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| Les lettres dans l'œuvre de Jane Austen | |
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+4Miss Virginia sandie Emjy Scarlatiine 8 participants | Auteur | Message |
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Scarlatiine Bookworm
| Sujet: Les lettres dans l'œuvre de Jane Austen Ven 11 Oct - 19:57 | |
| Jane Austen aimait écrire et recevoir des lettres, comme en attestent les quelques lettres de la femme de lettres parvenues jusqu’à nous (le reste ayant été détruit par sa sœur Cassandra). Si Lady Susan est le seul de ses romans édités sous forme épistolaire (cependant, la première version de Raison et Sentiments, alors appelée Elinor et Marianne, était aussi sous cette forme), les lettres restent un élément important dans l’œuvre de Jane Austen. À une époque où les télégrammes n’étaient pas encore d’actualité – et ne parlons pas des mails et SMS ! – l’auteur devait mettre toute son ingéniosité dans cette partie de ses romans afin de définir les relations entre ses personnages et amener des révélations et des rebondissements. Éloignement Séparés par des dizaines/centaines de miles (voire plus), c’est par lettres que communiquent les héros afin de rester en contact avec leurs proches. De ce fait, au début de Mansfield Park, la petite Fanny Price trouve du réconfort d’être éloignée de sa famille en écrivant à son frère William. Des années plus tard, de retour temporairement dans sa famille à Portsmouth, Fanny recevra des lettres de Mansfield Park. - Citation :
- — Si c’est là toute la difficulté, je vous donnerai du papier et tout le reste et vous écrirez votre lettre quand bon vous semblera. Cela vous rendrait-il heureuse, d’écrire à William ?
— Oui, très.
Mansfield Park, Partie 1, Chapitre 2 Dans Orgueil et Préjugés, Jane et Elizabeth Bennet s’écrivent très souvent lorsqu’elles sont séparées. Ainsi, lorsque Jane est en voyage à Londres chez son oncle et sa tante Gardiner, ou lorsque Lizzy rend visite à son amie Charlotte à Hunsford Parsonage, elles échangeront une importante correspondance. - Citation :
Le lendemain matin, tandis que Mrs. Collins et Maria faisaient des courses dans le village, Elizabeth, restée seule au salon, écrivait à Jane lorsqu’un coup de sonnette la fit tressaillir.
Orgueil et Préjugés, Chapitre XXXII Révélations C’est par lettres que nous apprendrons les agissements de Lydia dans Orgueil et Préjugés. En effet, c’est à travers les yeux d’Elizabeth que nous suivons la progression des événements. Tout comme dans Mansfield Park, c’est par une missive de son cousin Edmond que Fanny, alors à Portsmouth, apprend ce qui se passe à Mansfield. - Citation :
- « Non jamais plus — non, certainement jamais je ne désirerai recevoir encore une lettre », fut la secrète déclaration de Fanny en finissant celle-ci. « Pourquoi n’apportent-elles que mécomptes et chagrins ? »
Mansfield Park, Partie 3, Chapitre 13 Désillusions Pauvre Marianne, qui, dans Raison et sentiments, ira de désillusions en désillusions en attendant une lettre de Willoughby ! Lorsque celle-ci arrive enfin, quelle ne sera la peine de la jeune fille... - Citation :
- Mrs. Jennings se mit de nouveau à rire, mais Elinor n’eut pas le courage d’en dire davantage, et, comme il lui tardait de savoir ce qu’avait écrit Willoughby, elle courut à leur chambre, où, dès qu’elle eut ouvert la porte, elle vit Marianne étendue sur le lit, étouffant presque de douleur, une lettre à la main, et deux ou trois autres éparpillées autour d’elle.
