'ont rendu détestable , mais intéressante

C'est vrai qu'on va de révélation en révélation avec elle. Mais ce que je voulais dire, c'est qu'après tout ce qu'on a appris sur elle pendant les trois premiers tomes, elle apparaît fort changée dans ce dernier. Elle a perdu tout son charme, vit comme une recluse...

Diana a écrit:

Après avoir lu les quatre tome, as-tu un préféré? Des personnages qui t'ont plus marqués que d'autre?

Je dirais que le tout premier tome m'a le plus plu, pour la découverte de cette plume unique en son genre, la curiosité qui a été éveillée tandis qu'on ne faisait que toucher à la surface des choses. Bien que les suivants étaient savoureux eux aussi!

J'ai du mal à choisir des personnages que j'ai aimés plus que d'autres. Tout au long des livres, tous les personnages sont tellement bien dépeints, et ils se révélaient par petites touches progressives d'une façon tellement fascinante que j'admire la technique plus que les personnages en tant que tels. J'avais néanmoins particulièrement de sympathie pour Darley, qui m'a beaucoup touchée. Au début j'appréciais aussi beaucoup Cléa, qui m'intriguait, mais elle m'a semblé moins approfondie par la suite. Je ne suis toujours pas sûre d'avoir fini par vraiment la connaître...

LilyBart a écrit:

J'ai du mal à choisir des personnages que j'ai aimés plus que d'autres. Tout au long des livres, tous les personnages sont tellement bien dépeints, et ils se révélaient par petites touches progressives d'une façon tellement fascinante que j'admire la technique plus que les personnages en tant que tels. J'avais néanmoins particulièrement de sympathie pour Darley, qui m'a beaucoup touchée. Au début j'appréciais aussi beaucoup Cléa, qui m'intriguait, mais elle m'a semblé moins approfondie par la suite. Je ne suis toujours pas sûre d'avoir fini par vraiment la connaître...

C'est justement cela qui m'a un peu gênée dans la lecture du dernier volet. Cléa, qui est tout de même le titre du roman, m'a paru assez effacée et moins intéressante que dans les livres précédents.
Le fait qu'elle soit assez mystérieuse et un peu en retrait dans les livres précédents rendait son personnage plus intéressant.

Je suis du même avis que toi concernant Justine. Son évolution à travers les romans est tellement importante qu'on ne la reconnait plus.
C'est là qu'on se rend compte que Darley avait vraiment une vision très déformée la concernant.