Trompeuse gentillesse d'Angelica Garnett

L’autobiographie d’Angelica Garnett, fille des artistes Vanessa Bell et Duncan Grant et nièce de Virginia Woolf, est dans ma PAL depuis quelques années. J’ignore pourquoi je ne l’ai pas lue plus tôt. Peut être que j’attendais le moment propice et surtout de connaître un peu mieux le groupe Bloomsbury avant de m’y plonger. Au final, j’ai trouvé ce texte absolument fascinant. C’est un coup de cœur auquel je ne m’attendais pas particulièrement, craignant peut y être d’y trouver une confession trop intime et déplacée. Mais j’ai été complètement emportée par la sincérité d’Angelica, sa sensibilité mêlée de gravité, de mélancolie et de lucidité. 
A travers son regard et son écriture élégante (elle a de qui tenir), c’est tout un petit monde qui reprend vie sous nos yeux, celui du groupe Bloomsbury, mais avant tout Vanessa, une mère aimante mais aussi terriblement complexe et mystérieuse, et Duncan, un homme adoré de tous (y compris d’elle-même) mais qui n’a jamais su occuper une place de père. Angelica nous plonge dans son enfance qu’elle décrit comme un paradis précaire, alors entourée d’artistes et d’intellectuels plus fascinants les uns que les autres, partagée entre Charleston (que j’ai pris tant de plaisir à retrouver après l’avoir visité ), Londres et la France, et surtout peuplée de rêves, de secrets et de questionnements intérieurs. 
Trompeuse gentillesse est un témoignage vibrant, poignant et plein de pudeur qui apporte un éclairage nuancé sur le groupe Bloomsbury. Cette autobiographie a aussi quelque chose du parfait « roman anglais » : une jeune héroïne en quête de repères et marquée par le mystère de sa naissance, une description pleine de finesse des mœurs britanniques typiques de la première moitié du XXeme siècle, des personnages passionnants, figures évanescentes d’une Angleterre bohème maintenant disparue... À ceci près toutefois qu’il s’agit d’une autobiographie qui, parce qu’elle ne peut prétendre à l’objectivité, trouve une résonance bien différente de celle d’une fiction.
Bref, un texte captivant qu’il est intéressant de mettre en miroir avec l’œuvre de Vanessa Bell et l’histoire du groupe Bloomsbury.

NB : la couverture de l'édition Christian Bourgois reprend une photo d'Angelica Garnett déguisée en Ellen Terry.



Portrait d'Angelica, lisant (une de mes toiles préférées de Vanessa Bell)

Evidemment il me tente, évidemment il est épuisé
Mais je ne désespère pas vu que nous avons vu ressortir Portrait d'un mariage en poche pourquoi pas celui-ci !

Ah j’ignorais qu’il était épuisé ! Je l’avais trouvé d’occasion à Gibert (il y est assez souvent je crois).

EDIT : presque 50 euros sur Am...., mais bien sûr

Oui donc tu comprends pourquoi je vais sans doute m'en passer à moins de le voir à Gibert un jour

Oui de mon côté je l’ai trouvé sur le net, je ne sais plus ou peut étre Momox parce que parfois sous prétexte d’etre Épuisée une biographie peut valoir plus chère que son prix initiale de vente ... le mieux serait une re édition

Cette autobiographie m'intéresse beaucoup également
Je viens de regarder sur Amazon et même en VO, le livre est très cher, donc je vais gentiment patienter..

Oui, je pense qu'il doit se trouver relativement facilement d'occasion.
Croisons les doigts toutefois pour qu'il y ait une réédition un jour !

@Emjy
On va rester optimiste  
Déjà que le journal de Virginia Woolf a été rééditée après plus de 10 ans d'indisponibilité, alors pourquoi pas Trompeuse gentillesse?

Diana a écrit:

Déjà que le journal de Virginia Woolf a été rééditée après plus de 10 ans d'indisponibilité, alors pourquoi pas Trompeuse gentillesse?

Ah bon !! Mais je n'ai même pas vu, quelle bonne nouvelle !

Pour Angelica Garnett, j'ai regardé aussi sur The book depository, il n'y a plus rien non plus, mais bon les stocks ne sont pas remis à jour à cause du confinement. Beaucoup de livres sont marqués indisponibles vu les circonstances.

Shelbylee a écrit:

Diana a écrit:

Déjà que le journal de Virginia Woolf a été rééditée après plus de 10 ans d'indisponibilité, alors pourquoi pas Trompeuse gentillesse?

