J'ouvre un topic à un auteur britannique contemporain dont les histoires m'intéressent beaucoup et dont l'univers peut aussi toucher d'autres membres de ce forum pour les raisons suivantes :
- ses histoires épousent toute l'histoire récente du Royaume-Uni en s'intéressant autant aux années d'avant-guerre qu'aux années 80 par exemple
- son écriture romanesque rappelle les plus grands auteurs dont il ne cache pas les influences (Waugh, Fitzgerald...)
- il sait construire des personnages à la psychologie vraiment passionnante et complexe
- l'histoire avec un petit ou un grand H sont au coeur de la plupart de ses écrits: qu'il s'agisse de secrets enfouis, de regrets ou de souvenirs à protéger
- et surtout ses téléfilms et films mettent en lumière les acteurs les plus intéressants de leur génération.
Stephen Poliakoff débute sa carrière par l'écriture de pièces de théâtre et est notamment résident au National Theatre à l'âge de 24 ans. Cependant j'avoue mal connaître son travail dans ce domaine. Par la suite il se consacre à l'écriture de scénarios pour la télévision anglaise, notamment la BBC et se lance dans la réalisation de ses propres écrits dès la fin des années 70. Ses téléfilms connaissent un succès populaire surtout dans les années 90.
Son travail pour la télévision est récompensé par de nombreux prix, dont plusieurs BAFTA et un EMMY. Au fil des ans il impose sa vision sur toutes les étapes de création, du casting aux choix musicaux et de montage. Il choisit des acteurs aujourd'hui très populaires et très appréciés sur ce forum comme Matthew MacFadyen, Kelly Riley ou Emily Blunt et offre des rôles passionnants à des pointures comme Maggie Smith, Timothy Spall ou Bill Nighy. Certains connaissent sans doute son dernier film
Glorious 39 avec Romola Garaï. Cependant ce n'est peut-être pas son meilleur film. Dans plusieurs interviews il avoue lui-même trouver plus de liberté dans les projets pour la télévision et ajoute qu'il n'apprécie pas toutes les pressions commerciales du milieu cinématographique.
Je vais vous résumer rapidement certains de ses films et je m'arrêterai plus longuement sur le dernier que j'ai vu et qui m'a énormément plu. La plupart des scénarios ont été aussi édités sous former papier, ainsi que ses pièces de théâtres.
Close my Eyes (1991) avec Clive Owen, Alan Rickman et Saskia Reeves.
- Citation :
- L'histoire d'un trio amoureux ambiguë entre Sinclair, son épouse Nathalie et Richard, le frère de celle-ci. L'histoire se déroule de 1985 à 1991 et évoque aussi en filigrane quelques questions sociales de l'époque. C'est l'adaptation d'une pièce qu'il a retravaillé : Hitting Town.
Shooting the past (1999), avec Lindsay Duncan, Timothy Spall, Liam Cunningham. Mini-série en 3 épisodes pour BBC2.
- Citation :
- Un homme d'affaire américain découvre que le local dont il espère faire une école de business est toujours occupé par une photothèque. Effrayés de voir la collection détruite et de perdre leur travail, les employés (un peu excentriques avouons-le) montent un plan de sauvetage. Une production passionnante sur la nécessité de préserver le patrimoine et qui amène directement le passé dans cette histoire en incluant un grand nombre d'images d'archives dans le montage.
Perfect Strangers (2001), avec Matthew Macfadyen, Michael Gambon, Lindsay Duncan, Toby Stephens. Téléfilm pour BBC2.
- Citation :
- Une réunion de famille des richissimes Simon va voir plusieurs secrets refaire surface alors que l'archiviste de la famille retrouve de vieilles photographies.
The Lost Prince (2003), avec Miranda Richardson, Michael Gambon, Gina McKee. Téléfilm en deux parties, BBC One.
- Citation :
- L'histoire oubliée du prince John, fils du roi George V et la reine Mary, mort d'épilepsie à l'âge de treize ans en 1919 et caché sa vie durant en raison de cette maladie et d'un léger autisme. Récompensé par de nombreux prix ce film est une histoire bouleversante qui met en scène un petit garçon très émouvant et une famille qui doit faire face non seulement à ces difficultés d'ordre privé mais aussi tous les bouleversements que connait la royauté dans les premières décennies du XXe siècle.
Friends and crocodiles (2006), avec Damien Lewis, Johdi May, Robert Lindsay. Téléfilm pour BBC One.
