J'ai lu ce roman très rapidement et vous le conseille

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1917, quelque part dans la campagne anglaise. Anna Whig, bourgeoise lettrée, mère d’un petit garçon de deux ans, Jack, persuade son mari Edward d’embaucher par courrier pour sa garde d’enfant une certaine George (comme George Eliot, pense-t-elle). Le jour où elle va chercher George à la gare, elle découvre qu’il s’agit d’un homme. Celui-ci va faire preuve d’un réel instinct maternel à l’égard de l’enfant, et finira pas susciter la jalousie d’Edward, qui pressent l’amour naissant entre George et Anna.
Attirée par le titre de cet ouvrage (on ne se refait pas …), puis par la référence de l’éditeur à Virginia Woolf, je me suis jetée sur cette nouveauté des éditions Rivages, écrit par la française Stéphanie Hochet, dont je n’avais jamais rien lu jusqu’ici. Bien m’en a pris car j’ai été séduite par ce roman, son univers et son écriture.
L’auteur tisse ici un drame intime et familial, à l’ambiance feutrée et trouble. Servi par un style ample, élégant, délicat, ce récit d’une émancipation féminine m’a rappelée les écrits de Virginia Woolf (dont l’héroïne, Anna, semble être une sorte de double fictif ou une héritière) ou encore de DH Lawrence. La plume de Stéphanie Hochet est fluide et assurée. Elle décrit les humeurs, les sentiments, les désirs et la sensibilité de son héroïne avec un talent de fine psychologue.
Alors que la guerre est en train de frapper son pays, l’écrivain et intellectuelle Anna Whigh vit, à l’écart de la société, dans une petite bourgade du Wessex, auprès de Jack, son fils de 2 ans, et de son mari, un homme qui l’aime mais qui est surtout passionné par l’horlogerie, dont il a fait son métier. Anna aimerait plus que tout se remettre à l’écriture mais son petit garçon occupe toutes ses journées. Elle finit, après bien des efforts, à convaincre son mari de faire publier une petite annonce dans le
Times afin d’engager une garde d’enfants. Mais quelle n’est pas sa surprise, en voyant débarqué, sur le quai de la gare, non pas la jeune femme qu’elle attendait (et qu’elle fantasmait presque) mais un jeune homme frêle du nom de George. Déconcerté, elle se résout finalement à lui laisser sa chance. George se fait rapidement une place dans le cœur du petit Jack, en faisant preuve de patience, de tendresse et de beaucoup de douceur, des qualités dont manque son père, qui n’est pas toujours à l’aise avec lui.
Le jeune homme fera figure de catalyseur des émotions et des sentiments de l’héroïne. Après son passage, plus rien ne sera comme avant dans cette famille et dans le cœur et l’âme tourmentée d’Anna. George deviendra le fantasme de ses aspirations et un révélateur de sa personnalité. Il ne s’agit pas ici d’un roman d’amour au sens classique et conventionnel du terme mais d’un portrait saisissant et pudique d’une femme en mutation. Anna appartient à une famille lettrée mais bourgeoise, encore enfermée dans ses traditions et conventions victoriennes (famille qui rappelle, encore une fois, celle de Virginia). L’auteur met en scène avec finesse et parfois violence l’intériorité de son héroïne, à travers un flot de pensées (on pense évidemment au fameux «
stream of consciousness » de la littérature moderniste). Elle construit un récit accessible et d’une belle richesse narrative, porteur d’un non moins beau héritage culturel et littéraire.