Papa Longues jambes est mon roman fétiche, celui que je connais par coeur et que je relis régulièrement deux ou trois fois par an. C'est sans nul doute, le roman qui a marqué mon enfance, mon imaginaire et qui a forgé mon goût de jeune lectrice pour les héroïnes doté d'un petit caractère. Cela faisait un moment que je voulais lire une réécriture moderne de ce roman pétillant, drôle et tendre sur une orpheline découvrant la vie et l'amour (Jervis
) et je remercie
Emjy d'avoir soufflé le titre de ce roman.
Dear Mr. Knightley reprend les grandes lignes de
Papa Longues jambes: une jeune orpheline, ici prénommée Sam, reçoit une proposition des plus étranges et des plus alléchantes: un mystérieux bienfaiteur accepte de prendre en charge le financement de ses études; en échange, Sam doit lui envoyer des lettres pour la tenir au courant de ses études. Cet échange épistolaire doit rester à sens unique et jamais Sam ne doit recevoir la moindre lettre de la main de Mr Knightley.
Sur le papier, la promesse semble tenue mais le traitement que fait l'auteur de son histoire m'a laissée sur ma faim et j'ai refermé le roman, un brin déçue. Ma principale déception vient de l'héroïne: le récit étant vu uniquement par les yeux de Sam, il est primordial de s'attacher à ce personnage. Si Judy n'avait pas été Judy,
Papa Longues jambes n'aurait pas été un de mes romans cultes mais Sam n'est pas Judy. C'est une jeune femme "moderne" mais qui me semble bien plus démodée et poussiéreuse que notre Judy. Je suis un peu étonnée par le choix de l'auteur concernant l'âge de Sam: sans doute gênée par la différence d'âge entre Judy et Jervis, ce que je peux comprendre, l'auteur a décidé de resserrer l'écart entre Sam et l'homme qu'elle aime en vieillissant Sam. Ce n'est plus une adolescente mais une jeune femme de vingt-trois ans. J'accepte ce choix narratif...mais Sam n'a pas du tout l'attitude d'une jeune femme d'une vingtaine d'années mais celle d'une adolescente découvrant la vie: dans son rapport à l'amour, aux autres, à son passé, j'ai eu l'impression de lire les confidences d'une toute jeune adolescente.
Il y a un décalage entre ce que l'on pourrait attendre d'une jeune femme d'une vingtaine d'années et vivant à notre époque et les pensées et agissements de Sam. De plus, elle n'a pas la plume pétillante et malicieuse de Judy et passe beaucoup trop de temps à se plaindre, à s'apitoyer...et surtout ses confidences à son bienfaiteur me semble quelque peu impudiques, notamment lorsqu'on touche aux sentiments. Ce n'est qu'à la toute fin du roman que Judy accepte de parler de son amour pour Jervis (elle demande même à son bienfaiteur de brûler sa lettre "confidences"). Point de pudeur chez Sam qui parle de son baiser avec Josh, de son rejet pour un autre de ses prétendants, de son petit coeur, de ses sentiments amoureux...
Et je ne parle pas de son passé que je trouve beaucoup trop "chargé". Dans les romans actuels, charger autant le passé d'un personnage, ça crée un sentiment de trop-plein: trop de malheurs, trop de larmes...Sam, c'est princesse Sara agrémentée d'une pincée de Dickens...Comme Sam n'est pas un personnage attachant, je n'ai pas réussi à compatir à ses malheurs. De plus, elle se laisse porter par les événements: elle veut devenir écrivain mais accepte de faire des études de journalisme comme lui propose son bienfaiteur. Elle a vingt-trois ans! Depuis quand une jeune femme de vingt-trois se laisse dicter sa conduite??
Autre défaut de notre héroïne, qui en fait un personnage un brin horripilant, c'est son étrange manie de comparer son entourage, son vécu à ses romans favoris. En général, j'aime beaucoup ce genre de clins d'oeil, créant une complicité lecteur/auteur mais là, c'est un peu trop pour moi. Sam passe son temps à vivre en tant que tel ou tel personnage. Petit florilège:
Son amie Ashley - Citation :
- Ashley is unlike anyone I've ever met. She's one of those girls. The kind you see in movies, but you don't believe exist in real life. An Emma.
