Dorothy Whipple est un auteur anglais né en 1893. Elle a connu énormément de succès pendant l'entre-deux guerres, au même titre que Waugh ou Greene pour ne citer que deux exemples. On a souvent apparenté son oeuvre à Jane Austen car ses romans sont pour la plupart des critiques sociales et/ou domestiques. Sa prose, que les critiques qualifiaient alors de simple et gracieuse, faisaient le bonheur de nombreux lecteurs à l'époque. Deux de ses romans avaient même été adaptés au cinéma ! On a qualifié ses écrits de "popular fiction".
Pour une raison inconnue, elle est un peu tombée dans l'oubli au début des années 60. Fort heureusement, la maison d'édition Persephone Books (à laquelle j'ai consacré un topic ici-même
) a réédité pas moins de 6 de ses romans. Comme ils rencontrent beaucoup de succès (apparemment, ses romans font parti de leurs meilleurs ventes), ils prévoient d'en publier d'autres à l'avenir.
Pour l'instant, ces 6 titres sont disponibles dans leur catalogue :
High Wages (1932)
They Knew Mr Knight (1934)
The Priory (1939)
They Were Sisters (1943)
Someone at a Distance (1953)
The Closed Door and Other Stories (recueil de nouvelles)
J'ai lu
High Wages dans le cadre du challenge littérature vintage et je me suis régalée.
High Wages commence en 1912. Jane Carter, 18 ans, vient de perdre son père. Après avoir quitté une belle-mère peu affectueuse, elle trouve un travail chez le modiste Chadwick, dans la petite ville imaginaire de Tidsley, dans le nord de l'Angleterre. Jane est brillante et ambitieuse et ne tarde pas à trouver ses marques dans la boutique et même à améliorer les affaires de son patron, grâce à ses bonnes idées et son esprit vif et alerte. Jane devient rapidement une employée de valeur mais elle se sent bridée par l'esprit étroit (et aussi un peu lâche) de Mr Chadwick. Elle rêve de pouvoir ouvrir sa propre boutique et ainsi travailler à son propre compte. Grâce à son amitié avec Mrs Briggs, une riche cliente de Chadwick, une femme du "monde" guère à l'aise dans celui-ci, elle trouve enfin l'opportunité d'ouvrir son propre établissement.
En apparence, la vie de Jane est calme. Mais son amitié avec Maggie, qui travaille aussi chez Chadwick, est mise à rude épreuve lorque celle-ci découvre que le garçon à qui elle accorde ses faveurs, Wilfried, un jeune bibliothécaire, a une nette préférence pour son amie ... Jane apprécie Wilfried, ils aiment lire tous les deux et sont enclins à trouver refuge dans la poésie. Mais heureusement pour nous, lecteurs, les choses ne sont pas aussi simples que ne laisse le présager le début de ce roman.
Jane se fait aussi la spectatrice amusée et avisée d'une clientèle aisée, en particulier de Mrs Greenwood, une femme snob et de sa fille, la séduisante Sylvia, qui contrairement à elle, n'aura jamais à gagner sa vie.
High Wages est avant tout un roman social qui traite de la place de la femme dans la société. Il nous rappelle à quel point les femmes célibataires et sans soutien familial n'avaient guère de chance de se hisser dans la société. Il nous montre également ce que signifie travailler dans "la mode" à l'époque. Le prêt à porter ne commençait alors qu'à pointer le bout de son nez et n'était, en général, pas encore plébiscité par la haute société ou la bourgeoisie.
La prose de Dorothy Whipple est très soignée. C'est un bonheur de la lire parce qu'elle est simple et efficace mais aussi très subtile.
High Wages est le récit touchant et incroyablement bien vu de l'apprentissage de la vie. C'est aussi un joli portrait d'une jeune femme déterminée et courageuse.
Ce roman n'est pas considéré comme un des meilleurs de Dorothy Whipple. Si j'avais une réserve à formuler, ce serait sur la romance, qui, selon moi, n'apporte pas grand chose à l'histoire. Ceci dit, je l'ai trouvé absolument délicieux. Je me réjouis donc de lire les autres qui sont apparemment plus ambitieux.
Si je prends autant de plaisir à lire les autres romans de Dorothy Whipple, cet auteur sera en passe de devenir l'un de mes préférés !