Raison et sentiments, Chapitre XXIX Explications La lettre chez Jane Austen est aussi facteur d’éclaircissements. Après sa première demande en mariage rejetée par une Elizabeth Bennet hostile, Mr. Darcy d’ Orgueil et Préjugés lui écrit une longue lettre dans laquelle il s’explique et dans laquelle il relate sa version des faits. - Lettre de Mr. Darcy:
« Rosings, huit heures du matin.« Ne craignez pas, Mademoiselle, en ouvrant cette lettre, que j’aie voulu y renouveler l’aveu de mes sentiments et la demande qui vous ont si fort offusquée hier soir. Je n’éprouve pas le moindre désir de vous importuner, non plus que celui de m’abaisser en revenant sur une démarche que nous ne saurions oublier trop tôt l’un et l’autre. Je n’aurais pas eu la peine d’écrire cette lettre ni de vous la lire, si le soin de ma réputation ne l’avait exigé. Vous excuserez donc la liberté que je prends de demander toute votre attention. Ce que je ne saurais attendre de votre sympathie, je crois pouvoir le réclamer de votre justice.« Vous m’avez chargé hier de deux accusations différentes de nature aussi bien que de gravité. La première de ces accusations c’est que, sans égard pour les sentiments de l’un et de l’autre, j’avais détaché Mr. Bingley de votre sœur. La seconde c’est qu’au mépris de revendications légitimes, au mépris des sentiments d’honneur et d’humanité j’avais brisé la carrière et ruiné les espérances d’avenir de Mr. Wickham. Avoir ainsi volontairement et d’un cœur léger rejeté le compagnon de ma jeunesse, le favori de mon père, le jeune homme qui ne pouvait guère compter que sur notre protection et avait été élevé dans l’assurance qu’elle ne lui manquerait pas, témoignerait d’une perversion à laquelle le tort de séparer deux jeunes gens dont l’affection remontait à peine à quelques semaines ne peut se comparer.Du blâme sévère que vous m’avez si généreusement infligé hier soir, j’espère cependant me faire absoudre lorsque la suite de cette lettre vous aura mise au courant de ce que j’ai fait et des motifs qui m’ont fait agir. Si, au cours de cette explication que j’ai le droit de vous donner, je me trouve obligé d’exprimer des sentiments qui vous offensent, croyez bien que je le regrette, mais je ne puis faire autrement, et m’en excuser de nouveau serait superflu.« Je n’étais pas depuis longtemps en Hertfordshire lorsque je m’aperçus avec d’autres que Bingley avait distingué votre sœur entre toutes les jeunes filles du voisinage, mais c’est seulement le soir du bal de Netherfield que je commençai à craindre que cette inclination ne fût vraiment sérieuse. Ce n’était pas la première fois que je le voyais amoureux. Au bal, pendant que je dansais avec vous, une réflexion de sir William Lucas me fit comprendre pour la première fois que l’empressement de Bingley auprès de votre sœur avait convaincu tout le monde de leur prochain mariage. Sir William en parlait comme d’un événement dont la date seule était indéterminée. À partir de ce moment, j’observai Bingley de plus près et je m’aperçus que son inclination pour miss Bennet dépassait ce que j’avais remarqué jusque-là. J’observai aussi votre sœur : ses manières étaient ouvertes, joyeuses et engageantes comme toujours mais sans rien qui dénotât une préférence spéciale et je demeurai convaincu, après un examen attentif, que si elle accueillait les attentions de mon ami avec plaisir elle ne les provoquait pas en lui laissant voir qu’elle partageait ses sentiments. Si vous ne vous êtes pas trompée vous-même sur ce point, c’est moi qui dois être dans l’erreur.La connaissance plus intime que vous avez de votre sœur rend cette supposition probable. Dans ce cas, je me suis trouvé lui infliger une souffrance qui légitime votre ressentiment ; mais je n’hésite pas à dire que la sérénité de votre sœur aurait donné à l’observateur le plus vigilant l’impression que, si aimable que fût son caractère, son cœur ne devait pas être facile à toucher. J’étais, je ne le nie pas, désireux de constater son indifférence, mais je puis dire avec sincérité que je n’ai pas l’habitude de laisser influencer mon jugement par mes désirs ou par mes craintes. J’ai cru à l’indifférence de votre sœur pour mon ami, non parce que je souhaitais y croire, mais parce que j’en étais réellement persuadé.