Ah bon !! Mais je n'ai même pas vu, quelle bonne nouvelle !

Je viens de rajouter l'information dans le topic du journal de Virginia Woolf, je pensais l'avoir déjà mentionné mais j'ai du le noter dans un autre topic

Excellente nouvelle : Trompeuse gentillesse va être réédité chez Le Livre de Poche le 13 octobre

Shelbylee a écrit:

Mais je ne désespère pas vu que nous avons vu ressortir Portrait d'un mariage en poche pourquoi pas celui-ci !

Comme quoi j'avais raison de ne pas désespérer

En tout cas, je suis ravie de cette excellente nouvelle !!!

Oui, franchement je ne m’attendais pas du tout à cette sortie !

Emjy a écrit:

Oui, franchement je ne m’attendais pas du tout à cette sortie !

Je ne m'y attendais pas non plus, c'est une très bonne nouvelle

Génial, je serais au rendez-vous

Dans l'introduction, Angelica Garnett explique qu'elle a commencé ce livre après avoir suivi une thérapie et c'est un peu l'impression qui ressort de cette lecture. On a le sentiment de suivre son introspection et que l'écriture de ce livre (qui lui a pris 7 ans) a eu une fonction cathartique. J'ai beaucoup apprécié cet aspect. Parfois Angelica se contredit (elle évoque le fait qu'elle ne parle plus à sa mère depuis son mariage pour quelques pages plus loin raconter son voyage avec Vanessa et Duncan Grant), puis nuance certains aspects mais elle n'en paraît que plus honnête et plus émouvante.

J'ai un peu moins aimé le début du livre. J'ai toujours un peu de difficultés avec les personnes qui décrivent précisément des scènes qui se sont produites quand ils avaient 3 ans, mais dès qu'elle quitte la petite enfance, c'est passionnant. Certains passages sont fascinants comme lorsqu'elle décrit les séances de peinture de Vanessa et Duncan dans leur atelier de Charleston (j'ai eu la chance de visiter leur maison avec Sandie et Emjy). J'ai aussi aimé sa description de ses relations avec Virginia Woolf qui apparaît comme attentive, affectueuse et joyeuse, bien lui du portrait que l'on fait d'elle parfois. La relation complexe que Angelica entretient avec sa mère est évidemment au centre du livre. Elle l'évoque en l'appelant toujours "Vanessa". A la fois relation fusionnelle, mais aussi source de bien des maux, c'est un portrait complexe d'une femme qui en essayant d'être gentille, va pourtant blesser profondément sa fille par ses non-dits. Le secret de la naissance d'Angelica va peser sur sa vie, même après sa révélation car en fait peu de choses changent. On a parfois le sentiment d'un effroyable gâchis relationnel et émotionnel entre les membres du groupe.

Angelica pardonne beaucoup plus à son père, qu'à sa mère, même si elle n'a au final, jamais réussi à former une relation filiale avec lui. Les pages sur son mariage avec David Garnett m'ont surprise par leur force. Je connaissais l'histoire

Spoiler:

.
Angelica n'a découvert ses faits que plus tard et l'on ressent bien le séisme psychologique qu'ils ont pu causer. Elle arrive toutefois à rester pudique et nous n'avons pas l'impression de sombrer dans le voyeurisme. C'est donc une oeuvre complexe et dense que je conseillerais plus tôt à ceux qui connaissent déjà les protagonistes du Bloomsbury group.

J'ai le sentiment que ce livre va faire partie des lectures qui me hantent. Le titre est merveilleusement choisi. J'espère que les autres écrits d'Angelica seront aussi disponibles en poche.

Contente que tu aies aimé. C’est une autobiographie qu’on garde longtemps en mémoire. Il fait dire que les personnes dont il est question sont pour le moins singulières …
Ce qu’elle dit de Vanessa et de Duncan est assez frappant. Ce n’est pas la première fois que je lis que les membres du groupe Bloomsbury ne pouvaient pas s’empêcher d’aimer Duncan, malgré ses défauts et ses faiblesses …
Clive Bell avait aussi beaucoup d’affection pour lui.

Emjy a écrit:

Ce n’est pas la première fois que je lis que les membres du groupe Bloomsbury ne pouvaient pas s’empêcher d’aimer Duncan, malgré ses défauts et ses faiblesses …
Clive Bell avait aussi beaucoup d’affection pour lui.

