Les Forestiers de Thomas Hardy

J'ai lu ce roman dans le cadre du challenge "classiques anglophones" et comme toujours avec Thomas Hardy, je me suis régalée.

Citation :

Lorsque Grace Melbury revient dans le petit hameau boisé de Little Hintock, après ses études, son avenir est depuis longtemps tracé, déterminé par une promesse intérieure faite entre son père et celui de Giles Winterbone, décédé. Grace et Giles sont promis l'un à l'autre, ils se marieront. Mais Grace a grandi. Elle a découvert, hors des frontières de son village, une tout autre vie, d'autres rêves. Portée par l'ambition et ses nouvelles aspirations, elle tombe dans les bars du beau, irrésistible et troublant Dr Edred Fitzpiers. Mais ce chemin n'est-il pas à mille lieues de ses envies sincères, de ses affections profondes ?

Sans surprise, l'étude psychologique et sociale des personnages est d'une grande finesse et les descriptions rurales magnifiques. Le style de Thomas Hardy est plein de nuances et de poésie, le lecteur parvient sans mal à imaginer le milieu forestier dans lequel évoluent ses héros.
L'auteur a choisi de mettre ici en scène une sorte de triangle amoureux. Il nous décrit avec acuité les affres et déchirements sentimentaux de Grace, d'Edred et de Giles mais ne tombe jamais dans un mélodrame grandiloquent.
Les Forestiers est une excellente étude des moeurs, à l'atmosphère douce, feutrée et rustique, doublé d'un drame intime poignant.
J'ai été séduite par ce roman même si je pense garder une préférence pour Le Maire de Casterbridge et Tess d'Urbervilles.

Et vous, connaisssez-vous cette oeuvre ?

Je l'ai chez moi, emballé dans un superbe papier cadeau - il m'arrive en effet d'acheter par avance des livres que je fais emballer en librairie pour pouvoir les offrir à mes proches, et les leur emprunter ensuite. Celui-là est encore en réserve, je pense que je serai amenée à le découvrir prochainement : ce sera donc mon premier Thomas Hardy.

Bon, tant que je suis dans ma période Hardy, j'en profite pour passer par ici, même si Les Forestiers est loin d'être mon roman préféré de Hardy.

A vrai dire, je ne me souviens qu'assez vaguement du roman. Les personnages m'ont paru trop distants, peut-être même trop froids, surtout Grace. Fitzpiers était intéressant et... c'est à peu près ce dont je me souviens

En fait comparé aux autres romans de Hardy, le sort des personnages m'étaient plutôt indifférents, tout comme la fin m'a laissée de marbre (même si je ne sais même plus comment tout cela finit...)

Mais sinon je viens de voir l'adaptation de 1997 avec Rufus Sewell. C'est drôle, j'ai toujours cru que cette adaptation avait été faite pour la télé, et je me suis rendue compte au générique de fin qu'elle avait bien été faite pour le cinéma !

Alors... ça ne m'a pas réconfortée sur mon opinion générale de l'intrigue et des personnages. Les images sont belles, les costumes aussi mais on a l'impression que les scènes s'enchaînent sans connexion ! Les personnages sont plats, sans relief, et à part Grace, on les voit tous très peu finalement. La musique est jolie. En fait je crois que le problème vient aussi de la durée (1h30 seulement !!)

Et la fin a apparemment été changée par rapport au roman, mais je ne vois plus de différence étant donné que je ne me souviens même pas de celle du roman...

Ohlàlà, j'ai été dure. Bon j'essaierai de relire le roman un de ces quatre, mais je crois que je vais être deux fois plus dure avec l'adaptation du coup, puisque l'intrigue a été apparemment beaucoup simplifiée !

Donc... j'ai ouvert le paquet cadeau (voir mon post précédent pour comprendre ) et je me suis régalée à la lecture de mon premier Thomas Hardy.

De ce que j'ai pu lire ici ou là sur cet auteur, j'en avais l'image de quelqu'un d'absolument sinistre, dont la vocation semblait manifestement de plonger ses lecteurs dans un état de déprime avancé.

Il n'en fut rien !