Son petit ami Josh - Citation :
- It's like Colonel Brandon watching Marianne Dashwood
You're a Willoughby.
Debbie - Citation :
- She's like Jane Eyre; she doesn't lose her way.
Cara Cara was always rounded and boy crazy-think Lydia Bennet or Harriet Smith.
Elle-même - Citation :
I'm more like Jane Bennet
- Citation :
- Part of me wanted to be all Elinor Dashwood - and Ashley did seen a bit Marianne-ish
I couldn't wait to see him when I got home. Very Marianne Dashwood.
I'm Charlotte, and some odious Mr. Collins will be the best I'll ever get.
En fait, c'est le sosie d'Anne Hathaway (dixit Sam elle-même) possédé par l'esprit de Lizzie et Jane Bennet, des soeurs Dashwood, d'un peu de Jane Eyre, saupoudré d'un brin d'Edmond Dantès, enrobé d'une sauce Fanny Price-Catherine Morland-Charlotte Lucas et pour finir le tout, une petite cerise Scrooge pour achever ce curieux personnage aussi plat qu'un soufflé raté. Ce trop-plein de références fait de Sam un personnage vide, privé de toute identité et stéréotypé: elle est vaine, prude, mièvre et surtout présente une image assez caricaturale d'une lectrice de Classiques anglais qui est forcément une vieille fille/trop romantique/trop sérieuse et qui ne peut s'empêcher de voir la vie en couleurs austen. Je ne sais pas pour vous mais pour ma part, je n'ai jamais essayé de me comparer à Lizzie, Marianne ou Fanny. Et contrairement à Sam, un baiser entre deux personnages ne me scandalise absolument pas, bien au contraire:
- Citation :
- My idea for romance comes from Jane Austen - and I was scandalized when Darcy and Lzzy kissed at the end of that BBC movie
Quant à l'identité de son bienfaiteur, on comprend très vite qui est l'ami invisible de Sam. Ce n'est pas le plus important car dans Papa Longues jambes, on devine aisément qui est ce bienfaiteur. Ce que je reproche à cet amoureux mystère, c'est son manque de charisme et son côté trop parfait! Jervis continue de me plaire car il n'est pas exempt de défauts: il est jaloux, fier, se comporte comme un enfant et a des petites rides au coin des yeux lorsqu'il a son drôle de sourire en coin. Le promis de Sam est trop "parfait" pour pouvoir séduire la midinette que je suis!
. J'ai également trouvé difficile de s'attacher aux personnages secondaires: Cara, Ashley, Josh...une jolie brochette de caricatures: la malheureuse en amour, la superficielle pas aussi superficielle. D'ailleurs, il y a une petite incohérence concernant Ashley: Sam la présente comme une snob qui refuse de donner de l'argent à une jeune SDF et quelques pages plus loin, Sam la critique....et plus loin dans le roman, sans trop savoir ni comment, ni pourquoi, elles deviennent amies et Ashley devient "la petite fille riche qui rêve de quitter ce milieu hypocrite".
je cherche encore le pourquoi du comment de cette évolution. Quant à Josh, le prince charmant...il est assez aisé de deviner de quel type d'homme il s'agit!
et j'oubliais l'écrivain Alex Powell qui comme tous les écrivains est un incompris par sa famille et un solitaire difficile à apprivoiser. Une autre caricature d'écrivain...
Au final, un roman qui reprend le principe de
Papa Longues jambes mais qui n'arrive pas à tenir ses promesses. On ne rit pas avec Sam mais contre elle, ça a été mon cas car au final, je me suis amusée à ses dépends et non avec elle. Je n'ai pas ressenti l'amitié que j'ai pour Judy: sa malice, ses petites phrases amusantes, son tempérament de petit bout de femme fière ont manqué à Sam qui apparaît bien terne comparée à son pétillant modèle.