The Hand of Ethelberta

The Hand of Ethelberta est sans doute un roman plutôt méconnu de Thomas Hardy. Contrairement à son habitude, ce récit n'est pas dramatique et il ne se déroule pas (entièrement) à la campagne. Un Thomas Hardy qui sort un peu du lot, en fait

Il y raconte le parcours d'Etheberta, née dans une famille pauvre (son père est majordome, ses frères ouvriers, sa sœur enseignante...) mais dont le destin, et un peu aussi l'ambition, ont menée à côtoyer les plus hautes sphères de la société. Etant très jeune gouvernante dans une famille aisée, elle a capturé le cœur du fils aîné qu'elle a épousé avant ses dix-huit ans. Malheureusement, quelques semaines après leur voyage de noces, le jeune époux est décédé, laissant Ethelberta veuve à un âge très précoce. Sa belle-mère la prenant sous son aile, elle continue d'évoluer dans ce milieu de riches, un milieu qui n'est pas le sien mais dans lequel elle se fait une très belle place : admirée, voire adulée, elle devient le centre de l'attention. Pour subvenir aux besoins de sa famille, elle se lance dans l'écriture de poèmes, puis devient conteuse publique. Ses activités la rende d'autant plus populaire, sans que personne ne se doute qu'elle ne les fait pas pour son bon plaisir, mais par nécessité financière. Très vite, gravitent autour d'elle plusieurs prétendants... Le reste du récit concerne les choix qu'elle va devoir poser : non seulement d'un mari, mais aussi de quelle vie elle souhaite vivre, en rejoignant sa famille et en cessant de mentir, ou en continuant de prétendre être ce qu'elle n'est pas.

Ce roman est prenant et plein de péripéties inattendues et de retournements de situation. L'intrigue est plus légère que ce que Thomas Hardy a l'habitude de faire, mais sa plume au contraire m'a semblé manquer un peu de légèreté : à force de chercher les métaphores et de maintenir un langage fleuri, l'ensemble est un peu trop alourdi à mon goût. Ce qui ne m'a empêchée de savourer certains passages, mais m'a aussi par moment un peu rendu la lecture plus lente. Et comme toujours, Thomas Hardy est le maître pour installer le décor : il excelle dans les descriptions florissantes et très frappantes des lieux de son histoire, des lieux et une nature qui très souvent, sont le reflet direct des émois des personnages ou des événements en cours. J'ai beaucoup aimé cette façon dont aucun détail ne semble être laissé au hasard : s'il y a une tempête, on fait rapidement le lien avec le tumulte de l'intrigue, ou si les rayons du soleil projettent des ombres qui semblent diviser le paysage en deux, l'allusion à la double vie d'Ethelberta est évidente.

Les thèmes explorés sont très liés à son époque. On y explore les injustices sociales, la hiérarchie arbitraire entre riches et pauvres. C'est aussi une analyse sur l'hypocrisie, les faux-semblants et les apparences. La position très particulière d'Ethelberta permet de présenter un personnage dont la vision des choses est intéressante à plein de niveaux : elle tient à faire partie de la bonne société, mais se sent toujours différente d'eux ; elle soutient sa famille et les respecte, tout en étant confrontée elle-même à des domestiques et autres travailleurs alors qu'elle est dans une position supérieure à eux ; elle veut gravir les échelons mais aussi rester fidèle à elle-même. Les dilemmes qui la traversent sont une très belle façon d'explorer les différences de classes au sein d'une société très hiérarchisée.

En bref, j'ai beaucoup aimé ce roman et je le recommande à tous ceux qui apprécient Thomas Hardy mais n'ont pas peur de le découvrir sous un autre jour, et à tous ceux qui aiment la littérature victorienne

Merci pour cette présentation, je ne connaissais même pas ce titre de nom.

Il a l'air très intéressant et effectivement un peu à contre-courant de ses romans les plus connus, mais intéressant quand même.

C'est fort dommage qu'il n'y ait pas de traductions d'autant plus que tu écris que tu as eu un peu de mal parfois avec sa plume.

En tout cas, je le note dans un coin de ma tête quand j'aurais épuisé les Hardy en français

EDIT : Après quelques recherches, j'ai trouvé qu'il avait été publié en français en 1931 sous le curieux titre de S'il avait insisté...

Ce titre m'était aussi totalement inconnu. Merci donc pour ta présentation très intrigante 

Shelbylee a écrit:

Après quelques recherches, j'ai trouvé qu'il avait été publié en français en 1931 sous le curieux titre de S'il avait insisté...

Ils ont bizarrement choisi le titre en français ! Je vois à quoi cela fait référence, mais je ne vais pas vous dévoiler l'intrigue, ce serait dommage... En fait, avec ce titre, ça place un autre personnage au centre, c'est intéressant, et on peut peut-être effectivement comprendre tout le roman comme s'il était lui le personnage principal.

Ta réponse donne encore plus envie de le découvrir, même si Thomas Hardy a choisi lui de mettre Ethelberta dans le titre.

Mais c'est vraiment très intrigant !

Je connaissais vaguement ce roman sous son titre français (très curieux au vu du titre original) mais je ne l'ai jamais lu. Comme Shelbylee, je me le mets de côté pour quand j'aurais lu tous ses romans disponibles en français.
Merci pour ta présentation !