Chaînes conjugales (1 Letter to 3 wives) de Mankiewicz

Mankiewicz est sans conteste l'un des réalisateurs les plus marquants de sa génération. Ses films sont des pépites.
J'aimerais pour cette fois vous présenter un de mes derniers coups de en date : le délicieux Chaînes Conjugales, sorti en 1949

Synopsis :

Citation :

Trois amies, Deborah, Rita et Laura Mae, s'embarquent pour une croisière quand leur parvient une lettre d'une relation commune, Addie Ross : "Chères amies, je pars avec le mari de l'une d'entre vous." Le bateau a largué ses amarres. Dès lors, chacune des jeunes femmes va faire appel à sa mémoire pour déceler dans sa vie privée le signe révélateur de son infortune conjugale...

Deborah, venue de la campagne, s'est toujours sentie en état d'infériorité vis-à-vis des amis distingués de son mari, Brad.

Rita et George Phipps semblaient heureux. Pourtant, George qui considère son emploi d'enseignant comme un sacerdoce, a toujours détesté les milieux radiophoniques où Rita gagne sa vie en sacrifiant son talent.

Laura Mae, issue d'une famille pauvre, a réussi à se faire épouser par le riche Porter Hollingsway et veille jalousement à son bonheur. Au retour de l'excursion, les trois amies décident de se voir le soir même en compagnie de leurs maris.

Ce film, empreint de mystère et de suspens, est une comédie dramatique douce-amère absolument jubilatoire. Elle nous donne à réfléchir sur le mariage, la peur de l'abandon, l'amour tout simplement.
Au casting, on découvre 3 femmes aux charmes très différents : la douce et innocente Deborah (Jeanne Crain), la généreuse et indépendante Rita (Ann Sothern) et la séductrice et mélancolique Lora Mae (Linda Darnell).
A travers ces trois 3 formidables portraits, Mankiewicz se permet une étude très critique et très drôle (parfois cynique) des moeurs américaines, et plus généralement parlant des relations entre les hommes et les femmes.
La mise en scène est soignée et incroyablement fluide, les dialogues finement ciselés (comme toujours chez Mankiewicz), les interprétes très inspirés.
L'intrigue évolue lentement mais avec une douceur qui n'est absolument pas déplaisante. Le film est d'une finesse saisissante, aussi bien dans les scènes de comédie (celle du dîner chez Rita avec un magnifique Kirk Douglas, par exemple ) que de drame.
S'il n'est pas le plus célèbre des films de Mankiewicz, Chaînes Conjugales n'est pas pour autant une oeuvre mineure. Le réalisateur maîtrise incroyablement bien son sujet et ça se ressent à chaque seconde. Moderne, intemporel, il a pour moi tout du chef d'oeuvre !

Et vous, avez-vous vu ce film ? Si oui, qu'en avez-vous pensé ? Quelle est votre héroïne et votre couple préféré

J'ai vu ce film hier soir, et même si ce n'est pas à mes yeux le meilleur film que Mankiewicz ait réalisé, j'ai beaucoup aimé cette comédie douce-amère.

Le scénario est très intelligent : trois amies partent pour un pique-nique, lorsque leur parvient une lettre d'Addie Ross, qui leur annonce qu'elle s'est enfuie avec le mari de l'une d'entre elle... mais lequel ?

S'ensuivent alors trois flash back, au cours desquelles chacune des trois femmes se remémore sa vie conjugale, au cours de laquelle Addie Ross a joué un certain rôle.

Personnellement, j'ai trouvé que ces flash back n'étaient pas toujours amenés très habilement, mais j'ai bien aimé que ce soit Addie Ross, dont on ne saura jamais à quoi elle ressemble tout au long du film, qui raconte l'histoire (la voix off est celle de Céleste Holm, la meilleure amie de Bette Davis dans All about Eve de Mankiewicz).

Premier flash-back, celui de (Deborah) Jeanne Crain, la plus jeune, une fille issue de la campagne qui a travaillé pour l'armée et qui épouse un homme jeune, beau, riche et distingué, Brad. La soirée qu'il donne en l'honneur de sa jeune épouse pour la présenter à ses amis tourne à la catastrophe, tant la jeune épouse manque de confiance en elle ; elle a conscience que sa robe est affreuse, et elle a beaucoup trop bu pour calmer son anxiété. A côté d'elle, Addie Ross n'a aucun mal à incarner le summum de la classe.. cette soirée tragi-comique sera cependant l'occasion pour Deborah de sympathiser avec Rita, qui se montre très solidaire vis-à-vis de sa nouvelle amie.

