The Lifted Veil, une courte nouvelle de George Eliot

A ma grande surprise, George Eliot n'a pas écrit que des pavés de 600 pages, mais aussi des nouvelles ! The Lifted Veil raconte en quelques pages la vie de Latimer, un second fils malheureux, moins beau, moins sportif, moins intelligent que son frère aîné. Alors qu'il est dans un collège en Suisse, il est touché par une maladie, à la suite de laquelle son père et son frère viennent le rejoindre pour le soigner. Il subit alors deux flashs de préscience : l'arrivée d'une jeune fille, Bertha, quelques minutes avant son arrivée effective ; et une vision de Prague, une ville qu'il ne connait et n'a jamais vue.
Bien sûr, il tombe amoureux de Bertha ; bien sûr, Bertha flirte outrageusement avec lui, mais se fiancie avec son frère. Et lorsqu'un nouveau flash apparait, le montrant en couple malheureux avec elle, il ne sait plus du tout quoi en penser...

Je ne sais pas trop quoi penser de cette nouvelle. Je ne peux pas dire que je l'ai vraiment aimée. Sur le moment, je la trouvais de la bonne longueur, et en y réfléchissant pour écrire ce billet, je me demande si elle ne me laisse pas sur la langue un goût d'inachevé. Les personnages, Bertha et Latimer, sont à peine esquissés, des "types" derrière lesquels on devine qu'Eliot voyait des être infiniment plus profonds.

Les thèmes abordés, sont passionants. Cette intrusion du fantastique chez une auteur qui montre surtout sa très grande rationalité, est bien abordée : au début, Latimer refuse de croire à son don. Il faut qu'il retrouve sur l'ombre d'un trottoir de Prague la même ombre qu'il avait devinée dans son imagination pour qu'il se laisse convaincre. Mais qu'est-ce qu'une ombre, quel genre de preuve est-ce là ? Il finit par l'utiliser comme une force, avant de se rendre compte que connaître l'avenir apporte une immense angoisse. Quand le récit commence, Latimer sait qu'il ne lui reste qu'un mois à vivre, qu'une crise cardiaque va le foudroyer et que personne ne viendra à son secours.

Comme dans beaucoup de romans que j'ai aimés (Lolita par exemple), cette nouvelle porte la question du narrateur qui nous manipule. Tout nous est raconté à travers ses yeux. A-t-il vraiment eu ce talent de préscience ? Et qui est vraiment Bertha ? Elle nous est présentée comme un charmant serpent, séduisante et mauvaise, adorée puis détestée de Latimer. Mais cet avis semble si peu partagé par le monde autour de lui, que le texte lui-même est construit comme une justification vis à vis du monde de la conduite que l'homme a eu à l'égard de sa femme.
Comme toujours avec Eliot, c'est hyper intéressant et riche intellectuellement. Mais ce n'est pas non plus un texte qui se dévore.

Cette nouvelle m'intrigue! Tu sais si elle a été publiée en français?

Je ne sais pas du tout ...

Apparemment, il n'est pas traduit.

J'ai pu lire ce livre finalement dans une version française malheureusement plus éditée...
Je ne peux pas dire que j'ai franchement aimé... J'ai l'impression qu'il manque quelque chose...
Sinon, le thème est intéressant et c'est bien écrit. Le doute est instillé de façon subtile.
Comme tu le dis, Akina, ce texte pose la question de la manipulation du lecteur par le narrateur.

Merci pour vos avis, les filles. Ce texte m'intrigue, j'essaierai de le lire un de ces jours

Miss Virginia a écrit:

J'ai l'impression qu'il manque quelque chose...

Pareil. Je me demande s'il n'est pas trop court. Mais s'il était plus long, il serait franchement ennuyeux.
Je pense que les personnages manquent un peu de corps, d'épaisseur.

@Akina:je suis d'accord! Les personnages manquent d'épaisseur.