« Les objections que je faisais à ce mariage n’étaient pas seulement celles dont je vous ai dit hier soir qu’il m’avait fallu pour les repousser toute la force d’une passion profonde. Le rang social de la famille dans laquelle il désirait entrer ne pouvait avoir pour mon ami la même importance que pour moi, mais il y avait d’autres motifs de répugnance, motifs qui se rencontrent à un égal degré dans les deux cas, mais que j’ai pour ma part essayé d’oublier parce que les inconvénients que je redoutais n’étaient plus immédiatement sous mes yeux. Ces motifs doivent être exposés brièvement.« La parenté du côté de votre mère bien qu’elle fût pour moi un obstacle n’était rien en comparaison du faible sentiment des convenances trop souvent trahi par elle-même, par vos plus jeunes sœurs, parfois aussi par votre père. Pardonnez-moi ; il m’est pénible de vous blesser, mais, dans la contrariété que vous éprouvez à entendre blâmer votre entourage, que ce soit pour vous une consolation de penser que ni vous, ni votre sœur, n’avez jamais donné lieu à la moindre critique de ce genre, et cette louange que tous se plaisent à vous décerner fait singulièrement honneur au caractère et au bon sens de chacune.Je dois dire que ce qui se passa le soir du bal confirma mon jugement et augmenta mon désir de préserver mon ami de ce que je considérais comme une alliance regrettable.« Comme vous vous en souvenez, il quitta Netherfield le lendemain avec l’intention de revenir peu de jours après. Le moment est venu maintenant d’expliquer mon rôle en cette affaire. L’inquiétude de miss Bingley avait été également éveillée ; la similitude de nos impressions fut bientôt découverte, et, convaincus tous deux qu’il n’y avait pas de temps à perdre si nous voulions détacher son frère, nous résolûmes de le rejoindre à Londres où, à peine arrivé, j’entrepris de faire comprendre à mon ami les inconvénients certains d’un tel choix. Je ne sais à quel point mes représentations auraient ébranlé ou retardé sa détermination, mais je ne crois pas qu’en fin de compte elles eussent empêché le mariage sans l’assurance que je n’hésitai pas à lui donner de l’indifférence de votre sœur. Il avait cru jusque-là qu’elle lui rendait son affection sincèrement sinon avec une ardeur comparable à la sienne, mais Bingley a beaucoup de modestie naturelle et se fie volontiers à mon jugement plus qu’au sien. Le convaincre qu’il s’était trompé ne fut pas chose difficile ; le persuader ensuite de ne pas retourner à Netherfield fut l’affaire d’un instant.« Je ne puis me reprocher d’avoir agi de la sorte ; mais il y a autre chose dans ma conduite en cette affaire, qui me cause moins de satisfaction. C’est d’avoir consenti à des mesures ayant pour objet de laisser ignorer à mon ami la présence de votre sœur à Londres. J’en étais instruit moi-même aussi bien que miss Bingley, mais son frère n’en a jamais rien su.Ses sentiments ne me semblaient pas encore assez calmés pour qu’il pût risquer sans danger de la revoir. Peut-être cette dissimulation n’était-elle pas digne de moi. En tout cas, la chose est faite et j’ai agi avec les meilleures intentions. Je n’ai rien de plus à ajouter sur ce sujet, pas d’autres explications à offrir. Si j’ai causé de la peine à votre sœur, je l’ai fait sans m’en douter, et les motifs de ma conduite, qui doivent naturellement vous sembler insuffisants, n’ont pas perdu à mes yeux leur valeur. « Quant à l’accusation plus grave d’avoir fait tort à Mr. Wickham, je ne puis la réfuter qu’en mettant sous vos yeux le récit de ses relations avec ma famille. J’ignore ce dont il m’a particulièrement accusé ; mais de la vérité de ce qui va suivre, je puis citer plusieurs témoins dont la bonne foi est incontestable.