Forum des amoureux de la littérature et de la culture anglaise |
Bienvenue sur Whoopsy Daisy Whoopsy Daisy n'est pas un blog, mais un forum participatif: participez !
|
|
| Aurélien de Louis Aragon | |
| | Auteur | Message |
---|
Invité Invité
| Sujet: Aurélien de Louis Aragon Dim 31 Jan - 13:16 | |
| Si Louis Aragon est l'un des auteurs français les plus célèbres du XXème siècle, on retient surtout de lui son engagement communiste (et pendant la Résistance surtout) et sa poésie paraît-il très belle... Personnellement, j'avoue n'avoir rien lu d'autre de lui qu' Aurélien . Je l'ai lu en fin de troisième et c'est tout de suite devenu mon livre préféré. Ecrit en 1944, une date qui permet surtout à l'auteur d'avoir un certain recul par rapport aux années vingt, époque réelle du livre, Aurélien n'est pas un roman engagé, ce qui est une caractéristique que j'admire déjà de la part de quelqu'un qui avait des convictions politiques aussi fortes, c'est un roman sur la réalité et l'amour absolu, deux choses à la fois incompatibles et pourtant inextricablement mêlées. Ce contraste, cet imbrication, nous est montré dès la première phrase, qui serait un chef-d'oeuvre à elle toute seule : La première fois qu'Aurélien vit Bérénice, il la trouva franchement laide. On a dedans à la fois la thématique de la rencontre, point de départ classique d'une histoire d'amour, immédiatement détournée par le deuxième aspect de la phrase "franchement laide" qui est un groupe de mots déjà laid en soit qui exprime aussi bien une certaine banalité chez Bérénice qu'un esprit cynique chez Aurélien. Le roman a pour intrigue principale l’histoire d’amour impossible entre Aurélien et Bérénice, deux personnages qui déjà par leurs prénoms se démarquent de la société moderne dans laquelle ils se rencontrent. Poussés par leur entourage, ils tombent amoureux. Mais le nœud de l’intrigue est bien l’impossibilité, l’aspect chimérique de leur amour, leur vaine quête de l’absolu. Comme Chéri le faisait déjà chez Colette ( La Fin de Chéri, 1926), Aurélien incarne le mal de son siècle, c’est un homme de trente-deux ans, un orphelin et un bourgeois, que la grande guerre a laissé désemparé et qui survit, pour échapper à la désillusion, dans l’univers frivole des années folles, le Paris nocturne des années vingt. Il ne vit pas pleinement cette époque, et on ne peut pas dire qu’il erre à la manière désespérée de Chéri. Il est rendu indifférent par le cynisme, les vices, la laideur enfin de la société parisienne bourgeoise qu’il fréquente sans réellement apprécier. Il n’appartient pas vraiment à la réalité qu’il côtoie, il traverse la vie, comme s'il s'agissait d'une promenade, d'un moment de transition qui n'aurait pas de fin. Aurélien est un héros de guerre mais pas un héros de roman. Il est intelligent mais inutile, les dames l’aiment bien mais jamais très longtemps. Il ne parvient pas à se conformer au modèle bourgeois que sa sœur parmi tous les autres voudrait lui imposer. Il est décalé parce qu’il reste finalement innocent, un peu comme un adolescent, il vit un certain mal-être par rapport au monde adulte sournois et mauvais dans lequel il n’est pas encore entré tout à fait. Et puis survient Bérénice, qui est un peu une femme-enfant elle aussi. Elle projetée dans cette société parisienne dont elle ignore tout. Ce monde n’est pas le sien, c’est une provinciale qui a fait un mariage de raison dans lequel elle s’ennuie profondément. Idéaliste, elle est, comme Aurélien, décalée par rapport à cette société de progrès, moderne, parfois frivole, souvent perverse, et surtout rongée par les passions et les vices destructeurs. Et eux, deux êtres qui n’ont pourtant rien en commun sinon leur innocence et leur désir d’absolu vont vivre un amour irréel, abstrait même, au sein de cette réalité dont ils sont le produit mais à laquelle ils n’appartiennent pas tout à fait. Ce sont deux êtres en quelque sorte perdus au sein même de la vie qui se croisent le temps d'une liaison qui n'en sera pas vraiment une. Le génie d'Aragon réside dans son style. Avec une certaine modernité, mêlé d'un esthétisme lyrique, il parvient à nous faire rire autant qu'à nous émouvoir. Sa satire pleine d'ironie cruelle de la société bourgeoise des années vingt qui se révèle assez laide dans le fond (la famille Barbentane est un exemple magistral de sa décadence) est absolument savoureuse et pourtant l'histoire d'amour qui se construit entre Aurélien et Bérénice nous émeut plus que tout, le personnage d'Aurélien en lui même est un mélange de lyrisme et de drôlerie. C'est un roman très abouti en ce sens, le mélange lyrisme-humour est dur à réaliser je trouve et Aragon y parvient avec brio. On est emporté dans ce tourbillon pendant presque 700 pages, un roman long mais sans longueurs, je n'y ai trouvé que du plaisir . Et vous, avez vous lu, aimé Aurélien ? Avez-vous lu autre chose d'Aragon ? Et si je peux me permettre d'extrapoler un peu, avez-vous lu des livres de sa femme, Elsa Triolet, un auteur que j'aime beaucoup également ? |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Aurélien de Louis Aragon Dim 31 Jan - 14:46 | |
