J'aimerais vous présenter un film que j'aime d'amour
:
Seventh Heaven (
L'Heure Suprême) de Frank Borzage
J'ai découvert ce film lorsque j'étais ado, j'en gardais un souvenir flou mais ébloui. Je n'ai pu le revoir que récemment grâce à la réédition chez Carlotta Films d'un sublime coffret dvd regroupant pas moins de 4 films du réalisateur.
Ce film, datant de 1927, est sans doute l'un des plus célèbres films muets de l'Histoire du cinéma. En plus d'avoir été un immense succès publique, il a remporté pas moins de 3 statuettes lors de la toute première cérémonie des Oscars.
A Montmartre, l'égoutier Chico envie le nettoyeur de rue qui travaille à la surface. Non loin de là, dans une chambre sordide, la jeune Diane se fait battre par sa soeur aînée que la misère et l'absinthe ont rendue folle. En fuyant, Diane rencontre Chico qui lui prête main forte, avant de laisser la jeune fille à ses déboires. Mais lorsque la police intervient, Chico fait croire que Diane est sa femme afin de lui éviter la prison et l'emmène chez lui, au septième étage d'un vieil immeuble mansarde, sous la voûte étoilée ...
Seventh Heaven est un film typique de l'oeuvre de Borzage. On y trouve tout ce qui tient à coeur le réalisateur. Il est extrêmement difficile - pour ne pas dire impossible - d'inscrire ce film dans un courant cinématographique précis. On parle de conte, de réalisme magique, voire même de surréalisme. D'ailleurs, il est intéressant de noter qu'Aragon adorait ce film et le conseillait à tous ses amis !
Selon lui, on pouvait y reconnaître les prémisses de l'amour fou.
Le film navigue entre réalisme sordide (les petites ruelles sombres, la misère de Paris) et lyrisme sublime (lumière, dimension quasi mystique des sentiments amoureux).
Même si le film est muet, je pense très sincèrement qu'il peut être apprécié par des personnes qui ne sont pas habitués à ce type de cinéma (en témoigne mon immense amour pour lui !
)
L'expressivité des images, de la musique (qui mêle compositions originales et airs français bien connus), l'empathie qu'on ressent instantanément pour les personnages, et l'humour participent grandement à rendre ce film éternel.
La mise en scène de Borzage est incroyablement inventive, généreuse et inspirée. On peut sentir à quel point la contrainte technique pouvait stimuler le réalisateur.
Borzage ne s'est pas seulement investi dans la réalisation. Il a aussi tenu à choisir lui-même ses acteurs. Janet Gaynor, tout juste âgée de 20 ans, interprète à merveille l'ingénue et craquante Diane. Pour l'anecdote, cette jeune actrice aura tellement marqué ses contemporains que les studios Disney s'inspireront de son visage pour créer leur Blanche-Beige !
Charles Farrell campe Chico. Autant le dire tout de suite, je crois bien que c'est l'un des plus beaux acteurs qu'il m'ait été donné de voir au cinéma.
Son visage a à la fois quelque chose d'intrigant et de rassurant. On constate au premier abord son côté un peu frustre, il n'est décidément pas à l'aise avec les déclarations d'amour et les compliments mais lorsqu'il aime, ce n'est pas à moitié. Et pour ne rien gâcher, c'est un personnage drôle et attachant. Je crois qu'il n'est guère possible de ne pas tomber sous son charme.
Chico est aussi grand et tranquille que Diane est petite et frêle. Tous les deux forment un couple terriblement attendrissant.
Leur alchimie est telle qu'ils formeront encore ce couple mythique dans près de douze films, dont deux autres avec Borzage (
L'Ange de la rue et
Lucky Star, que je n'ai pas encore vus mais qui figurent aussi dans le coffret !)
L'amour est sans le moindre doute le thème principal du film de Borzage. Il transcende tout. Il est sa propre religion. Voilà encore quelque chose qui tenait à coeur les surréalistes.
Le film traite de l'ascension, aussi bien sociale que mystique de ses personnages. Chico souhaite quitter son emploi d'éboueur dans les égoûts pour devenir nettoyeur des rues, à la surface. Il habite le 7ème étage d'un vieil immeuble, une mansarde sous les étoiles. Je crois qu'on peut difficilement trouver plus symbolique.
Diane, elle, se défaiera du terrible joug de sa soeur aînée, alcoolique et sans doute aussi prostituée, grâce à l'aide de Chico. Celui-ci ne cesse de lui dire qu'il faut qu'elle arrête d'avoir peur. Lui, n'a peur de rien. Bavard comme ce n'est pas permis (et c'est justement ce qui est drôle, n'oublions pas que
Seventh Heaven est un film muet
), Chico réussira par son enthousiasme communicatif, à insuffler de la vie et du courage dans le coeur meurtri de Diane ...
Seventh Heaven se situe pour moi bien au-delà du mélodrame. Il le dépasse même complètement. Il touche au sublime.
Les plus cartésiens auront sûrement du mal à se laisser convaincre mais pour ma part, je me suis complètement laissée emporter. Ce film est incontestablement l'une des plus belles oeuvres cinématographiques que je connaisse.
Charles Farrell et Janet Gaynor posant avec Frank Borzage. Voilà, j'espère avoir réussi à vous convaincre !
NB : J'essaierai de poster quelques autres photos plus tard. Si ça ne tenait qu'à moi, j'en aurai inséré une bonne dizaine dans mon post