Comme l'a dit Emjy, ce roman repose sur un triange amoureux, celui entre Grace Melbury, la fille d'un bûcheron qui a bénéficié d'une bonne éducation ; Giles Winterborne, un forestier au coeur bon mais un peu fruste, et Fitzpiers, un jeune médecin que sa naissance et son éducation rendent plus proche des aspirations de Grace, mais qui en réalité n'est qu'un coureur de jupons. Le triangle se complique grâce à la présence de trois personnages : Marty South, une jeune paysanne à la très belle chevelure et à l'âme droite ; Mrs Felice Charmond, la châtelaine du pays, encore jeune, veuve, ancienne comédienne, pour qui le flirt est une seconde nature ; et enfin Suke Damson, une paysanne réjouie et volage.

Mon avis : J'ai beaucoup aimé ce roman pour sa description extrêmement réussie des conditions de vie des forestiers de Hintock et de la nature, pour la subtilité de son analyse psychologique et sociale des personnages. Thomas Hardy montre dans son roman que les complexes du père de Grace, un bûcheron qui a bien gagné sa vie mais qui n'a reçu aucune éducation, l'ont conduit à faire une "sottise" : envoyer sa fille en pension. Celle-ci en est ressortie plus raffinée, et diverses circonstances vont faire que Grace et son père vont finir par ne plus voir en Giles Winterborne un prétendant à leur goût. Cela conduira la jeune fille, pourtant droite et sincère, à faire un mauvais mariage, puisque le jeune médecin qu'elle épouse la méprise pour ses origines.

Beaucoup de réalisme dans ce livre fort bien écrit, qui comporte plusieurs passages saisissants, en particulier :

- le début, lorsque Marty South, découvrant que Giles n'est pas amoureux d'elle, mais de Grace, décide de couper sa chevelure pour la vendre au coiffeur de la bourgade d'à côté que la châtelaine a chargé de réaliser une perruque pour elle ;

- la mort du père de Marty South ;

- la rencontre de Grace avec le jeune médecin ;

- le passage sur la Saint-Jean ;

- le passage où Grace, jeune mariée, observe Giles Winterborne en train de fabriquer du cidre ;

- le moment où Grace comprend que son mari la trompe mais n'arrive pas à éprouver le moindre sentiment de jalousie ;

et tant d'autres.

A cela s'ajoute une touche de romantisme, en particulier vers la fin (qui n'est peut-être pas très vraisemblable :

Spoiler:

Sont abordés : la question de l'élevation sociale et du rôle de l'éducation, opposée à la nature ; le poids de la société et du mariage sur les aspirations des individus. Les personnages qui m'ont le plus touchée sont les plus purs, Giles, Marty, et, dans une moindre mesure mais presque autant, Grace et son père. Mais même les personnages plus raffinés et plus lâches gardent un caractère sympathique aux yeux du lecteur, car Thomas Hardy leur confère à tous une part d'humanité. L'humour n'est pas absent

Spoiler:

Un beau roman.

Merci pour cette présentation ! Je sens que je vais me réconcilier avec Thomas Hardy !

Ah, ah, voilà qui m'intéresse, un Hardy qui ne me plongera dans les abîmes d'une dépression de 15 jours. Celui-ci est dans ma PàL, d'ailleurs et tu viens de lui permettre de gravir quelques échelons. Et il te remercie.

Popila a écrit:

De ce que j'ai pu lire ici ou là sur cet auteur, j'en avais l'image de quelqu'un d'absolument sinistre, dont la vocation semblait manifestement de plonger ses lecteurs dans un état de déprime avancé.

Il n'en fut rien !

A te lire, il semblerait que j'ai commencé Thomas Hardy par le mauvais bout Bon je note tout de même...pour dans quelques années quand je serais totalement remise de Jude

Je viens de l'acheter après avoir vu l'adaptation...
je ne l'ai que feuilleté...ce que j'ai lu est très joli...plein de délicatesse...
en français pour l'instant...et quelques pages en VO....
Une découverte...de cet auteur si déprimant que même en vidéo, je le fuyais....
Je vais avoir quelques jours pour m'y plonger....

Contente que tu te sois laissée tenter par l'adaptation et le livre, Hysope ; j'espère que tu viendras nous donner ton avis après avoir lu le roman de Thomas Hardy.

Et sinon, n'hésite-pas à venir te présenter dans la partie "Welcome" : nous serons ravis de t'accueillir !

Merci.
Encore un jour de travail et je m'y plonge avec délices, je crois...pour l'instant je ne fais que le feuilleter avec Middlemarch en anglais..pour savoir par lequel commencer...
La traduction française des Forestiers est agréable à lire....ce qui n'était pas le cas des Jane Austen...Je verrai si elle est fidèle...
et je passerai me présenter...
See you

Je viens de voir l'adaptation des Forestiers, et je dois dire qu'il m'a semblé que c'était vraiment un résumé du roman (que je n'ai pas lu, mais ça se sent...) J'ai trouvé les personnages assez fades, même si le film comporte de belles images.