« Mr. Wickham est le fils d’un homme extrêmement respectable qui, pendant de longues années, eut à régir tout le domaine de Pemberley. En reconnaissance du dévouement qu’il apporta dans l’accomplissement de cette tâche, mon père s’occupa avec une bienveillance sans bornes de George Wickham qui était son filleul. Il se chargea des frais de son éducation au collège et à Cambridge ; - aide inappréciable pour Mr. Wickham qui, toujours dans la gêne par suite de l’extravagance de sa femme, se trouvait dans l’impossibilité de faire donner à son fils l’éducation d’un gentleman.« Mon père, non seulement aimait la société de ce jeune homme dont les manières ont toujours été séduisantes, mais l’avait en haute estime ; il souhaitait lui voir embrasser la carrière ecclésiastique et se promettait d’aider à son avancement. Pour moi, il y avait fort longtemps que j’avais commencé à le juger d’une façon différente.Les dispositions vicieuses et le manque de principes qu’il prenait soin de dissimuler à son bienfaiteur ne pouvaient échapper à un jeune homme du même âge ayant l’occasion, qui manquait à mon père, de le voir dans des moments où il s’abandonnait à sa nature.« Me voilà de nouveau dans l’obligation de vous faire de la peine, - en quelle mesure, je ne sais. - Le soupçon qui m’est venu sur la nature des sentiments que vous a inspirés George Wickham ne doit pas m’empêcher de vous dévoiler son véritable caractère et me donne même une raison de plus de vous en instruire.« Mon excellent père mourut il y a cinq ans, et, jusqu’à la fin, son affection pour George Wickham ne se démentit point. Dans son testament il me recommandait tout particulièrement de favoriser l’avancement de son protégé dans la carrière de son choix et, au cas où celui-ci entrerait dans les ordres, de le faire bénéficier d’une cure importante qui est un bien de famille aussitôt que les circonstances la rendraient vacante. Il lui laissait de plus un legs de mille livres.« Le père de Mr. Wickham ne survécut pas longtemps au mien et, dans les six mois qui suivirent ces événements, George Wickham m’écrivit pour me dire qu’il avait finalement décidé de ne pas entrer dans les ordres. En conséquence, il espérait que je trouverais naturel son désir de voir transformer en un avantage pécuniaire la promesse du bénéfice ecclésiastique faite par mon père : « Je me propose, ajoutait-il, de faire mes études de droit, et vous devez vous rendre compte que la rente de mille livres sterling est insuffisante pour me faire vivre. » J’aurais aimé à le croire sincère ; en tout cas, j’étais prêt à accueillir sa demande car je savais pertinemment qu’il n’était pas fait pour être clergyman.L’affaire fut donc rapidement conclue : en échange d’une somme de trois mille livres, Mr. Wickham abandonnait toute prétention à se faire assister dans la carrière ecclésiastique, dût-il jamais y entrer. Il semblait maintenant que toutes relations dussent être rompues entre nous. Je ne l’estimais pas assez pour l’inviter à Pemberley, non plus que pour le fréquenter à Londres. C’est là, je crois, qu’il vivait surtout, mais ses études de droit n’étaient qu’un simple prétexte ; libre maintenant de toute contrainte, il menait une existence de paresse et de dissipation. Pendant trois ans c’est à peine si j’entendis parler de lui. Mais au bout de ce temps, la cure qui, jadis, lui avait été destinée, se trouvant vacante