Quatre nouvelles, quatre décennies (de 1850 à 1880), un lieu : New-York, un milieu : sa grande bourgeoisie. De la petite ville excentrée aux confins du monde, au mythe du futur XXème siècle, on voit naître cette grande cité, à travers les yeux de ceux qui intéressaient si particulièrement Edith Wharton : l'aristocratie de l'argent, son esprit étriqué et ses mœurs petit-bourgeois.
Dans la première nouvelle, l'
Aube Mensongère, l'Europe est encore le phare. Un jeune homme de famille riche est envoyé par son père qui le méprise, en Italie, pour constituer une collection d'art (avec si possible, un Raphaël). Devant les montagnes des Alpes et la beauté de Florence, le jeune garçon va découvrir l'art et la beauté, et se prendre de passion pour les peintres de la fin du Moyen-Âge. Hélas pour lui, ils ne seront à la mode que quelques décennies plus tard, et son père le déshéritera pour cette collection ratée, trop avant-gardiste.
La seconde nouvelle,
La vieille fille, est encore plus touchante. Une fille-mère, à la veille de se marier, supplie sa cousine, une jeune épouse bourgeoise, de prendre soin de sa fille. La cousine adopte l'enfant, mais s'arrange pour rompre les fiançailles. Les deux femmes vivent ensuite ensemble, l'une mère respectée de New-York, l'autre vieille fille aigrie et crainte même par sa propre fille, victime de l'hypocrisie de la société.
Dans la troisième nouvelle,
L'Etincelle, un vieil homme est ridiculisé par sa jeune femme et son amant. Mais en apprenant à le connaître, le narrateur lui découvre un passé de héros durant la guerre. Comment faire coincider ces deux images ?
La quatrième nouvelle,
Jour de l'an, m'a aussi énormément touchée. Elle raconte le sacrifice immense d'une jeune épouse, surprise sortant d'un hôtel avec un ami de son mari, son amant. Trahison ? Non, amour immense et éperdu pour son invalide d'époux, pour assurer le confort duquel elle se prostitue. Mais qui peut comprendre cette grandeur d'âme chez les matrones de New-York ?
C'est un recueil de nouvelles absolument magnifique, bien que totalement méconnu. Les quatre récits se parlent et se répondent, racontant une société qui évolue, mais dont les fondamentaux, le cynisme et l'hypocrisie demeurent. Il y a l'ambiance de The house of Mirth et de The Age of Innocence dans ce talent pour peindre des destins tragiques, étouffés par les convenances. Mais sous le luxe des dentelles et des velours, que ces hurlements sont perçants, que ces âmes sont vives, que ces passions sont nobles !!
Et puis, il y a l'esprit acerbe d'Edith Wharton :
- Citation :
- La petite société de ce New-York disparu n'accordait pas une grande importance à la richesse, mais elle considérait la pauvreté comme étant si détestable qu'elle l'ignorait tout simplement.
- Citation :
- Issus de la bourgeoisie anglaise, ils n'étaient pas venus dans les colonies mourir pour une foi, mais vivre pour un compte en banque.
A noter que
La vieille fille a été adaptée au cinéma en 1939, avec Bette Davis dans le rôle titre :