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| Les vies d'Emilie Pearl de Cécile Ladjali | |
| | Auteur | Message |
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Emjy Bookworm
| Sujet: Les vies d'Emilie Pearl de Cécile Ladjali Sam 27 Fév - 10:49 | |
| J'aimerais vous parler d'un roman français paru chez Actes Sud qui mérite, selon moi, notre attention - Citation :
- Dans un manoir anglais, à la fin du XIXème siècle, Emily Pearl est employée comme préceptrice du fils d’un Lord. Dans son journal, elle fantasme une chronique de ses bonheurs et frustrations, de ses amours avec le maître des lieux, de ses grands rêves qui s’étiolent loin de sa sœur Virginia, partie vivre en Amérique.Emily Pearl, une jeune femme instruite et pleine d’aspirations mêlées, s’est récemment élevée de sa condition modeste pour devenir préceptrice d’un petit garçon à la santé fragile, et vit désormais chez son maître, Lord Auskin. Au manoir, l’existence est paisible, mais trop monotone. Emily voudrait connaître des passions, voir grandir ses rêves. Les lectures, les lettres reçues de sa sœur Virginia qui vit à Londres, les confidences à son journal : elle s’imagine entre les lignes trouver un monde à sa mesure, libérer le pouvoir des mots, éradiquer l’ennui qui guette. Dans le secret de ses pensées, dans les pages où elle fantasme un quotidien plus romanesque, bientôt les événements se précipitent. Entre les bras de Lord Auskin elle découvre la jouissance, et au fil de ses cahiers s’adonne au plaisir de calomnier, dénoncer, faire punir tel ou telle domestique de son choix. Lord Auskin a beau épouser une femme de son rang, et Emily se retrouver mariée à un rustre, l’existence de la jeune femme semble se colorer d’une perversité aux allures ingénues. La mort de son jeune époux, une épidémie de choléra dont sont victimes ses parents : tout vient à point nommé pour dissiper l’insupportable ordinaire des jours. Emily croit à sa bonne étoile, au pouvoir des sortilèges. Mais elle envie encore sa sœur Virginia qui va plus vite, qui vit plus fort. A en croire les dires d’Emily, Virginia a traversé l’océan pour s’établir en Amérique. La rejoindre serait le comble du rêve. Fatalement.
Je m'intéresse tout particulièrements aux auteurs anglais féminins: Elizabeth Goudge, Elizabeth Bowen, Mary Elizabeth Braddon, Barbara Pym, Nancy Mitford, Sylvia Towsend Warner, Edith Wharton, George Elliot, Alice Thomas Ellis, Julia Strachey et bien d'autres encore. Ce roman de la française Cécile Ladjali (oui, vous avez bien lu, elle est française ! ) se réclame clairement de cet héritage. Les vies d'Emily Pearl est un roman aux échos gothiques évidents. L'héroïne, tout comme la Jane Eyre de Charlotte Brontë, est une jeune fille de modeste condition qui a souhaité s'émanciper en devenant gouvernante. Elle est l'employée d'un homme séduisant et mystérieux dont elle est secrètement amoureuse. Ce qui pourrait se présenter comme un cliché du roman gothique prend finalement une autre tournure. Car ce qui suscite l'intérêt dans ce roman, ce n'est pas seulement l'inspiration et l'hommage rendu à une littérature qui continue à nous faire vibrer, mais aussi et surtout le lien étroit que l'auteur semble vouloir créer entre celle-ci et une littérature résolumment plus moderne et contemporaine. Le style de Cécile Ladjali est élégant bien sûr mais aussi parfois sec, concis, intense. L'héroïne est ambigüe, a une part sombre absolument non négligeable. Ce roman est donc plutôt déroutant, aussi bien du point de vue de la forme que du fond. L'auteur prend à coeur de tout mettre à nu, des émotions aux fantasmes de la narratrice au réalisme teinté de romantisme et intrigues du récit. La relation entre Emily et sa soeur Virginia (prénoms donnés en hommage à Emily Dickinson et Virginia Woolf) est très bien traitée. Emily vit dans l'ombre de sa soeur, dans une constante expectative, au contraire de Virginia qui vit de véritables aventures américaines. Au-delà d'un simple thriller et d'un roman tourné vers l'introspection, Les vies d'Emily Pearl parle du pouvoir des mots, de l'imagination qui s'emballe et qu'on peine à réfreiner. Une oeuvre sombre, où la dualité entre les 2 soeurs, les désirs inavoués, le tranchant de la réalité prennent une place prépondérante. Un roman sous forme de journal intime qui sert d'exutoire à Emily, une jeune femme effacée qui n'a de cesse de rêver d'absolu. Malgré tout cela, mon avis sur cette oeuvre est mitigé ... J'aurais aimé apprécier un tant soit peu l'héroïne mais à aucun moment, cela n'a pu se faire. Certains passages m'ont beaucoup plû, d'autres, au contraire, m'ont laissée plus dubitative. J'aurais aimé voir plus de nuances psychologiques, moins de noirceur. Cela dit, c'est un roman imprégné d'une littérature que j'affectionne tout particulièrement, alors je me devais de le lire. Et puis, j'adore la couverture ... Je vous laisse sur ce passage : - Citation :
- Je viens d'acheter plusieurs rames de beau papier chez le libraire. Je vais coudre des feuilles ensemble pour m'en faire de nouveaux cahiers, dans lesquels je noterai tout ce qui me semblera digne d'intérêt. J'utiliserai, pour réaliser ce petit oeuvre, l'aiguille et le fil qui me servent à rapiécer mes vêtements. J'aurais ainsi l'impression de coudre ma pensée aux entournures du monde extérieur. Rafistoler ma conscience avec mon entourage. Parfois j'ai peur, car j'ai la sensation de perdre pied et qu'une partie de moi m'échappe. Je me vois courir au-devant de moi-même et je ne parviens pas à me rattraper. La course est épuisante. Je me devine de dos. Jamais de face. Peu s'en faudrait que la jeune femme haletante qui avance devant moi n'ait le visage de Virginia. Or ce visage, je ne le vois jamais. Je ne le peux pas. C'est la règle de ce rêve. Il y a d'autres règles ... De plus féroces encore. La course n'a pas de fin. Elle conduit à l'épuisement. Je me réveille alors trempée parmi mes draps, en ayant la sensation de ne pas avoir dormi. Dans mon rêve, la robe de la fille qui est moi porte est grise. Couleur de pluie. D'ailleurs l'air dans lequel elle court est toujours plein de pluie même s'il fait soleil. Le mélange a toujours lieu, et ce manquement à la logique est très pesant, il participe à mon épuisement et explique l'état dans lequel je me trouve au réveil.
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