Winter (Hiver) de Christopher Nicholson, un roman sur Thomas Hardy

La BBC si tu nous entends Vu qu'à chaque fois qu'on dit un truc comme ça y'a une annonce peu de temps après.

J'attends une annonce d'un moment à l'autre

A mon tour de dire tout le bien que je pense de "Hiver" de Christopher Nicholson. C'est un très beau roman qui évoque le crépuscule de la vie de Thomas Hardy et son rapport à la fiction.

Il y a une tonalité très mélancolique dans le roman, Thomas Hardy est un vieil homme qui s'interroge sur la trace qu'il va laisser après sa mort. Que reste-il d'un homme, d'un esprit quand celui-ci n'est plus ? Les instants de vie se perdent avec la disparition de ses protagonistes. Le roman interroge également son rapport à la fiction, au mélange entre la réalité et les romans. Thomas Hardy reste obsédé par Tess qui reste son héroïne favorite. Il la cherche dans les femmes réelles et semble totalement amourachée de son personnage fictionnel. Face à l'écrivain, Nicholson nous fait entendre les voix de deux femmes : Florence Hardy et Gertrude Bugler. Florence est la 2ème femme de l'écrivain, elle est beaucoup plus jeune que lui et se retrouve à ne faire que son travail de secrétariat. Gertrude est une jeune campagnarde qui va se retrouver à jouer Tess et dont Hardy va s'éprendre. La voix de Florence est vraiment déchirante. Elle voit son mari s'éloigner, elle se sent délaissée et déconsidérée.

Comme chez le romancier, la nature a une place importante dans le roman. Le Dorset est magnifié dans les pages de Nicholson. L'arbre de la propriété des Hardy joue un rôle essentiel dans l'histoire du couple et souligne bien la place de la nature pour Hardy.

"Hiver" est une très belle évocation de l'écrivain, de son oeuvre et de son rapport à la vieillesse et la mort.

Citation :

C'est un très beau roman qui évoque le crépuscule de la vie de Thomas Hardy et son rapport à la fiction.

En une phrase, tu as presque tout résumé !

Merci pour ce très bel avis, Titine ! Contente que ce roman t'ait autant séduite

Lu en français, et comme je n'ai jamais lu Thomas Hardy, j'ai de petites réserves...

Il me faut avouer que je n’ai jamais lu de roman de Thomas Hardy et que je n’ai que de vagues souvenirs de l’adaptation ciné de Tess d’Urberville. Ce n’était pas nécessaire, me semble-t-il, pour apprécier ce roman de Christopher Nicholson (déniché à la bibliothèque, ce bleu ensorcelant de Quai Voltaire allié à la thématique Hiver ne pouvait que m’attirer) mais j’aurais bien aimé lire la note du traducteur avant plutôt qu’à la fin du livre : l’épisode romancé ici, celui d’une mise en scène théâtrale de Tess et de l’attrait du vieux Thomas Hardy pour son interprète, au grand dam de sa seconde épouse, est rigoureusement conforme à la réalité. On comprend que le vieil homme s’est surtout consacré à son oeuvre, ses romans puis ses poèmes, à la maison du Dorset qu’il a lui-même construite et dont il n’est pas question de modifier quoi que ce soit, surtout pas les arbres, et qu’il s’est laissé égoïstement aimer par ses deux épouses dévouées. Dans cet hiver physique et symbolique à la fois, le personnage plein de fraîcheur de Gertrude Bugler, la jeune comédienne amateur pressentie pour jouer Tess, donne lui aussi une image très positive du romancier et les manoeuvres jalouses de Florence (la seconde épouse) n’écorneront pas vraiment celle-ci. Dans ce contexte pesant, on perçoit d’autant plus le piquant passionnel de la crise de paranoïa de Florence.

L’analyse minutieuse et subtile des relations au sein du couple Hardy, le regard du vieux romancier sur la création, sur son oeuvre passée (le roman se passe en 1924 alors que Thomas Hardy a publié son dernier roman en 1897), son rapport aux femmes en général, le lien entre l’oeuvre et la vie sont vraiment très bien rendus par Christopher Nicholson, qui ne manque pas d’humour caustique, mais il me faut avouer que je me suis ennuyée parfois, sans doute oppressée moi aussi par l’emprise de l’hiver et des arbres sur cette histoire parfois un peu longuette. (Remarquez que l’objectif est paradoxalement atteint…)

« Une brume immobile s’étaient levée de la terre humide et répandue comme un lac blanc sur les prés, et, à mesure qu’il descendait des hauteurs pour s’enfoncer dans cette fine couche vaporeuse, il vit disparaître ses pieds, ses jambes et sa taille alors que sa poitrine et sa tête demeuraient à la surface. Au bord de l’eau, les cimes des saules taillés en têtards surnageaient sur une étendue de néant, le soleil levant brillait de mille feux sur les particules dansantes, et les fils d’un millier de toiles d’araignées se balançaient et resplendissaient. Comment puis-je en toute conscience, se demanda-t-il, quitter ce paradis terrestre pour Londres ? » (p. 30)

