Balthazar, 2eme partie du Quatuor d'Alexandrie de Lawrence Durrell

Balthazar est le deuxième volet du Quatuor d’Alexandrie de Lawrence Durrell.
Ce livre reprend, sous une perspective différente, certains évènements décrits dans Justine et apporte un tout nouvel éclairage sur la relation entre le narrateur (dont nous connaissons enfin le nom: Darley) et Justine.

Balthazar commence quatre ans environ après Justine. Darley vit toujours sur une petite île grecque et il n’a plus que des contacts épistolaires épisodiques avec certains habitants d’Alexandrie.
Après avoir reçu une lettre de Baltazar qui se termine par  I picture you, wise one, poring over the diaries of Justine, Nessim etc…imagining that the truth is to be found in them. Wrong ! Wrong! A diary is the last place to go if you wish to seek the truth about a person (...) Do you know whom Justine really loved? You believed it was yourself, did you not?, Darley lui envoie le manuscrit de Justine.
Six mois plus tard, faisant escale en Grèce, Balthazar ramène le manuscrit à Darley, annoté et complété de toutes parts. Il donne au récit de Darley un tout autre sens.

La première annotation que lit Darley est dévastatrice : I read his words, as for example in the list he had headed “some fallacies and misapprehensions where he said coldly “Number 4: that Justine “loved” you. She “loved”, if anyone, Pursewarden. She was forced to use you as a decoy in order to protect him from the jealousy of Nessim whom she had married.pursewarden himself didn’t care for her at all – supreme logic of love!”

Justine, amoureuse de Pursewarden? Pursewarden ? L’écrivain britannique cité dans Justine sans beaucoup de détail?
On sait juste de lui qu’il s’est suicidé de façon inexpliqué en laissant une somme relativement importante à Darley.
Balthazar, qui a pour narrateur à la fois Darley (aidé des notations de Balthazar) et Balthazar lui-même apporte un éclairage insoupçonné sur les évènements décrits dans Justine.
Car Darley doit s’y résoudre, la révélation amenée par les écrits de Balthazar confirme certains de ses doutes : Pourquoi Justine a-t-elle eu une liaison avec lui, petit professeur désargenté ? Le comportement de Pursewarden, gentiment moqueur envers Darley, et impénétrable en présence de Justine, cachait-il ses sentiments envers elle ?
Alors que l’on en apprend plus sur la liaison inégale et vouée à l’échec entre Justine et Pursewarden (la dérision et la condescendance de ce dernier envers Justine s’ajoutant à la jalousie de Nessim), certains personnages prennent de l’ampleur.

Un petit retour en arrière nous permet de voir  Nessim retournant dans sa ville natale pour parler à sa mère et à son frère Nerouz de son intention de se marier avec une jeune femme juive divorcée : Justine. On fait connaissance de son frère Nerouz, soutien infaillible de son frère et amoureux passionné d'une femme qu'il n'a vu que deux fois: Cléa. Leur mère apparait également, Leila, femme forte qui a aimé et aime toujours un jeune diplomate anglais: David Mountolive.
Certains personnages ont un destin tragique : Scobie, diplomate égyptien qui, à la fin de Justine, est employé dans le Renseignement, et dont le goût du travestissement est dangereux.
La dernière partie du livre relate un carnaval annuel, lieu de rencontre hallucinant, tout en faux semblants et en visages dissimulés, où un meurtre sera commis. (une mort soudaine clos également Justine)

C’est à ce moment-là, d’ailleurs, que l’on commence à comprendre que Darley est un narrateur peu fiable, tellement obnubilé par son amour pour Justine qu’il n’a qu’une vision partiale et fragmentée de ce qui l’entoure.
La fin tragique de Scobie est-elle vraiment un crime de haine ? Ou est-elle relative à son travail dans le Renseignement intérieur ?
Le meurtre d’un jeune homme lors du carnaval est-il une simple erreur de personne ? Si oui, pourquoi Pombal, diplomate français, se désole d’avoir perdu le meilleur agent secret qu’il n’ait jamais eu ?
Et le cercle d’étude de la Kabbale, mentionné dans Justine, a-t-il juste cet objectif ?

J’ai préféré la lecture de Balthazar à celle de Justine car les personnages prennent beaucoup de profondeur. Ils semblaient juste être esquissés dans Justine. Ils sont, dans Balthazar, fait de chair et de sang. Ils ont une vie propre, et non pas uniquement en relation avec le narrateur.
Le style de l'auteur est toujours aussi envoutant. Je commence dès à présent la lecture du 3eme volet : Mountolive

J'ai fini ce tome ce weekend. Je n'ai pas forcémment beaucoup d'élèments à ajouter à ton post déjà bien détaillé. Dans cet opus, Lawrence Durrell installe encore un peu plus les bases de ce qui va suivre et donne des pistes sans toutefois dévoiler le nœud de l'intrigue. Les personnages prennent de l'épaisseur, tout comme l'atmosphère d'Alexandrie (le fameux carnaval) et du désert Égyptien. Le passage sur le passé de Nessim est excellent. Il permet de découvrir deux personnages (Leila et Narouz) déterminants pour la suite.