Oui c'est d'ailleurs assez incroyable et je trouve que cela transparait encore ici.
De même qu'à un moment, elle dit qu'il se comporte de cette manière (je ne sais plus à quel sujet) parce qu'il est jeune. En moi-même, je me dis il a quand même 36 ans

Le mot qu'elle cite de Duncan après la mort de Vanessa est très émouvant aussi. On a le sentiment qu'il va être perdu sans elle.

En tout cas, très envie de revoir Life in squares

@Shelbylee
Ton avis me donne encore plus envie de lire ce livre!

Avec un peu de retard, voici mon avis sur ce livre (que j'ai lu en LC avec Shelbylee).

Je suis totalement novice concernant le groupe Bloomsbury, en dehors de quelques livres lus sur Virginia Woolf et surtout une merveilleuse visite de Charleston il y a quelques années   Cela ne m'a pas empêché d'apprécier ce livre, même si pour en avoir discuté avec Shelbylee et lu son avis, je pense que je l'aurais bien plus apprécié avec des connaissances plus étendues sur le sujet. Je le conseillerais donc aux personnes qui sont déjà familières du Bloomsbury group et de ses membres.

J'ai beaucoup aimé Trompeuse gentillesse pour ce qu'il nous dévoile du Bloomsbury group justement : cela m'a d'ailleurs donné envie de lire d'autres livres sur ce sujet cette année  
J'ai adoré le portrait qu'Angelica Garnett fait de sa tante Virginia Woolf, dont elle semblait très proche : elle en livre une image assez lumineuse et joyeuse et évoque plusieurs moments intimes qui nous donnent un portrait assez inédit de l'auteure de Mrs Dalloway. Pour les mêmes raisons, tous les passages à Charleston m'ont plu car on entre vraiment dans l'intimité de ses occupants, on en découvre un portrait émouvant et intéressant. Et cerise sur le gâteau, ayant visité les lieux, je n'ai eu aucun mal à m'imaginer Vanessa Bell et Duncan Grant peignant dans leur atelier, les promenades dans le jardin ou les petits déjeuners en famille dans la cuisine décorée d'une façon un peu bohème.

Cependant, j'ai quand même eu une impression un peu bizarre tout au long de ma lecture car ces mémoires sont très différentes de ce à quoi je m'attendais : je trouve qu'Angelica Garnett traite parfois son sujet comme une séance chez le psychanalyste (elle en parle d'ailleurs dans la conclusion). D'autre part, certains souvenirs d'enfance ont un côté un peu artificiel et romancé dans le sens où je suis toujours émerveillée par la capacité d'une personne âgée à se souvenir de choses qui lui serait arrivées à l'âge de 5-6 ans et à les retranscrire avec autant de détails   Ses rapports (très compliqués et complexes) avec sa mère m'ont également laissé une impression bizarre, à commencer par le fait qu'il n'y ait aucun témoignage d'amour ou d'affection entre les deux (Angelica appelle toujours Vanessa par son prénom, presque comme une étrangère j'ai envie de dire).
J'attendais par ailleurs beaucoup les passages où elle raconte le moment où elle a appris la véritable identité de son père et son mariage avec David Garnett

Spoiler:

, et au final elle n'en dit pas grand chose : elle passe très vite sur ces événements et reste assez neutre (on n'a pas vraiment ses sentiments profonds, son ressenti sur tout cela), ce qui donne l'impression qu'elle en parle parce qu'elle se sent obligée mais n'a pas envie d'aborder le sujet (ce qui peut tout à fait se comprendre cependant).

@ Sandie : Pour en savoir plus sur le groupe, je te conseille la meilleure biographie que j'ai lue, à savoir Virginia Woolf et Vanessa Bell, une très intime conspiration :
C'est elle qui m'a permis de tout resituer dans mon esprit avant de m'attaquer à d'autres ouvrages sur le sujet.

Et on espère qu'elle va sortir en poche parce qu'elle est évidemment épuisée en GF

C'est peut-être la prochaine sur leur liste, au Livre de Poche ! Je croise les doigts en tous cas.

Emjy a écrit:

C'est peut-être la prochaine sur leur liste, au Livre de Poche ! Je croise les doigts en tous cas.

Je croise les doigts aussi du coup, tu me donnes très envie de lire cette biographie !

En attendant, j'ai réservé ce catalogue d'expo à la bibliothèque :

Super idée ! J'ai raté cette expo et je m'en mors les doigts !