Je joins mon avis élogieux aux vôtres, j'ai adoré ce roman et son ambiance si délicate et mélancolique.
S"inspirant de faits réels, Christopher Nicholson nous livre un très beau portrait de Thomas Hardy âgé et une belle réflexion sur ses écrits à travers cet épisode de mise en scène amateur de Tess au théâtre et la relation qu'entretient l'écrivain avec la jeune femme jouant le rôle titre.
Je trouve qu'à la lecture on ressent énormément l'ambiance et le style des romans de Thomas Hardy : la nature et la vie à la campagne y tienne une grande place, tout comme l'analyse des sentiments humains et plus particulièrement des regrets.
Le titre, Hiver, est très intéressant car il renvoie à beaucoup de choses : la saison bien sûr (l'intrigue du roman se déroule sur un hiver) mais aussi la vie (Thomas Hardy est âgé de 84 ans donc à l'hiver de sa vie), les sentiments (son mariage avec sa seconde épouse Florence est compliqué)...

Une très belle découverte, qui m'a donné envie de lire les romans de Thomas Hardy qu'il me reste à découvrir

Le roman sera réédité dans la collection Petit Quai Voltaire (chez la Table ronde) à la rentrée prochaine. Je serais curieuse de voir la couverture.

Ah oui, je suis curieuse aussi, même si je l'ai en VO.

Ce livre est dans ma PAL en VO depuis une éternité... J'adore Thomas Hardy pourtant! Bonne nouvelle que cette réédition.

Je suis outrée contre moi-même d'être passée à côté de cette info. J'adore Thomas Hardy, je n'en reviens pas de ne pas avoir entendu parler de ce livre (j'ai pas bien fait mes recherches ). Il va falloir que je le lise rapidement, il a l'air formidable!

Ah oui, vous pouvez y aller, les filles ! C'est vraiment un livre remarquable.
J'en aurais bien vu une adaptation d'ailleurs !

En tout cas il est dans ma WL, je dois passer une commande de romans VO bientôt donc je le prendrai surement à ce moment-là!

Excellente résolution, AnGee 

Winter raconte un épisode se déroulant au crépuscule de la vie de Thomas Hardy. Celui-ci a écrit une version pour le théâtre de Tess à une seule condition : que le personnage éponyme soit interprétée par Gertrude Bugler, une jeune femme dont il est sous le charme.

Winter n'est pas le récit d'une histoire d'amour un peu sordide entre un vieil homme et une jeune femme. C'est un livre sur la création, sur les fantasmes et sur les espoirs déçus. Thomas Hardy nous est présenté avant tout en tant qu'auteur. On le voit se mettre à son bureau tous les matins et attendre que l'inspiration vienne, parfois d'un mot, d'une phrase ou d'une personne. Il n'écrit plus que de la poésie tandis que l'ombre tutélaire de Shelley plane sur son oeuvre comme sur sa vie.
Il nous est montré avec ses petits travers comme par exemple le fait qu'il ne veuille pas assez le téléphone car on pourrait le mettre sur écoute
J'ai aussi beaucoup aimé tous les passages en rapport avec la création, l'importance de la fiction dans son oeuvre comme lorsqu'un lecteur veut absolument savoir à quelle espèce de papillon appartient l'un des spécimens décrit dans Retour au pays natal, alors qu'en fait Hardy l'a inventé. De même, quand Florence ne comprend pas que ce qu'il écrit dans ses poèmes n'a pas forcément un message caché.

Sa femme, Florence, nous livre ses pensées à la première personne dans des chapitres qui alternent avec ceux consacrés à l'auteur (qui sont rédigés à la 3e personne). C'est le personnage le plus difficile à apprécier, même si au final, j'ai beaucoup d'empathie pour elle. Elle se sent délaissée par Hardy (et ce n'est pas complètement faux) et se pose des questions sur son amour et c'est vrai que dire qu'il n'est pas expansif est presque un euphémisme à ce niveau-là. Mais, elle est aussi bloquée sur certaines obsessions (les arbres qui la rendent malade) et a quelque part la volonté de transformer Thomas Hardy en quelqu'un qu'il n'est pas. C'est un personnage complexe en proie à une grande solitude, ce qui la rend quand même attachante surtout quand quelques mots d'Hardy auraient suffi à la soulager.

Enfin, un 3e personnage, la jeune actrice, nous présente Hardy sous un autre jour mais évoque aussi sa propre expérience en tant qu'actrice et ses aspirations en tant que femme.

Au final, j'ai beaucoup aime cette oeuvre avec des moments très poétiques notamment sur la création littéraire qui nous donne évidemment envie d'en savoir plus sur Hardy et de lire ses livres.

Décidément, ce challenge t'aura permis de faire de bien belles découvertes !  
En plus d'offrir un hommage émouvant à Thomas Hardy, ce roman offre effectivement de très belles pages sur la création littéraire et la nostalgie. Je regrette qu'un bon metteur ne s'y soit pas intéressé, je suis sûre qu'une transposition au cinéma aurait pu être intéressante (un peu comme pour The Invisible woman).

Il m'avait donné envie de lire une biographie "sérieuse" de Thomas Hardy, ce que je n'ai toujours pas fait

C'est vrai que ça serait tellement bien une adaptation de ce roman