D‘Emmanuel Carrère je connaissais
La classe de neige et
La moustache, où le héros se rase la moustache pour faire une blague à ses amis, et non seulement personne ne semble s’en apercevoir, mais chacun lui assure qu’il n’a jamais porté de moustache… C’est un peu le même état d’esprit que j'ai trouvé dans
Bravoure, lu dans le cadre du challenge Mary Shelley puisque le thème est la genèse du roman
Frankenstein.
Le récit d’Emmanuel Carrère se présente comme un puzzle qui entremêle deux époques :
1816, au bord du lac de Genève, où Percy et Mary Shelley fréquentent Lord Byron et Polidori, son médecin qui se pique d'écrire des tragédies, et dont il restera
Le Vampire. C'est lors d'une de ces soirées que sera proposé à chacun d'écrire une histoire fantastique. Mary, à la suite d'un cauchemar, trouvera le sujet de son Frankenstein.
1984, Ann vit à Londres et rédige des romans sentimentaux pour un éditeur qui se fait appeler le Capitaine Walton. Celui-ci va l'entraîner dans un jeu de rôles, où nous retrouverons le couple Shelley, Byron et Polidori et un étrange manuscrit qui raconte l'histoire d'un Frankenstein bien différent de celui que nous connaissons...
J'ai eu beaucoup de mal à rentrer dans le roman, car Emmanuel Carrère joue à brouiller les pistes. On ne comprend pas immédiatement qui est qui et on a du mal à démêler le réel de l'imaginaire. Au final il reste une sensation étrange, une sorte de délire très documenté sur cet épisode de la vie littéraire.
Les protagonistes ne sont pas présentés sous leur meilleur jour. Byron est un tyran, qui humilie Polidori et s'amuse à duper le monde avec des allures de grand seigneur. Polidori est aigri, jaloux de tous et semble se complaire dans ce rôle. Percy Shelley passe ses journées à naviguer avec Byron, délaissant Mary, jalouse de n'être plus la seule personne qui compte à ses yeux. Il est très peu question de Claire, la fille de la belle-mère de Mary, amoureuse de Byron, mais qui sert surtout de baby-sitter au fils de Mary et Percy.
J'imagine que l'auteur a du beaucoup s'amuser à rédiger un pastiche de Frankenstein, où il est question de zombie sélénites aux yeux noirs et à tenter de nous perdre dans son labyrinthe... Une sorte d'exercice de style, qui sera difficile à apprécier par les non-initiés...