- Citation :
- Dans les années 80, l'ambition vertigineuse de deux personnages aux identités complétement différentes. Paul est un Gatsby moderne qui organise de gigantesques fêtes dans sa somptueuse villa et possède une collection de crocodiles. Un jour il propose à Lizzie, une jeune femme qui travaille dans une agence locale, de devenir son assistante. Il lui fait découvrir un nouveau milieu où elle croise les plus grandes pointures intellectuelles, mais doit en contrepartie subir les folies de Paul qui la stimule autant qu'il la frustre dans ses projets.
Gideon's daughter (2006), avec Bill Nighy, Emily Blunt, Miranda Richardson.
- Citation :
- Ce téléfilm a été écrit en liaison avec le précédent puisque l'un des personnages de Friends and crocodiles devient le narrateur de Gideon's daughter. L'histoire prend place au moment de l'essor du New Labour et de la mort de Lady Di. Gideon élève seul sa fille depuis que sa femme est morte, mais la jeune fille ne lui pardonne pas ses infidélités multiples. Il rencontre Stella qui fait le deuil d'un enfant et dont l'ex-mari s'en prend à un ministre qu'il rend responsable de cette perte, et qui s'avère être un client de Gideon qui travaille dans le marketing politique.
Joe's Palace (2007), avec Dany-Lee Winter, Michael Gambon, Rupert Penry-Jones, Kelly Rilley.
- Citation :
- Joe a un drôle de travail. Il surveille la demeure d'un riche propriétaire en plein cœur de Londres. Sauf que la maison est vide et que le riche Graham vit à quelques pas de là mais refuse de résider dans son immense propriété qu'il souhaite tout de même voir soignée. Joe découvre rapidement que l'étrange comportement de son patron vis-à-vis des lieux est lié à un lourd secret et il est bientôt chargé d'effectuer quelques recherches sur l'histoire de la famille Graham avec l'aide de Tina qui travaille dans un commerce du coin. En parallèle Joe suit les aventures de Richard, un chef de cabinet ministériel, qui a l'accord de Graham pour utiliser sa demeure vide pour y retrouver sa maîtresse.
Enfin, le dernier téléfilm, celui qui m'a particulièrement plu est
Capturing Mary diffusé en 2007 et dont l'histoire est en relation avec celle de Joe's Palace.
Maggie Smith interprète Mary une vieille dame qui sonne chez Eliott Graham et explique à Joe, qui surveille la maison, qu'elle a souvent fréquenté les soirées organisées par le propriétaire lorsqu'elle était jeune. Elle va alors lui raconter son histoire et notamment une rencontre qui a changé sa vie. La jeune Mary (jouée par la jolie Ruth Wilson) est une auteure réputée à la fin des années cinquante, respectée pour ses opinions progressistes et audacieuses. Elle est donc invitée aux très selects soirées données par Eliott Graham où elle rencontre les génies et les personnes les plus influentes de son temps, comme Evelyn Waugh ou Alfred Hitchcock. Elle rencontre Greville White (David Walliams), un homme très mystérieux et influent qui la fascine autant qu'il l'intimide. Celui-ci se prend d'intérêt pour elle et lui raconte des histoires choquantes sur des personnes connues de leur génération, des récits de débauche et de perversion qui la troublent fortement. À partir de cet instant elle va tenter en vain d'échapper aux prises de cet homme intriguant qu'elle ne fera que recroiser durant plusieurs années. Mary ne cesse de penser au soir où elle refusa la clé qu'il lui proposait. Qu'a-t-elle réellement décliné? Que représentait cette clé? Elle ne le saura jamais. Pendant que Joe lui fait redécouvrir les pièces qu'elle a connu et foulé dans le passé, Mary lui explique comment cette rencontre a transformé toute son existence et l'a peut-être ruinée?
Le scénario est tout à fait brillant et sa morale passionnante. Stephen Poliakoff écrit une relation de domination et d'influence et la psychologie si fine et troublante de ces personnages est digne des meilleures romans. Car le scénario ne repose pas que sur les regrets de Mary. Le récit voit le personnage de Greville gagner en mystère et Mary projette en lui tous ses échecs personnels et professionnels, au point qu'il la hante et devient un personnage littéralement fantasmagorique qui donne une dimension de plus en plus effrayante et surnaturelle à cette histoire. On ne comprend jamais vraiment ce qu'il représente ou ce qu'il veut à Mary mais on est captivés par cette lente destruction. Le récit est très complexe et prend parfois des allures d'allégorie mais c'est très intelligent.
C'est un film vraiment original et déroutant, à voir absolument!
J'espère ne pas vous avoir effrayés avec mon long post, mais j'aimerais beaucoup savoir si certains apprécient aussi cet auteur et si vous avez vu certains de ces téléfilms par exemple?