The Tortoise and the hare d'Elizabeth Jenkins

J'ai lu dernièrement le plus célèbre roman d'Elizabeth Jenkins, The Tortoise and the Hare (Le lièvre et la tortue en VF) et j'ai plutôt apprécié. E. J. est aussi l'auteur de Harriet, un roman publié il y a peu chez Joëlle Losfeld et présenté par Miss Virginia ici :

Je ne savais pas forcément pas à quoi m'attendre à commençant ce livre mais certainement pas à un roman aussi troublant ni aussi subtil, ni même aussi exigent.
Le roman a été publié à la fin des années 50 chez Plon. J'ai réussi à mettre la main, pour une somme modique, sur cette édition française et c'est plutôt une bonne chose car je ne suis pas certaine que j'aurais saisi toutes les subtilités de la version originale.


Le roman est sorti chez Virago (à gauche la version illustrée par Alice Tait et à droite la version "Deluxe" cartonnée   )

Dans les affaires de cœur, la course n'est pas forcément gagnée par le plus juste ni par le plus rapide.
Imogen, la jeune et jolie épouse du brillant et renommé avocat Evelyn Gresham, fait face au plus grand challenge de sa vie de femme mariée. Leur voisine, Blanche Silcox, une femme d'âge moyen au charme moins évident mais qui force l'admiration par son bon sens pratique - l'exact opposé d'Imogen donc - semble avoir attirer Evelyn dans ses filets. Et devant l'incrédulité croissante d'Imogen, elle est sur le point d'y parvenir !

La réussite de ce roman repose sur l'acuité d'une peinture psychologique et sentimentale extrêmement solide, servie par un style subtil mais aussi quelque peu sophistiqué (j'ai du m'accrocher par moments, on est pas loin d'une Rosamond Lehmann ou d'une Elizabeth Bowen à mon sens).

Le petit monde dans lequel tous ces personnages évolue est la campagne anglaise, conventionnelle et idyllique, du moins à la surface. Quand le vernis craque, des travers et des faiblesses se révèlent ...
Ce roman traite aussi avec intelligence et finesse des préjugés. Qui aurait pu croire que cet Evelyn Gresham, avocat émérite et homme du monde aurait pu négliger sa jeune et jolie femme (une"trophy wife" dans toute sa splendeur) pour une femme d'âge mur au physique un peu disgracieux ? Elizabeth Jenkins brode autour du thème du triangle amoureux de manière inhabituelle et insolite.
Le ton du récit est extrêmement grinçant et même un peu dérangeant et grave par moments (le personnage de l'enfant est d'ailleurs parfaitement à son image).
L'auteur nous entraîne dans une comédie de mœurs complexe, ténu et délicate, mais aussi un peu sulfureuse.

Pour moi, ce roman est assez difficile à cerner et encore plus à décrire ...

Merci pour ton avis Emjy.
Tu le recommanderais? Car en te lisant, on a l'impression que ton avis est un peu mitigé...

Disons qu'à l'heure qu'il est, j'ai encore du mal à me faire un avis digne de ce nom   Peut-être que j'y verrai plus clair dans quelques temps   

Plus sérieusement, même si j'ai du mal à mettre des mots sur ma pensée, je dirais que je le conseille quand même. Il est assez difficile à lire, c'est le genre de livre qui "se mérite" mais une fois qu'on l'a lu, on a l'impression qu'il nous a apporté quelque chose ...

Merci! Il n'y à plus qu'à espérer qu'un éditeur français le réédite!

Oh tu donnes envie, encore ! Je l'ajoute à ma wish list

J'ai fini ce week-end ce roman, et merci Emjy pour la découverte !

The tortoise and the hare est un très beau roman psychologique. Imogen est marié à Evelyn, un homme au charisme écrasant qu'elle a épousé très jeune. Douce, fragile, peu sûre d'elle face à cet homme habitué à commander, elle est engluée dans une relation très déséquilibrée. Mais elle se laisse porter, essayant d'être tous les jours moins étourdie, plus parfaite, plus intelligente pour plaire à son mari.
Face à elle, Blanche Silcox, une femme d'un certain âge, visiblement bossy, qui met son grain de sable partout (de la gestion municipale à l'ancienne entreprise de son père) et dont les loisirs sont très masculins. Bien loin de la fleur de serre qu'est Imogen !
Peu à peu, la belle Imogen voit son mari s'éloigner d'elle pour passer de plus en plus de temps avec Blanche. Peu à peu, Blanche prend la place qui aurait du être la sienne et Imogen se retrouve mise à l'écart du coeur et de la vie de son mari.

J'ai trouvé que c'était un roman excessivement fin dans la description des relations amoureuses et des relations de couples, de comment elles peuvent, ou ne peuvent pas évoluer après le mariage ; comment le mari attend de son épouse autre chose que ce qu'il attendait de sa fiancée. La plume d'Elizabeth Jenkins est fine et impressionniste : rien est dit, mais on sait, de la même manière qu'Imogen ne se doute de rien jusqu'au moment où l'évidence lui saute aux yeux. A quel moment les relations entre Blanche et Evelyn ont-elle changé de nature, de l'amitié à l'amour ? On ne le sait pas, et au final, peu importe : dès le début, Imogen était perdante. La pente qui a commencé à la première page ne pouvait qu'aboutir à la dernière.

Ce que j'ai aussi beaucoup aimé, c'est que Jenkins ne prend pas partie : on voit à travers le regard d'Imogen et on prend son côté, mais il ne faut pas d'effort pour comprendre ce qui a poussé Evelyn vers Blanche et Blanche vers Evelyn. Personne n'est parfait, personne n'est coupable.

C'est un très beau roman et je le conseille de tout coeur.

Merci pour ce bel avis Akina!

J'espère que tu te laisseras tenter !

Oui, merci pour cette belle critique, Akina. Tu as lu le roman en VO ou en traduction ?

C'est un roman d'une très grande finesse psychologique en effet, un des meilleurs que j'ai pu lire sur le thème de l'adultère à mon avis.
Les portraits des 3 protagonistes sont subtils, il n'y a aucun cliché ni stéréotype.

Je l'ai lu en VO. Je n'ai pas trouvé l'anglais plus difficile que celui d'un autre roman de la même époque.