Le Portrait de Dorian Gray, le livre.

A mon tour de découvrir ce classique souvent cité dans les listes de livres à lire avant de mourir.

Il s'agit tout d'abord d'un roman de son temps. Certains discours sur les femmes, la place de chacun dans la société définie dès la naissance, l'hypocrisie et le replis sur soi des classes supérieures en sont autant de preuves. La psychologie est plusieurs fois mentionnée, sujet d'étude en plein boom à l'époque de la publication du récit.

Cependant, et c'est ce qui fait le sel et la singularité de cette œuvre, un contre-courant est facilement discernable. Sont en présence, un personnage principal d'extraction floue qui semble subjuguer les hommes (et les femmes), un vocabulaire sans équivoque (les regards langoureux de Lord Henry, dans la traduction française), des passages bien sanglants, des éléments fantastiques ainsi que toute une réflexion sur le vieillissement et sur le regard que l'on porte sur soi.

Le portrait de Dorian Gray est un roman tout en ambiguïté et en non dit. Il faut souvent lire entre les lignes. Un pacte avec le diable pour une éternelle jeunesse se joue sous nos yeux. J'essaierai d'écouter un podcast France Culture histoire d'aller un peu plus loin.

J'ai beaucoup aimé les dialogues sur l'art, sur l'amour, sur la beauté éphémère, le temps faisant son oeuvre. Je l'ai lu en anglais, et j'en suis ravi. J'aime beaucoup aussi les parfums de scandale qui entourent une oeuvre, qu'est-ce qui a pu choquer à l'époque ? Je me plais à imaginer cette société prude en pleine découverte de cette histoire de jeune homme débauché. Je rêve d'avoir non seulement le dixième de son talent, mais aussi l'idée : un portrait qui vieillit à votre place, et plus vous commettez de péchés, plus le portrait s'enlaidit. Le miroir de votre âme noire (noire du péché et du meurtre), et que la mort vous rend. Il a été rapporté que Wilde avait été séduit par le roman de Joris Karl Huysmans À Rebours et le décadentisme.

Je l'avais lu en Seconde et je n'avais pas particulièrement accroché, mais vos avis me donnent envie de lui redonner sa chance, d'autant plus que je suis fan du théâtre de Wilde.

Joachim a écrit:

J'aime beaucoup aussi les parfums de scandale qui entourent une oeuvre, qu'est-ce qui a pu choquer à l'époque ? Je me plais à imaginer cette société prude en pleine découverte de cette histoire de jeune homme débauché.

Ca me fascine aussi. Ce roman faisait terriblement scandale à son époque, alors que finalement, les aspects "scandaleux" ne sont jamais explicites. Tout est dans ce qui est sous-entendu ou à peine suggéré. Comme le dit bien Fanny :

Fanny a écrit:

Le portrait de Dorian Gray est un roman tout en ambiguïté et en non dit. Il faut souvent lire entre les lignes.

C'est un côté fascinant du livre, ce pouvoir de choquer en ne disant presque rien de choquant ! Par exemple, la si terrible réputation de Dorian Gray, on ne sait jamais exactement en quoi elle consiste. Oscar Wilde laisse à ses lecteurs le soin de se l'imaginer. Chacun y projette les vices qu'il peut se représenter. Et je me demande si Oscar Wilde ne cherchait pas quelque part à mettre cette société face à sa propre hypocrisie : si le lecteur comprend ce qui est implicite, c'est qu'il n'est pas aussi innocent ou ignorant que ça !

Shelbylee a écrit:

d'autant plus que je suis fan du théâtre de Wilde.

Sache quand même que ses pièces de théâtre sont très différentes de son roman. Le ton y est radicalement différent.

Je viens de terminer ce livre, que j’ai mis du temps à lire, en fait. C’est assez dense, j’ai eu l’impression de devoir m’arrêter ici et là pour réfléchir car c’est bourré d’aphorismes et de réflexions sur l’art et la vie.
Je crois que le fait de ne pas décrire plus que ça les vices de Dorian permet au roman de traverser les âges (et de ne pas vieillir ? ) car on y met ce que l’on veut et évite d’être trop démodé.
Ce qui pouvait choquer à une certaine époque ne choquerait plus aujourd’hui.
J’ai trouvé le personnage de Sir Henry détestable en tentateur. En même temps on voit que c’est dans la nature de Dorian Gray d’adhérer finalement à ses thèses. On peut se dire qu’étant jeune, ne se connaissant pas, il peut tenter des expériences, tenté et initié par un mentor.m qui lui met le pied à l’étrier.
Mais passé un certain point, il est lui même responsable de ses choix. Or, il blame le tableau, puis le livre. Je n’ai pas de sympathie pour Dorian mais je trouve la complexité du personnage très séduisante en tant que lectrice. Cela me remet en mémoire la discussion lors de la LC de « crime et châtiment » sur l’impact de la sympathie que l’on éprouve pour un personnage sur l’accueil que l’on fait au livre.
Je ne me souvenais plus (car c’est une seconde lecture) du rôle que joue ce livre, d’ailleurs, dans l’histoire. Cet attachement à cet objet source d’inspiration.
Sur GR, un des reviewers dit qu’Oscar Wilde considérait que les gens le voyaient comme Sir Henry, que lui même pensait être comme Basil et qu’il aurait aimé être comme Dorian Gray.
Je le relirai très certainement !