Ce livre est un petit bijou.
Business as usual est l'histoire de Hilary Fane, une écossaise de 27 ans, au tout début des années 30. Elle est fiancée à Basil, un chirurgien. La carrière de celui-ci étant particulièrement exigeante, ils ne pourront pas se marier avant un an. Hilary, jeune femme vive et indépendante d'esprit décide qu'elle ne va pas perdre cette année à attendre sagement son mariage. Elle profitera de cette période pour partir à Londres chercher du travail et ainsi gagner sa vie et acquérir une nouvelle expérience professionnelle.
Trouver un emploi n'est pas aussi facile qu'elle l'avait espéré. Hilary est diplômée, est férue de littérature mais semble manquer de qualifications pratiques tant recherchées par les employeurs. Déterminée, elle finit par décrocher un poste à Everyman, le plus grand magasin de Londres (un Selfridges déguisé), dans le département bibliothèque (oui, il existait à l'époque). Hilary s'applique à accomplir chacune des tâches qui lui sont assignées mais elle est bientôt obligée de reconnaître que remplir et coller des étiquettes à longueur de journée n'a rien de passionnant ni de gratifiant.
Mais Hilary est courageuse et volontaire, elle aime se sentir utile. Elle fait des erreurs, commet un certain nombre de maladresses mais elle apprend vite et tente même de faire preuve d'initiative en suggérant des améliorations éventuelles à apporter.
D'un point de vue domestique, notre héroïne fait également preuve d'intelligence et de discernement en gérant son budget parfaitement. Malgré ses épreuves, elle garde sa bonne humeur et un humour à toute épreuve et franchement irrésistible (elle m'a fait glousser à de nombreuses reprises
)
Elle fait part des petits détails de son quotidien dans des lettres adressées à Basil et à ses parents. Elle se confie sur les erreurs qu'elle commet mais les partage à son fiancé seulement une fois qu'elle les a réparées.
Outre le courrier personnel de Hilary, ce roman épistolaire contient des notes de service, notamment entre sa supérieure et le manager du grand magasin. Elle se doit en effet de lui rapporter régulièrement la conduite de ses employés. Heureusement, le manager, qui a une vision progressiste du métier, constatera rapidement à quel point Hilary, de part son caractère atypique et sa modernité, a de la valeur et mérite d'être encouragée …
Durant ces quelques mois passés à Londres, Hilary fera un bon petit bout de chemin dans le magasin, elle sera promue et même transférée dans le département librairie. Mais son parcours sera semé d'embûches. Dans une scène mémorable, ses employeurs constateront 1) qu'elle aime faire des petits croquis humoristiques dans son calepin pendant ses heures de travail et 2) qu'elle n'est pas très douée en calcul mental (je me suis tellement reconnue à ce moment là
). Certaines de ses collègues, peu enclines à la voir apporter des modifications à leur méthode de travail, ne seront pas toujours charmantes à son égard.
Les personnages qui peuplent ce récit sont truculents, les collègues de travail de Hilary bien sûr mais aussi son amie d'Université retrouvée à Londres ou encore sa tante richissime et un peu envahissante. Mais c'est la voix singulière et pleine de charme d'Hilary elle même qui donne une tonalité engageante et si particulière au récit. Hilary est une héroïne merveilleuse. Elle est tout à la fois brillante, lumineuse et capable de porter un regard lucide et ironique sur ses défauts et faiblesses. Et elle pose un regard bienveillant sur les gens qu'elle rencontre, ce qui la rend d'autant plus attachante.
Le roman est ponctué de petites notes féministes et progressistes. Hilary trouve un livre de la grande militante Marie Stokes à la librairie et dans un passage particulièrement bien écrit, elle fait tout son possible pour aider une jeune collègue qui veut garder sa grossesse secrète (ce que son
cher fiancé lui reprochera dans une de ses lettres …)
L'évolution et les sentiments de Hilary (aussi bien au travail que dans sa vie personnelle) sont décrits avec beaucoup de finesse et de sensibilité. Jane Oliver suggère plus qu'elle ne montre et la mise en forme par lettres du récit est parfaitement menée de la première à la dernière page.
Le roman a été publié en 1933 et pourtant, à quelques éléments historiques près, on pourrait croire qu'il a été écrit de nos jours. L'auteur semble connaître sur le bout des doigts les rouages d'un grand magasin, ce qui donne d'autant plus de crédibilité à son récit.
Comme l'écrit si bien Hilary dans une des lettres
"The worst of earning one’s living is that it leaves so little time over to live in." Difficile pour elle de trouver un équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle, surtout que son fiancé resté en Ecosse ne voit pas toujours d'un très bon œil ses prises d'initiative et son désir d'indépendance.
Business as usual c'est un peu la comédie épistolaire parfaite. Entre roman social, récit d'émancipation et comédie romantique, elle est pétillante à souhait mais est moins légère qu'il n'y paraît.