Ce forum manque de fil consacré aux poètes, donc en voici un, sur un de mes auteurs préférés
"Mad, Bad and dangerous to know"
George Gordon Byron, plus connus en tant que Lord Byron.
Typiquement l'écrivain dont tout le monde a du moins une fois rencontré le nom, et qui pourtant semble aujourd'hui peu lu, du moins comparativement a d'autres poètes romantique comme Blake ou Keats. C'est un monument qui n'est plus vraiment visité, une référence culturelle que l'on invoque qu'avec une certaine distance ironique. Même au sein de "l'élite" cultivé Byron n'est pas toujours pris aux sérieux, je ne compte plus les commentaires critiques (académique ou amateur), et même parfois les préface d'anthologie rappelant a quel point Byron est trop poussiéreux, maniéré, et artificiel pour notre palais moderne trop sensible pour ces épanchements héroïco-sentimental grossiers.
Aujourd'hui Bryon est, et c'est désespérant, plus connus pour sa vie scandaleuse et romanesque: Ce membre honorable de la chambre des lords ne cache pas sa bisexualité, il séduit homme et femme et multiplie les liaisons. Cette libido a peine exacerbée par sa vantardise, les extravagances et la violence de son caractère, son mariage désastreux et sa liaison probable avec sa demi-sœur Augusta (tous les biographes ne sont pas d'accord quand à la réalité de cette liaison, mais leur correspondance semble la confirmer) lui ont valu de la part de l'une de ces ancienne maitresse Lady Caroline Lamb d'être qualifié de: "Mad, Bad and dangerous".
Les scandales, mais également ses convictions politiques radicales (il ne cachait pas sa fascination pour la révolution française et Napoléon) l'ont conduit a quitté l'Angleterre pour le continent. Son engagement auprès des grecs contre la domination ottomane, le conduiras a sa mort et en feras un héros national, encore révéré aujourd'hui, en Grèce.
Byron fut l'une des plus grande célébrité de son époque, connus dans toute l'Europe et considérer de son vivant comme le plus grand poète anglais de son temps. En France la découverte de son œuvre aux côté de celle de Goethe et de Shakespeare donne un élans nouveau a la création artistique et impulse le mouvement romantique sa poésie inspirant Hugo et Vigny mais également le compositeur Berlioz ou le peintre Delacroix. Le purgatoire traversé par son œuvre après sa mort est probablement le prix de cette vénération internationale.
Qu'en est-il réellement de la poésie de Byron, il semble, en tout cas en France qu'il commence enfin a échappé au mépris relatif qui accueillait sont œuvre jusqu’à présent. La publication dans collection de poche poésie/gallimard d'une nouvelle traduction (en édition bilingue) de ses poèmes orientaux en est un signe. Les éditions alia ont aussi publié de belle traduction française de Manfred (poème dramatique inspiré de Faust, sans avoir la même richesse que son modèle c'est quand même très beau) de Caïn (pour le coup un texte théâtrale probablement injouable mais absolument fascinant et ambigu reprenant la figure satanique tel que l'a défini Milton dans son paradis perdu) et une anthologie bilingue de poèmes court (tous très intéressant).
Je pense personnellement que Byron est l'un des plus grand poète anglais après Shakespeare et avec T.S. Eliott (né américain, mais émigrés en Angleterre et devenu citoyen britannique plus britannique que les britanniques eux même, il s'est même convertis a l'anglicanisme). Certains épanchements sentimentaux, l’excès de noirceur de certains textes de jeunesse, et le caractére narratif d'une grande part de sa poésie peuvent l'éloigner de nous, mais si l'on est sensible a l'épique (toujours teinté de tragique ou d'ironie chez Byron) et que l'on accepte la finesse et la virtuosité de la langue c'est l'une des lectures les plus gratifiante que l'on pourras faire en anglais D'autant que tout en étant trés sophistiqué les vers de Byron sont marqués par une sorte d'évidence qui assure une lecture particuliérement fluide.