par suite de la mort de son titulaire, il m’écrivit de nouveau pour me demander de la lui réserver. Sa situation, me disait-il, - et je n’avais nulle peine à le croire, - était des plus gênées ; il avait reconnu que le droit était une carrière sans avenir et, si je consentais à lui accorder le bénéfice en question, il était maintenant fermement résolu à se faire ordonner. Mon assentiment lui semblait indubitable car il savait que je n’avais pas d’autre candidat qui m’intéressât spécialement, et je ne pouvais, certainement, avoir oublié le vœu de mon père à ce sujet.« J’opposai à cette demande un refus formel. Vous ne m’en blâmerez pas, je pense, non plus que d’avoir résisté à toutes les tentations du même genre qui suivirent. Son ressentiment fut égal à la détresse de sa situation, et je suis persuadé qu’il s’est montré aussi violent dans les propos qu’il vous a tenus sur moi que dans les reproches que je reçus de lui à cette époque. Après quoi, tous rapports cessèrent entre nous.Comment vécut-il, je l’ignore ; mais, l’été dernier, je le retrouvai sur mon chemin dans une circonstance extrêmement pénible, que je voudrais oublier, et que, seule, cette explication me décide à vous dévoiler. Ainsi prévenue, je ne doute pas de votre discrétion.« Ma sœur, dont je suis l’aîné de plus de dix ans, a été placée sous une double tutelle, la mienne et celle du neveu de ma mère, le colonel Fitzwilliam. Il y a un an environ, je la retirai de pension et l’installai à Londres. Quand vint l’été elle partit pour Ramsgate avec sa dame de compagnie. À Ramsgate se rendit aussi Mr. Wickham, et certainement à dessein, car on découvrit ensuite qu’il avait des relations antérieures avec Mrs. Younge, la dame de compagnie, sur l’honorabilité de laquelle nous avions été indignement trompés. Grâce à sa connivence et à son aide, il arriva si bien à toucher Georgiana, dont l’âme affectueuse avait gardé un bon souvenir de son grand camarade d’enfance, qu’elle finit par se croire éprise au point d’accepter de s’enfuir avec lui. Son âge, quinze ans à peine, est sa meilleure excuse et, maintenant que je vous ai fait connaître son projet insensé, je me hâte d’ajouter que c’est à elle-même que je dus d’en être averti. J’arrivai à l’improviste un jour ou deux avant l’enlèvement projeté, et Georgiana, incapable de supporter l’idée d’offenser un frère qu’elle respecte presque à l’égal d’un père, me confessa tout. Vous pouvez imaginer ce que je ressentis alors et quelle conduite j’adoptai. Le souci de la réputation de ma sœur et la crainte de heurter sa sensibilité interdisait tout éclat, mais j’écrivis à Mr. Wickham qui quitta les lieux immédiatement, et Mrs. Younge, bien entendu, fut renvoyée sur-le-champ.Le but principal de Mr. Wickham était sans doute de capter la fortune de ma sœur, qui est de trente mille livres, mais je ne puis m’empêcher de croire que le désir de se venger de moi était aussi pour lui un puissant mobile. En vérité, sa vengeance eût été complète !« Voilà, Mademoiselle, le fidèle récit des événements auxquels nous nous sommes trouvés mêlés l’un et l’autre. Si vous voulez bien le croire exactement conforme à la vérité, je pense que vous m’absoudrez du reproche de cruauté à l’égard de Mr. Wickham. J’ignore de quelle manière, par quels mensonges il a pu vous tromper. Ignorante comme vous l’étiez de tout ce qui nous concernait, ce n’est pas très surprenant qu’il y ait réussi. Vous n’aviez pas les éléments nécessaires pour vous éclairer sur son compte, et rien ne vous disposait à la défiance.