Je lis le 3e tome et je me régale. Il s'agit de mon préféré pour l'instant.

Fanny a écrit:

Les personnages prennent de l'épaisseur, tout comme l'atmosphère d'Alexandrie (le fameux carnaval) et du désert Égyptien. Le passage sur le passé de Nessim est excellent. Il permet de découvrir deux personnages (Leila et Narouz) déterminants pour la suite.

C'est vraiment dans ce livre là que les personnages s'étoffent un peu, et qu'on se rend compte à quel point Darley n'était pas très observateur    
Je ne m'attendais pas du tout à ce que Balthazar lui démontre précisément à quel point il s'est trompé sur Justine  
Nessim et sa famille prennent beaucoup d'importance dans ce livre, ce qui va s'amplifier par la suite.

As-tu un personnage préféré dans Balthazar?

Citation :

Je lis le 3e tome et je me régale. Il s'agit de mon préféré pour l'instant.

Mountolive est mon préféré
C'est celui que je pourrais relire sans me lasser.

Diana a écrit:

As-tu un personnage préféré dans Balthazar?

J'ai beaucoup aimé Leila que l'on découvre tout juste. Son destin de femme instruite mais marié par arrangement est très bien dessiné. Elle a quelque chose d'assez attirant et intriguant. Je suis d'ailleurs impatiente de savoir qu'elle place elle a réellement dans l'intrigue.

Je viens de terminer ce deuxième tome, qui entre parfaitement dans la lignée du premier.

On a affaire à une réelle ré-écriture du premier tome, ce qui est génial pour le lecteur qui (comme moi ) ne peut jamais en avoir assez d'un roman qu'il a apprécié, a envie d'entendre encore la voix de son narrateur, de retrouver son univers et ses personnages. Bien que la vision soit ici étoffée par celle de Balthazar, c'est toujours le même narrateur, et l'écriture est toujours aussi tournoyante et éblouissante. Bien que j'avoue avoir été un peu plus embrouillée dans ce tome-ci que le précédent.

Le paradoxe de ce quatuor, c'est que plus on en sait, plus on réalise qu'on sait peu de choses... On découvre par exemple bien mieux Nessim, mais pour moi ça ne l'a pas rendu spécialement plus compréhensible. Sans doute reste-t-il encore une grande part de mystère qui sera révélée dans les tomes suivants. On sent les personnages jouer à cache-cache, tantôt se livrant à la lumière, tantôt demeurant dans l'obscurité.

J'ai été contente de lire un portrait plus détaillé de Pursewarden, qui m'a fascinée. Comme tous les personnages, il est très complexe et présenté avec une grande subtilité, mais plus que tout autre, je trouve qu'il englobe ce concept profondément réaliste qui forme l'ambition du quatuor : celui selon lequel la vérité est multiple, peut être appréhendée de différents côtés et révéler une image radicalement différente. Pursewarden est ambigu, souvent paradoxal, il dit des choses qu'il ne pense pas, joue avec les équivoques. C'est une personnalité insaisissable, qui peut livrer des trésors d'authenticité et puis l'instant d'après enfiler un masque et se moquer de ceux qui cherchent à le comprendre.

Je vais continuer ma lecture de ce chef-d'oeuvre, dont je ne me lasse pas

Citation :

Le paradoxe de ce quatuor, c'est que plus on en sait, plus on réalise qu'on sait peu de choses... On découvre par exemple bien mieux Nessim, mais pour moi ça ne l'a pas rendu spécialement plus compréhensible. Sans doute reste-t-il encore une grande part de mystère qui sera révélée dans les tomes suivants. On sent les personnages jouer à cache-cache, tantôt se livrant à la lumière, tantôt demeurant dans l'obscurité.

C'est ce que j'ai beaucoup aimé dans Balthazar, le fait que ce dernier remette en cause un très grand nombre des certitudes du narrateur de Justine
"Justine n'était pas amoureuse de vous voyons, mais de Pursewarden"
Et le lecteur - en tout cas moi- qui se dit : Pursewarden, le personnage très secondaire de Justine?    
Et pour Nessim, tu vas effectivement en apprendre bien plus dans Mountolive

Citation :

J'ai été contente de lire un portrait plus détaillé de Pursewarden, qui m'a fascinée. Comme tous les personnages, il est très complexe et présenté avec une grande subtilité, mais plus que tout autre, je trouve qu'il englobe ce concept profondément réaliste qui forme l'ambition du quatuor : celui selon lequel la vérité est multiple, peut être appréhendée de différents côtés et révéler une image radicalement différente. Pursewarden est ambigu, souvent paradoxal, il dit des choses qu'il ne pense pas, joue avec les équivoques. C'est une personnalité insaisissable, qui peut livrer des trésors d'authenticité et puis l'instant d'après enfiler un masque et se moquer de ceux qui cherchent à le comprendre.

Je suis d'accord avec toi, alors qu'il ne m'avait pas laissé un souvenir impérissable en lisant Justine

Tu avances vite LilyBart! Il faut dire que ce livre est particulièrement prenant. Bonne lecture du 3e tome. Il s'agit de mon petit favori (comme pour Diana il me semble)!