Des textes comme
Childe Harold Pilgrimage ou
The Prisonner of Chillon sont sans doute parfois trop long et se laisse allez a des facilités qui peuvent sembler un peu creuse mais ils contiennent suffisamment de véritable diamant. Les poèmes orientaux comme
The Corsair ou
The Giaour sont en revanche a lire sans réserve, plus court ils forment des pièces fulgurante dont l'orientalisme est certes forgés par les conventions du XIXe siècle mais largement transcendé par le génie poétique et narratif de Byron.
Caïn est un authentique chef d’œuvre d'une très grande richesse poétique et thématique.
Le grand œuvre cependant, celle qui convainc même les sceptiques c'est
Don Juan, Byron s'y trouve tout entier, et loin des clichés qui ont put lui être associé. Ce (très) long poème épico-satirique laissé inachevé par la mort de Byron (et qu'il parait de toute façon avoir pensé dans un geste d'écriture profondément moderne et avant gardiste comme un texte ouvert et sans fin qu'il aurait pu continuer a écrire indéfiniment), le montre comme un critique sans pitié de son époque et révèle son attachement a la poésie anglaise du XVIIIe (son grand amour littéraire étant Alexander Pope) une poésie ironique et distancié loin de l'exaltation du moi et de la mystique associé au romantisme dont Byron (avant Flaubert et Madame Bovary) déconstruit les illusions. C'est non seulement écrit dans un anglais magnifique mais c'est en plus un régale d'ironie parfois vraiment hilarant (quelque référence d'époque peuvent sembler un peu obscure aujourd'hui mais dans l'ensemble Byron évite de se cramponner frontalement a l'actualité). Et puis il y a la relecture iconoclaste de Don Juan, le libertin satanique de Molière ou de Mozart et Da Ponte qui ne plie même pas devant la fureur divine, devient une sorte d'adolescent passif et manipulable entrainés par les circonstance plutôt que par son désir.
Le style est délectable, Byron utilise l'ottava rima, une strophe de huit vers a rimes croisés emprunter a l'italien. L'ottava rima lui permet d'allier une certaine régularité rythmique a une grande liberté dans la composition de ses phrases, longues riches en incises et parenthèse propice aux divagations de l'auteur/narrateur qui aime a ponctué d'aparté qu'il s'improvise critique littéraire, qu'il théorise sa propre pratique de poéte, ou s'emporte dans une digression satirique ou autobiographique au grès de sa fantaisie.
Don Juan malgré le classicisme de la forme, fait explosé toute la catégorie traditionnelle de l'épopée, du comique, du tragique, ne cesse de débordé hors des limites de son anecdote et semble pouvoir poursuivre a l'infini de digression en digression avant Flaubert et son livre sur rien, Byron sous l'apparence de la parodie écrit l'épopée du rien, un geste moderniste avant l'heure mais dépourvu de l'obscurité et de la pompe parfois prétentieuse de certaines avant garde.
un petit extraits pour vous donner une idée du ton général de l'ouvrage:
XCII
He thought about himself, and the whole earth
Of man the wonderful, and of the stars,
And how the deuce they ever could have birth;
And then he thought of earthquakes, and of wars,
How many miles the moon might have in girth,
Of air-balloons, and of the many bars
To perfect knowledge of the boundless skies;—
And then he thought of Donna Julia's eyes.
XCIII
In thoughts like these true wisdom may discern
Longings sublime, and aspirations high,
Which some are born with, but the most part learn
To plague themselves withal, they know not why:
'T was strange that one so young should thus concern
His brain about the action of the sky;
If you think 't was philosophy that this did,
I can't help thinking puberty assisted.
XCIV
He pored upon the leaves, and on the flowers,
And heard a voice in all the winds; and then
He thought of wood-nymphs and immortal bowers,
And how the goddesses came down to men:
He miss'd the pathway, he forgot the hours,
And when he look'd upon his watch again,
He found how much old Time had been a winner—
He also found that he had lost his dinner.