« Vous vous demanderez, sans doute, pourquoi je ne vous ai pas dit tout cela hier soir. Je ne me sentais pas assez maître de moi pour juger ce que je pouvais ou devais vous révéler. Quant à l’exactitude des faits qui précèdent, je puis en appeler plus spécialement au témoignage du colonel Fitzwilliam qui, du fait de notre parenté, de nos rapports intimes et, plus encore, de sa qualité d’exécuteur du testament de mon père, a été forcément mis au courant des moindres détails. Si l’horreur que je vous inspire devait enlever à vos yeux toute valeur à mes assertions, rien ne peut vous empêcher de vous renseigner auprès de mon cousin. C’est pour vous en donner la possibilité que j’essaierai de mettre cette lettre entre vos mains dans le courant de la matinée.« Je n’ajoute qu’un mot : Dieu vous garde !« Fitzwilliam DARCY. »Orgueil et Préjugés, Chapitre XXXV
Cette lettre constitue le tournant du roman. Elizabeth, à force de relectures, va croire en la véracité de Mr. Darcy et ses premières impressions vont en être changées. Déclaration Mais existe-t-il plus belle lettre qu’une lettre d’amour ? Tout lecteur de Persuasion a dû être touché par la lettre que le Captain Wentworth écrit à Anne Elliot. - Citation :
- « Je ne puis écouter plus longtemps en silence. Je dois vous parler. Vous transpercez mon âme. Je suis tiraillé entre espoir et agonie. Ne me dites pas qu'il est trop tard, que ces précieux sentiments sont perdus pour toujours. Je m'offre à vous de nouveau avec un coeur plus encore à vous que lorsque vous l'avez presque complètement brisé, il y a de cela huit ans et demi. Ne dites pas que l'homme oublie plus vite que la femme, que son amour meurt plus tôt. Je n'ai jamais aimé que vous. Injuste je l'ai peut-être été, faible et vindicatif sûrement, mais jamais inconstant. Vous seule m'avez fait venir à Bath. Pour vous seule je pense et planifie. Ne l'avez-vous pas vu ? Avez-vous pu faillir à comprendre mes souhaits ? Je n'aurais pas attendu ces dix derniers jours si j'avais pu lire vos sentiments comme je pense que vous avez du pénétrer les miens. Je peux à peine écrire. J'entends à chaque instant quelque chose qui m'accable. Vous parlez plus bas, mais je peux distinguer chaque ton de cette voix qui serait perdue pour d'autres. Trop bonne, trop parfaite créature ! Vous nous rendez justice, enfin. Vous croyez véritablement que les hommes sont capables d'attachement sincère et de constance. Croyez bien qu'il est des plus fervents et inaltérés chez
F.W. Je dois partir, incertain de mon sort; mais je reviendrai ici ou j'irai vous rejoindre dès que possible. Un mot, un regard, seront suffisant pour décider si j'entrerai chez votre père ce soir, ou jamais. »
Persuasion, Chapitre XXIII **** Que pensez-vous de l'importance des lettres dans les romans de Jane Austen ? Quelle est votre lettre préférée ? Dans Emma et Northanger Abbey, en particulier, y a-t-il des lettres qui vous ont marqué ? |
| | | Emjy Bookworm
| Sujet: Re: Les lettres dans l'œuvre de Jane Austen Ven 11 Oct - 20:59 | |
| Très belle présentation, Scarlatiine Comme le disais Jane Austen : Let us never underestimate the power of a well-written letter Je trouve ce sujet très intéressant. On sent que même si Jane Austen reste une femme de lettres bien ancrée dans le XIXème siècle, elle a puisé son inspiration dans la tradition littéraire anglaise du XVIIIème qui faisait la part belle aux lettres et à la correspondance ((Fanny Burney, Samuel Richardson ...). Même si la romancière en use moins dans ses romans, elles sont souvent, comme tu l'as montré, d'une importance capitale dans l'intrigue. Mes préférées restent incontestablement celles de Darcy et Wentworth. Ce que j'apprécie, c'est que dans les deux cas Jane Austen donne la parole à des hommes peu enclins à exprimer leurs sentiments et émotions et leur permet, pendant un bref instant et pour quelques lignes, de devenir des narrateurs et des héros. Il est amusant de noter que dans le film The Jane Austen Book Club, la réalisatrice et scénariste Robin Swicord (qui est une Janéite confirmée) reprend ce motif en faisant écrire à Daniel une lettre à son ex-femme, Sylvia. Je n'ai pas vraiment eu l'occasion de lire des lettres de la romancière jusqu'ici mais j'essaierai de m'y atteler un de ces jours. Je sais que certaines sont particulièrement ironiques et corrosives (notamment à l'encontre de ses voisins qui en prenaient parfois plein leur grade ). _________________ |