| Je l'ai lu cette été, et dès la première phrase j'ai été emportée par ce livre sublime et surtout l'écriture d'Aragon... Mon intervention est totalement inutile, je n'ai rien à ajouter après ton excellente présentation ! Mais ce livre fait définitivement partie de mes préférés et je compte relire très vite des livres d'Aragon ! |
| | | Popila Bookworm
| Sujet: Re: Aurélien de Louis Aragon Dim 31 Jan - 15:00 | |
| Magnifique présentation d'un livre qui n'a pas usurpé son statut de chef d'oeuvre, Lise ! C'est la lecture de La Curée de Zola qui m'a donné envie de découvrir Aurélien d'Aragon. Quel rapport, me direz-vous ? Aucun à première vue, si ce n'est que le roman de Zola comporte de nombreuses et fort belles descriptions de Paris, et en particulier de la Seine, descriptions dont Aragon s'est peut-être inspiré pour décrire la vue sur laquelle donne le très bel appartement d'Aurélien, personnage effectivement en décalage avec son époque. Aurélien a fait la guerre de 1914-1918, et c'est peut-être sa participation à cette guerre qui explique le sentiment qu'il a de ne pas être en phase avec le monde et avec les autres : - Lise Bennet a écrit:
- Il est rendu indifférent par le cynisme, les vices, la laideur enfin de la société parisienne bourgeoise qu’il fréquente sans réellement apprécier. Il n’appartient pas vraiment à la réalité qu’il côtoie, il traverse la vie, comme s'il s'agissait d'une promenade, d'un moment de transition qui n'aurait pas de fin. Aurélien est un héros de guerre mais pas un héros de roman. Il est intelligent mais inutile, les dames l’aiment bien mais jamais très longtemps. Il ne parvient pas à se conformer au modèle bourgeois que sa sœur parmi tous les autres voudrait lui imposer. Il est décalé parce qu’il reste finalement innocent, un peu comme un adolescent, il vit un certain mal-être par rapport au monde adulte sournois et mauvais dans lequel il n’est pas encore entré tout à fait.
Je ne peux qu'appuyer tes propos, ton analyse du personnage est parfaite. Son histoire avec Bérénice est très belle, et tu as très bien décrit, Lise, les paradoxes sur lesquels elle repose : - Lise Bennet a écrit:
- C'est un roman sur la réalité et l'amour absolu, deux choses à la fois incompatibles et pourtant inextricablement mêlées. Ce contraste, cet imbrication, nous est montré dès la première phrase, qui serait un chef-d'oeuvre à elle toute seule : La première fois qu'Aurélien vit Bérénice, il la trouva franchement laide.
Bérénice est un beau personnage, même si j'ai parfois du mal à la comprendre : - Lise Bennet a écrit:
- Survient Bérénice, qui est un peu une femme-enfant elle aussi. Elle projetée dans cette société parisienne dont elle ignore tout. Ce monde n’est pas le sien, c’est une provinciale qui a fait un mariage de raison dans lequel elle s’ennuie profondément. Idéaliste, elle est, comme Aurélien, décalée par rapport à cette société de progrès, moderne, parfois frivole, souvent perverse, et surtout rongée par les passions et les vices destructeurs.
Ces deux êtres n'ont rien en commun - à la limite, Bérénice me paraît plus courageuse qu'Aurélien, mais ils vont s'aimer d'une manière qui va transcender leur existence. Le style d'Aragon rend effectivement l'histoire racontée remarquable : le livre est, comme tu l'as si bien dit, à la fois lyrique et cynique ; la société des années 1920 fait l'objet d'une satire mordante, et les personnages laissent quelques plumes au passage. Dans mon souvenir, la fin est un peu étrange et abrupte... Je n'ai pas lu d'autre roman d'Aragon, mais Aurélien m'a marquée et je serais ravie d'en savoir davantage sur Elsa Triolet, sa compagne. _________________ |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Aurélien de Louis Aragon Lun 6 Sep - 12:39 | |
| J'ai une vision assez mitigée d' Aurélien d'Aragon. Globalement c'est un roman que j'ai bien aimé. Il démarrait très fort, notamment avec la superbe phrase que tu as citée, Lise Je retiens quand même beaucoup beaucoup de longueur (en le lisant, par moments j'avais l'impression de me retrouver dans Le Rouge et le Noir tellement ça n'avançait pas). Mais l'histoire d'amour m'a beaucoup touchée. Mais c'est surtout la fin que je garde en mémoire. Je pense qu'elle marque tous les lecteurs de ce livre, par sa beauté, son intensité et surtout sa chute abrupte. Rien que pour elle, il faudrait que je relise ce roman. Mon avis n'est pas très constructif, mais j'avoue que mes souvenirs de cette oeuvre ne sont plus très frais, hormis ce que j'en ai dit. |
| | | Contenu sponsorisé
| Sujet: Re: Aurélien de Louis Aragon | |
| |
| | | | Aurélien de Louis Aragon | |
|
Sujets similaires | |
|
| Permission de ce forum: | Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
| |
| |
| |
|