Nuit et Jour de Virginia Woolf

Je viens de lire Nuit et jour, de Virginia Woolf et ma lecture est un peu mitigée. En même temps, comme je l'ai lu au moment où j'ai perdu ma grand-mère et mon chat, je ne suis pas certaine que mon impression soit entièrement liée à la qualité littéraire du texte ...

Ce roman suit la vie de quatre jeunes personnes, au début du siècle, dans un Londres qui hésite entre tradition et modernité, nostalgie de l'Angleterre victorienne et désir d'avancer. Katherine, jeune fille de très bonne famille et petite-fille d'un auteur illustre, incarne parfaitement cette dichotomie. Personne sage, élevée dans le culte de l'ancêtre poète, elle se relève la nuit pour faire des mathématiques. Fiancée à un poète de rang social respectable,William Rodney, elle compte parmi ses amis Mary Datchett, une suffragette, et Ralph Denham, un avocat pauvre. On les suit quelques mois dans leur vie, dans leurs amitiés, leurs amours, leurs jalousies, le tout sur un mode très éthéré, très lent, très contemplatif. Il vaut surtout pour le plaisir de se pénétrer de la langue de Virginia Woolf de sa manière si fine de décrire les émotions qui secouent ces quatre personnes.
Mais il m'a fait passé à deux doigts de la panne de lecture... Un manque de rythme ? Une fin un peu baclée ? Un suspens qui n'en est pas un ? Des personnages assez statiques ?

En attendant, quelques citations qui m'ont beaucoup plu :

Citation :

Lorsque Ralh Denham entra dans la pièce et vit Katherine, il eut conscience d'une variation de l'atmosphère telle que peut en éprouver un promeneur à la campagne, après le coucher du soleil, quand le froid et l'humidité cède soudain la place à une vague de chaleur qui sent bon le foin, comme si le soleil brillait encore, bien que la lune fût levée.

Citation :

Elle [...] s'absorba dans une rêverie où elle devint aussitôt une autre et l'univers entier se métamorphosa. Etant une habituée de cet univers, elle pouvait reconnaître son chemin sans hésitation. Si quelqu'un lui avait demandé de le décrire, elle aurait répondu que c'était là que résidait la réalité dont nous ne connaissons qu'une apparence ; elle se sentait incomparablement plus spontanée, plus forte, plus libre que dans le monde réel. Dans cet ailleurs, il était enfin donné de connaître ce qui nous échappe sans cesse ici-bas : le bonheur parfait dont nous ne goûtons que des miettes ; la beauté dont nous n'avons qu'une vision fugitive.

Citation :

Elle craignait par dessus tout que Mary, la jeune femme qui symbolisait pour elle tant d'idées romanesques et enthousiastes, celle qui avait une sorte d'existence visionnaire et qui avançait un lys à la main, n'annonçât d'un ton désinvolte qu'elle allait se marier.

Citation :

Il choisit lui-même le livre avant que sa fille eût pu protester ou s'échapper, et elle se trouva métamorphosée par le truchement de Walter Scott en être humain civilisé.

Je viens de finir Nuit et Jour que j'ai commencé il y a eu quelques mois (je traîne rarement un livre aussi longtemps)...Tout comme Akina je suis partagée. D'une part j'ai beaucoup aimé, d'autre part j'ai bien failli le laisser tomber plus d'une fois mais j'ai tenu bon parce que j'ai déjà abandonné Mrs Dalloway, il y a plusieurs années (je crois que j'ai encore le marque page à l'intérieur ) qui pourtant me plaisait mais...ben pareil que cette fois, découragée par cette densité de sentiments en laquelle on se perd parfois.

Akina a écrit:

Un manque de rythme ? Une fin un peu baclée ? Un suspens qui n'en est pas un ? Des personnages assez statiques ?

Un peu de tout ça sans doute.

J'ai remarqué que c'était une lecture que je ne devais pas trop fractionner. C'est à dire que si je ne lisais qu'un seul chapitre (ils sont assez longs) cela ne suffisait pas pour m'embarquer dans l'histoire ; mais si j'en lisais trop (comme je l'ai fait sur la fin, allez, zou, 6 chapitres! je frôlais l'overdose et la crise de nerfs. En fait pour entrer (et rester) dans l'histoire il en faut ni trop ni trop peu. Oui, ça parait peut-être bizarre mais c'est en tout cas mon ressenti.

Même si elle était parfois laborieuse, j'ai aimé cette lecture et cette balade dans Londres au gré des sentiments des personnages. L'histoire m'a beaucoup plus plu dans la dernière partie où l'on troque le personnage de Mary pour celui de Cassandra dans ce quatuor. J'ai également aimé le passage à la campagne (un peu d'air frais ! ) ainsi que la visite de Katherine chez les Denham. Ce sont des passages qui avaient plus de relief à mes yeux. Je pense que c'est l'écriture de V W qui me perd, jusqu'à m'asphyxier dans les sentiments des personnages, notamment parce qu'ils se cherchent et qu'ils ne savent même pas ce qu'ils cherchent.

C'était une lecture un peu étrange...