| | | sandie Bookworm
| Sujet: Re: Les lettres dans l'œuvre de Jane Austen Sam 12 Oct - 6:58 | |
| Quelle magnifique présentation Scarlatiine Je trouve ton analyse vraiment passionnante à lire et très instructive. Sans surprise, ma préférence va incontestablement à la lettre du capitaine Wentworth (qui est juste sublime ) mais j'aime aussi celle de Darcy, car elle permet de montrer sa vraie personnalité. Et puis, ces petits moments de twist chez Jane Austen où l'on découvre la vraie nature d'une personne ou la vraie version des faits sont toujours mes préférés. C'est par ailleurs amusant de voir qu'à notre époque où la correspondance écrite disparaît de plus en plus (pour ne pas dire pire), les romans de Jane Austen (où cette correspondance a autant d'importance) restent aussi appréciés et plébiscités par les lecteurs. Je n'avais jamais fait de rapprochement avec la lettre de Daniel dans The Jane Austen Book Club mais c'est très juste : on est exactement dans la même situation. Il n'y a pas aussi Prudie qui écrit une lettre (ou du moins un brouillon de lettre) à son mari ou son élève ? En tout cas, vous m'avez donné envie de découvrir de toute urgence les lettres de Jane Austen Surtout celles où elle se défoule sur ses voisins _________________ |
| | | Miss Virginia Bookworm
| Sujet: Re: Les lettres dans l'œuvre de Jane Austen Sam 12 Oct - 7:29 | |
| Superbe présentation Scarlatiine!! Effectivement, à l'époque, la mode était aux romans épistolaires. Apparemment, Orgueil et préjugés aurait d'abord été écrit sous forme épistolaire: malheureusement il ne reste aucune trace de cet écrit...
J'aime moi aussi beaucoup les lettres de Darcy et Wentworth qui comptent pour moi parmi les plus belles lettres de la littérature.
Je compte bientôt lire des lettres personnelles de Jane Austen. |
| | | Miss Woodhouse Bookworm
| Sujet: Re: Les lettres dans l'œuvre de Jane Austen Sam 12 Oct - 13:11 | |
| Ha merci, un très beau sujet ! La lettre du capitaine m'a tellement bouleversée... Un moment inoubliable ! Et Darcy également s'exprime avec beaucoup de sincérité alors qu'il est totalement déstabilisé... J'aime toujours cette façon d'exprimer par l'écrit ce que la parole n'a pas réussi à faire. Ça montre aussi les difficultés pour les jeunes gens de faire part de leurs sentiments.
J'aime beaucoup le fait que Lizzy lise plusieurs fois la lettre de Darcy et une fois sa colère retombée, elle le redécouvre et pour moi c'est comme ça qu'elle se rend compte qu'elle l'aime. |
| | | Seirên Overbearing Master
| Sujet: Re: Les lettres dans l'œuvre de Jane Austen Dim 13 Oct - 9:18 | |
| Très jolie présentation, Scarlatiine Voilà qui me donne envie de lire les lettres de Jane Austen! Sans conteste, ma lettre favorite reste celle de Darcy car non seulement on apprend son prénom (lors de ma première lecture, j'avais été assez étonnée par ce prénom... ) mais en plus, il se découvre petit à petit et comme Lizzie, on se surprend à l'apprécier ce Darcy. La lettre de Capitaine Wentworth est également très belle, sincère et passionnée. |
| | | Freyja Swoon addict
| Sujet: Re: Les lettres dans l'œuvre de Jane Austen Sam 1 Fév - 13:30 | |
| J'adore la lettre du capitaine Wentworth. Je pense que c'est ma préférée dans les romans de Jane Austen, celle de Mr Darcy arrivant bien évidemment en second. La situation dans laquelle Wentworth écrit sa lettre y fait aussi probablement beaucoup.