Un résumé....certes, il manque le second épisode...qui aurait permis de développer...Je sais, c'est un film !!!...un peu court...
En ce qui concerne les personnages...je ne sais pas s'ils sont fades...pour ce que j'en ai lu, Grace est bien telle que je la vois...à ne pas savoir ce qu'elle veut...et Giles...malgré un manque certain d'objectivité...(I wonder why...) semble bien correspondre au livre...avec leurs jeux tout en retenue...Certes les autres personnages sont un peu inexistants...dommage...
Mais comme cela m'a conduit à lire ce livre...et à l'apprécier...
Je serai plus objective quand j'aurais fini, dans les deux langues...pour une fois que je lis une traduction avec plaisir...j'imagine que l'original est encore mieux...

Voilà, j'ai terminé le livre en français et j'attends le DVD en anglais pour le voir sans interrutions et sans sous-titres espagnols !!!

Certains personnages auraient mérité d'être plus étoffés...Marty, Felice...mais les principaux me semblent bien rendus...L'atmosphère qui se dégage, le rythme assez lent...tout cela rend bien la nostalgie que Hardy semblait avoir pour la vie simple de la campagne...déjà, il redoutait que le progrès ne soit pas vraiment un progrès...
Dommage que la fin ne soit pas la même...ce n'est plus la même chose...

J'ai lu le roman et suis encore tombée sous le charme de Hardy. Même si l'argument n'est pas des plus joyeux, ce n'est pas son plus déprimant...

Ce que j'ai préféré, ce sont les descriptions des paysages très délicates et détaillées avec le passage des saisons très prégnant, mais aussi l'analyse psychologique et sociale.

Certains personnages sont très touchants, comme Marty South par exemple. En revanche, comme souvent chez Hardy, l'héroïne principale Grace n'est pas très sympathique...

Miss Virginia a écrit:

En revanche, comme souvent chez Hardy, l'héroïne principale Grace n'est pas très sympathique...

Ah bon? Quelles héroïnes de Hardy ne sont pas sympathiques? pour moi, Hardy est un écrivain de la femme, il en fait de vrais portraits, personne n'est parfait chez Hardy et donc les femmes non plus, mais elles ne sont pas de simples faire valoir comme bp dans la littérature et même le cinéma, "ni des bonnes soeurs, ni des prostituées"... des personnages beaux et imparfaits, de vrais êtres humains quoi... et comme qu'on le veuille ou non on n'en a pas l'habitude... enfin c'est mon analyse...

J'ai lu le roman il y a très longtemps et j'ai peu de souvenirs de l'histoire, je me rappelle surtout des relations entre Grace et Giles qui m'avaient bouleversées, et du portrait du monde des forestiers qui m'avait enchantée, et surtout d'en être sortie avec un avis très positif.

Je ne disais pas ça sous forme de critique, car je suis d'accord avec ton analyse: l'imperfection est inhérente à la nature humaine, et dans ce roman en particulier on voit bien les contradictions qui habitent chaque être humain.

Pour moi, Bathsheba, et dans une moindre mesure Tess, ne m'apparaissent pas comme des personnages sympathiques. J'ai toujours l'impression quand je lis Hardy qu'il y a dans son écriture une certaine distance critique par rapport à ses héroïnes, ce qui empêche que l'on tombe dans le pathos.
Après j'ai conscience que c'est peut-être très personnel.

Miss Virginia a écrit:

Pour moi, Bathsheba, et dans une moindre mesure Tess, ne m'apparaissent pas comme des personnages sympathiques.

Loin de la foule déchainée est le seul Thomas Hardy que je connaisse, et je n'ai pas non plus trouvé Bathsheba très sympatique; intéressante mais pas sympatique. Je ne m'étais pas vraiment attachée à elle. J'avais préféré (et de loin ... ) le personnage de Gabriel

Anne Dashwood a écrit:

Ah bon? Quelles héroïnes de Hardy ne sont pas sympathiques?

Eh bien je n'ai lu pour l'instant que The return of the native, mais j'ai trouvé Eustacia particulièrement exaspérante pour ma part.

WithinMyDreamingSide a écrit:

Anne Dashwood a écrit:

Ah bon? Quelles héroïnes de Hardy ne sont pas sympathiques?