Deuxième flash-back, précisément celui de la blonde Rita (Ann Sothern), une épouse très moderne, puisqu'elle travaille pour la radio et gagne plus que son mari George, enseignant. Elle invite sa patronne dans le but d'obtenir un poste avantageux pour son mari, et là encore, la soirée tourne au drame : Rita a complètement oublié que c'était l'anniversaire de son mari (contrairement à Addie Ross qui lui offre un disque de Chopin ou de Schubert, je ne sais plus), la bonne - excellente Thelma Ritter - se comporte de manière tout à fait impossible -, et la patronne de Rita, venue accompagnée de son mari, est absolument imbuvable. Le tout donne lieu à une scène très réjouissante au cours de laquelle la mari de Rita, George (étonnant Stanley Kubrick) défend ses idéaux : bien qu'intellectuel et mal payé, il croit en l'éducation, et dresse une critique ironique et féroce de la radio, qui, sous prétexte d'éduquer les masses, les asservit à la société de consommation.

Dernier flash-back, celui de Laura Mae (merveilleuse Laura Darnell), une femme extrêmement belle et intelligente, mais issue d'un milieu très modeste, qui se rappelle comment elle a réussi à mettre le grappin sur son patron, Porter Hollingsway (Paul Douglas, parfait), un homme plus âgé qu'elle, plutôt rustre, mais qui a réussi à implanter une chaîne de magasins dans tout le pays. Avec beaucoup d'intelligence et de cynisme, Laura Mae allume son patron, tout en lui faisant clairement comprendre qu'il n'obtiendra aucune faveur, sauf s'il l'épouse. Mais l'on découvrira que tous deux sont en fait très amoureux l'un de l'autre, et souffrent d'une relation où le sentiment ne peut jamais s'exprimer.

Je ne raconterais pas la fin, mais j'ai beaucoup aimé l'histoire de ces trois femmes, particulièrement celle d'Ann Sothern et plus encore celle de Linda Darnell. Plus on avance dans le film, plus il augmente en intensité dramatique ; l'humour est très présent, et il y a beaucoup de finesse psychologique. L'étude de moeurs est particulièrement bien vue, ces trois femmes peinant à savoir qui elles sont et à trouver le bonheur dans une société où comptent avant tout le paraître et l'argent. Le film remporta l'oscar du meilleur scénario et celui de la mise en scène ; bien qu'il date de 1949, ces portraits de femmes ont conservé quelque chose de très actuel, de même que la critique de l'american way of life.

Ah, enfin une réponse à mon topic ! Ca fait plaisir !

J'avais moi aussi été charmée par cette "comédie de moeurs". Je crois que je me suis tout particulièrement intéressée au couple formé par Rita et George. Ils forment un couple vraiment moderne et attachant.

Citation :

George (étonnant Stanley Kubrick)

Kirk Douglas plutôt Soit dit en passant, je l'ai trouvé extra dans ce film.

Sinon, j'ai trouvé le personnage de Laura Mae terriblement fascinant. D'ailleurs, l'actrice Linda Darnell a eu une relation avec le réalisateur, dont elle aurait été très amoureuse. Elle s'est sentie trahie lorsque Mankiewicz a confié le rôle de Maria Vargas dans La Comtesse aux pieds nus à Ava Gardner, alors qu'il avait été écrit pour elle. Leur rupture l'a beaucoup affectée. Sa carrière a ensuite connu un rapide déclin (les Studios l'ont boudée). Elle a sombré dans l'alcoolisme et la dépression et a péri à 42 ans dans un incendie

Comme je le disais dans je ne sais plus quel topic, le roman d'Alice Ferney, Paradis Conjugal, est une sorte d'hommage très littéraire rendu au film de Mankiewicz. L'auteur y fait une analyse très fine et délicate de la mise en scène et de l'intimité de chacun des personnages. C'est un excellent complément au film.

Et j'aime beaucoup la couverture

Emjy a écrit:

Ah, enfin une réponse à mon topic ! Ca fait plaisir !

N'est-ce pas ?

