Rectify - Sundance Channel, saison 1

J'ai récemment vu une série qui sera très certainement ma préférée de l'année. Et je suis ravie d'apprendre qu'elle a été renouvelée pour une seconde saison de dix épisodes. Rectify m'a complétement bouleversée en seulement six épisodes. En dix minutes en réalité car j'ai été immédiatement conquise. Cette série magnifique s’attache à nous montrer le très lent retour à la vie d’un homme qui se préparait à la mort depuis presque deux décennies.

Daniel Holden a été arrêté à l’âge de dix-huit ans pour le viol et le meurtre de sa petite amie. Ayant avoué les faits il est jugé coupable et condamné à mort. Dix-neuf ans plus tard il est libéré car de nouvelles analyses ADN n’ont pas permis de le rattacher à la scène de crime. Presque miraculeusement Daniel rentre auprès de sa famille, même si la police locale et le sénateur sont convaincus de sa culpabilité. Vingt années enfermé dans une cellule de haute sécurité sans fenêtre. Une renaissance.


En quelques heures Daniel passe du confinement à une scène de repas familial. Un gouffre. Il faut reprendre des repères, découvrir, comprendre. La série prend son temps, veut montrer les difficultés et les craintes de son personnage principal. Dès les premières images de Rectify on nous donne à voir le contraste du regard qui est posé sur Daniel. De coupable, donc prisonnier soumis, à qui on a retiré tout droit à l’intimité et tout respect (tel le nouvel arrivant qui doit se dévêtir et montrer ses parties intimes à un gardien stoïque), Daniel passe en quelques secondes au statut d’homme considéré. Qui se voit proposer un soda, à qui on offre la décence de se changer sans être épié. Quelques analyses d'ADN et tout bascule.

Avec Daniel le spectateur expérimente le retour à la vie, des bonheurs simples, touchants, troublants. Le contact de l’herbe, du soleil sur la peau, le plaisir de sauter sur un matelas, de sentir les plumes d’un oreiller, et tant d’autres détails. Il y a aussi le retour à une normalité oubliée. Le droit d’utiliser un couteau pour manger, de se déplacer sans se justifier.  Bien sûr le monde a changé en dix-neuf années. Certains constats sont cocasses comme lorsque Daniel achète une bouteille étiquetée « smart water » dans une épicerie et qu’il demande au vendeur si cela fonctionne vraiment. Il y a des nouvelles musiques, une mode différente. L’acclimatation se fait progressivement. Daniel sort voir le monde, puis il a besoin  de se retrouver seul, et la nostalgie réconforte, il est plus facile de se travestir de vieux vêtements du père retrouvés et de se laisser bercer par de la musique des années 80 si familière.

Le plus compliqué est évidemment la confrontation avec les autres. La famille de Daniel a changé, ils posent sur lui un regard différent. Le père est mort, la mère s’est remariée avec un concessionnaire du coin. Ils ont eu un fils, Jared, qui a pris sa chambre d’adolescent. Daniel rencontre son demi-frère pour la première fois ainsi que le fils de ce nouveau beau-père. Ted a à peu près son âge et se sent menacé par l’idée que Daniel demande à intégrer le business familial. Ted est l’époux de Tawney, une jeune femme très pieuse, qui se sent immédiatement touchée par Daniel, son histoire, son aura. Dans le premier épisode on comprend que la famille a peu à peu rompu le contact avec le prisonnier. La mère a particulièrement du mal à communiquer et à reconnaître son adolescent sous les traits de cet homme. Seule la sœur, Amantha (un autre très beau personnage), a toujours cru en l’innocence de son frère. Avec l’aide d’un avocat, membre d’une association de défense des condamnés à mort, elle a lutté pour sa libération. Au fil des ans les deux se sont rapprochés même s’ils craignent que leur relation puisse desservir le combat judiciaire de Daniel et qu'il faut donc la cacher, donc la gâcher. Pour Amantha, qui a été la seule à y croire, cette victoire est une source de joie réelle, qui la pousse à revenir dans une petite ville qu’elle avait désertée. Excitée de retrouver Daniel elle sent aussi son trouble et essaie de lui laisser l’espace nécessaire pour qu’il s’habitue et se sente bien. Elle est celle qui accepte peut-être le mieux, avec Jared, l'identité trouble de Daniel, qu'il soit un homme changé, au comportement étrange du fait de sa marginalisation.

Le spectateur doit assimiler de nombreuses informations offertes au compte-goutte. La situation de Daniel, son processus de socialisation, l’identité de chaque membre de la famille, les doutes qui persistent, et surtout il en apprend un peu sur l’enfermement du personnage. Son quotidien dans sa cellule vu à travers plusieurs flash-back ou monologues : la solitude, la lecture, la méditation, les quelques échanges avec d’autres prisonniers, mais surtout la violence. Lorsque la caméra suit Daniel, silencieux, curieux et craintif de ce qu’il perçoit, il semble apaisé. Il y a quelque chose de l’ordre de la grâce. Mais parfois, l’espace de quelques minutes, on doute. Une véritable violence sous-jacente semble perceptible. Est-ce la violence de l’incarcération ? Quelque chose de plus profond ? Et les questions fusent. Que s’est-il réellement passé avec sa petite amie ? Pourquoi a-t-il avoué ce crime ? Peut-il être coupable malgré tout ? Le mystère plane d’autant plus que des indices parallèles nous laissent deviner que d’autres individus semblent porter aussi le poids de la culpabilité. On découvre que lors de la nuit du meurtre Daniel était avec deux autres jeunes garçons. Tandis que Daniel retrouve le goût de la vie, le spectateur sait que les autorités locales font tout pour le condamner à nouveau, ce qui nous plonge dans un thriller authentique.


Chaque épisode est très émouvant, fascinant et étonnant. La rédemption ne sera pas facile, est-elle même possible? Hâte en tout cas de retrouver tous ces personnages pour une seconde saison qui nous en apprendra sans doute plus sur l'enquête. Découvrez vite cette série ou rien n'est n'est blanc ou noir, où les sentiments complexes sont filmés avec une grande sensibilité. Le créateur et réalisateur de la série Ray McKinnon n'a même pas besoin de rendre son sujet polémique. Il n'y a pas de dénonciation directe du système pénitentiaire ou judiciaire américain, et pourtant tout est dit.

Avez-vous entendu parler de cette nouvelle série?