Eh bien je n'ai lu pour l'instant que The return of the native, mais j'ai trouvé Eustacia particulièrement exaspérante pour ma part.

Je suis en train de lire Under the Greenwood tree et son héroïne, Fancy Day, est pas mal non plus dans son genre. Je la trouve pleurnicheuse et vaniteuse. Je l'aimais bien sous les traits de Keeley Hawes dans l'adaptation BBC mais là, ça passe moins ...
Ceci dit, de manière générale, je préfère les héroïnes féminines de Thomas Hardy à celles de Dickens ...

bon ben visiblement je suis seule dans mon opinion. mais je la garde!

je trouve que TOUS les perso de Hardy sont profondément imparfaits, souvent insupportables et franchement pas tjs attachants. De Angel en passant par Jude, et que dire d'Henchard... pareil avec Boldwood... peut être que Gabriel Oak y échappe et encore...
mais comme souvent les femmes sont décrites comme soit des pestes, soit des saintes, quand les personnages féminins sont traités comme les personnages masculins, on a tendance plus facilement à les juger négativement. après j'intellectualise peut être trop...

Anne Dashwood a écrit:

bon ben visiblement je suis seule dans mon opinion. mais je la garde!

Ben si tu écris que les héros masculins de Thomas Hardy sont aussi imparfaits que ses héroïnes, je suis d'accord, hein
C'est vrai que Gabriel Oak est un peu à part, c'est vraiment le personnage loyal et généreux par excellence, une sorte de modèle. Je l'adore parce que c'est un héros qui ne se met jamais en avant et dont on découvre la force et la séduction au fur et à mesure du récit. Il est très différent de Troy par exemple, qui n'est que fulgurance.
Les héros masculins de Hardy sont à mon avis tout aussi imparfaits, effectivement. Certains sont faibles, moralisateurs (Angel, je pense à toi), pervers ... Tous ont une vulnérabilité qui leur est propre.

Je suis d'accord, et d'ailleurs, je trouve que Giles ressemble par certains côtés à Gabriel.

Emjy a écrit:

Anne Dashwood a écrit:

bon ben visiblement je suis seule dans mon opinion. mais je la garde!

Ben si tu écris que les héros masculins de Thomas Hardy sont aussi imparfaits que ses héroïnes, je suis d'accord, hein

Et moi aussi en fait.  Je ne les évoquais pas parce qu'on était lancé sur les femmes, mais on est bien d'accord qu'ils ne sont pas des plus positifs, même Clym est son rigorisme douteux. Seulement qu'elle ne soit pas la seule a avoir des torts n'excuse pas pour autant Eustacia, surtout que c'est justement une des choses qui m'agace profondément chez elle : le fait qu'elle mette toujours tout sur le dos des autres.

Bref de toute façon je suis hors sujet puisque je ne parle pas du bon livre, donc sur ce je me tais.

Les Forestiers fait désormais partie de mon top 3 des romans de Thomas Hardy que je préfère, vous vous doutez donc que j'ai aimé

Je trouve que l'intrigue rappelle un peu celle de Jude l'Obscur (en moins déprimant) car ici aussi, on assiste à la "punition" de quelqu'un qui a voulu s'affranchir de son milieu social par les études. Même si dans le cas de Grace, la décision ne vient pas d'elle et, même si elle n'est pas heureuse dans son mariage, elle subit moins de tourments que Jude.
L'intrigue m'a semblée un peu longue à démarrer mais ce n'est pas gênant outre mesure : cela permet de faire connaissance avec chacun des habitants de Little Hintock, son métier et son histoire, et on voit peu à peu les ressorts du drame se mettre en place et se resserrer autour du trio Grace / Giles / Fitzpiers.
Comme toujours j'ai adoré être transportée dans l'Angleterre rurale du XIXe siècle, ses traditions, ses métiers... à travers des extraits de poèmes et de chansons, des fêtes paysannes ou tout simplement des descriptions de la nature. Comme le titre le laisse deviner, on est ici dans le monde des bûcherons, marchands de bois et cidriers, le temps et la vie est rythmée par les changements de saisons et les transformations de la nature et c'est vraiment un dépaysement total.

Ravie de lire un autre avis élogieux sur ce roman.  Il ne fait sans doute pas partie des plus connus de l'auteur et pourtant, je ne le trouve pas mineur au regard du reste de son oeuvre. Comme toi, Sandie, je pense qu'il figure dans mon top 3 (avec Loin de la foule déchaînée et Le Maire de Casterbridge).