Citation :

J'avais moi aussi été charmée par cette "comédie de moeurs". Je crois que je me suis tout particulièrement intéressée au couple formé par Rita et George. Ils forment un couple vraiment moderne et attachant.

Sans doute le couple le plus moderne, oui ; tous deux sont effectivement très attachants.

Citation :

Citation :

George (étonnant Stanley Kubrick)

Kirk Douglas plutôt Soit dit en passant, je l'ai trouvé extra dans ce film.

Oups, oui, malencontreuse association d'idée avec le film Spartacus, de Stanely Kubrick, dans lequel Kirk Douglas joue le rôle principal.

Citation :

Sinon, j'ai trouvé le personnage de Laura Mae terriblement fascinant. D'ailleurs, l'actrice Linda Darnell a eu une relation avec le réalisateur, dont elle aurait été très amoureuse. Elle s'est sentie trahie lorsque Mankiewicz a confié le rôle de Maria Vargas dans La Comtesse aux pieds nus à Ava Gardner, alors qu'il avait été écrit pour elle. Leur rupture l'a beaucoup affectée. Sa carrière a ensuite connu un rapide déclin (les Studios l'ont boudée). Elle a sombré dans l'alcoolisme et la dépression et a péri à 42 ans dans un incendie

Oui, cette actrice a connu un destin malheureusement fort triste... jusqu'ici, je ne la connaissais que de nom ; c'était une star dans les années 1940, elle a tourné avec les plus grands réalisateurs et a plusieurs films noirs à son actif. Je crois que sa réputation n'était pas usurpée, sa beauté est fascinante, et elle joue fort bien dans Chaînes conjugales ; on peut d'ailleurs noter quelques ressemblances entre elle et le personnage de Laura Mae dans le film. C'est triste, cette histoire avec Mankiewicz, Ava Gardner est exceptionnelle dans La comtesse aux pieds nus, mais nul doute que Linda Darnell l'aurait été également ; en plus, elle avait aidé la réalisateur à écrire le scénario qui s'inspirait d'éléments de sa propre vie. Et finir ainsi alors qu'elle avait la phobie du feu, c'est terrible, terrible...

Citation :

Comme je le disais dans je ne sais plus quel topic, le roman d'Alice Ferney, Paradis Conjugal, est une sorte d'hommage très littéraire rendu au film de Mankiewicz. L'auteur y fait une analyse très fine et délicate de la mise en scène et de l'intimité de chacun des personnages. C'est un excellent complément au film.

J'ai bien noté la référence.

Je l'ai vu hier soir, et ai beaucoup aimé. J'ai aimé toute l'aura de mystère qui entoure le personnage d'Abbie Ross, la narratrice de l'intrigue, le fait qu'on ne voit d'elle qu'une épaule et une cigarette, et le verre cassé à la fin.
Le réalisateur analyse avec finesse le couple, la relation homme/femme....

Mon couple préféré est celui des Phipps, la scène du dîner est vraiment très bien! Et la critique du matérialisme et de la sur-consommation dans la société américaine est bien développée à travers ce couple.

Le personnage de Laura Mae est fascinant aussi. Elle fait montre de beaucoup d'énergie pour échapper à la misère, et a du mal à prouver à son époux qu'elle a des sentiments pour lui alors qu'elle a utilisé une stratégie pour se faire épouser.
Finalement, c'est Addie Ross, si parfaite, qui est perdante puisqu'elle repart toute seule...

Je savais que tu apprécierais ce film

Citation :

Mon couple préféré est celui des Phipps, la scène du dîner est vraiment très bien!

Ce couple est superbement incarné. Et j'ai trouvé la scène du dîner savoureuse moi aussi !

Citation :

Le personnage de Laura Mae est fascinant aussi.

Oui, ce personnage est assez inoubliable. C'est vraiment un très beau portrait de femme. Il faut dire aussi que l'actrice qui l'interprète est assez exceptionnelle.

[mode lobbying intensif on]Maintenant, il faut que tu lises Paradis Conjugal d'Alice Ferney [/mode lobbying intensif off]

je comptais bien le lire!

J'aimerais revoir ce film prochainement. Est-ce que certains d'entre vous seraient intéressés par un "visionnage en commun" ?

Mankiewicz -> Oui oui oui ! (Mais il faut que j'achète le DVD )