Je n'ai pas relu les Jane Austen depuis un moment mais les lettres jouent aussi un grand rôle dans Emma et Northanger Abbey. Dans Emma, on peut penser à la correspondance secrète entre Jane Fairfax et Frank Churchill. Ils doivent cacher leur véritables sentiments aux yeux du monde mais peuvent se parler librement dans leurs lettres. Les lettres sont aussi le moyen pour Jane Fairfax de garder le lien avec sa famille représenté par Miss Bates. On peut imaginer qu'elle en écrit un nombre considérable tout au long des années. Au contraire, j'ai l'impression qu'Emma n'écrit pas beaucoup. Mais après tout, la majorité de ses proches sont auprès d'elle.
Dans Northanger Abbey, c'est par lettre que Catherine apprend la trahison d'Isabella envers son frère, à qui elle était fiancée.
Bref, les lettres sont un moteur très important dans les romans de Jane Austen mais la plus belle restera celle du capitaine Wentworth! |
| | | Akina Bookworm
| Sujet: Re: Les lettres dans l'œuvre de Jane Austen Dim 2 Fév - 17:43 | |
| - Freyja a écrit:
Je n'ai pas relu les Jane Austen depuis un moment mais les lettres jouent aussi un grand rôle dans Emma et Northanger Abbey. Dans Emma, on peut penser à la correspondance secrète entre Jane Fairfax et Frank Churchill. Ils doivent cacher leur véritables sentiments aux yeux du monde mais peuvent se parler librement dans leurs lettres. Les lettres sont aussi le moyen pour Jane Fairfax de garder le lien avec sa famille représenté par Miss Bates. On peut imaginer qu'elle en écrit un nombre considérable tout au long des années.
C'est vrai ! Bizarre que personne n'ait encore pensé à écrire un spin off d'Emma : Les lettres de Jane Fairfax - Freyja a écrit:
- Au contraire, j'ai l'impression qu'Emma n'écrit pas beaucoup. Mais après tout, la majorité de ses proches sont auprès d'elle.
Il n'y a que sa soeur qui est éloignée, mais je n'ai pas l'impression qu'elle sont très proches. |
| | | Freyja Swoon addict
| Sujet: Re: Les lettres dans l'œuvre de Jane Austen Dim 2 Fév - 18:23 | |
| En effet, Emma doit être l'une des rares héroïnes de Jane Austen à ne pas beaucoup écrire.
Pour Jane Fairfax, je me suis toujours demandé pourquoi personne n'avait jamais réécrit le roman de son point de vue. Finalement, j'ai toujours trouvé qu'il y avait dans ce roman, deux histoires: celle d'Emma et celle de Jane. Une que le lecteur peut voir et une autre qui lui passe totalement sous le nez. Je pense, qu'avec un écrivain de talent, se serait très intéressant de découvrir cette seconde histoire! |
| | | Akina Bookworm
| Sujet: Re: Les lettres dans l'œuvre de Jane Austen Dim 2 Fév - 19:07 | |
| [quote="Freyja Pour Jane Fairfax, je me suis toujours demandé pourquoi personne n'avait jamais réécrit le roman de son point de vue. Finalement, j'ai toujours trouvé qu'il y avait dans ce roman, deux histoires: celle d'Emma et celle de Jane. Une que le lecteur peut voir et une autre qui lui passe totalement sous le nez. Je pense, qu'avec un écrivain de talent, se serait très intéressant de découvrir cette seconde histoire![/quote] Mais Jane Austen laisse tjrs les héroïnes qui entretiennent une liaison secrète dans l'ombre, comme des personnages de second plan. |
| | | Freyja Swoon addict
| Sujet: Re: Les lettres dans l'œuvre de Jane Austen Dim 2 Fév - 21:55 | |
| Il n'empêche qu'elle éveille notre curiosité et que je serai ravie de voir un roman (bien écrit et bien fait évidemment) sur le sujet! En plus, se pourrait être un roman épistolaire! |
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| | | | Les lettres dans l'œuvre de Jane Austen | |
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