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 La prisonnière des Sargasses - Jean Rhys

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MessageSujet: La prisonnière des Sargasses - Jean Rhys   La prisonnière des Sargasses - Jean Rhys Icon_minitimeJeu 4 Nov - 12:43

Voici le topic où nous pourrons parler du troisième titre de notre lecture de groupe :

La prisonnière des Sargasses - Jean Rhys


La prisonnière des Sargasses - Jean Rhys La_pri10

Un petit résumé de l'édition que je possède (et oui pas de résumé "maison", car je ne l'ai pas encore lu Embarassed ) :

Gallimard a écrit:
La créole Antoinette Cosway raconte son enfance au domaine Coulibri, à la Jamaïque. Entre l'indifférence de sa mère et les révoltes des esclaves, son destin bascule : elle est envoyée dans un couvent qu'elle quittera à l'âge de dix-sept ans pour se voir épouser un Anglais, distant, égoïste et arrogant. Poussée par la haine qu'il lui porte, elle sombrera dans l'alcoolisme et la folie meurtrière.

Quelques questions concernant votre lecture :

Qu'avez-vous pensé du personnage d'Antoinette alias Bertha ? Est-ce qu'elle correspond à l'image que vous aviez d'elle par votre lecture de Jane Eyre ? Etes-vous maintenant plus enclins à avoir pitié de Rochester ou au contraire le jugez-vous plus sévèrement ?
Après avoir lu ce roman, êtes-vous tentés par les adaptations de celui-ci ?
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MessageSujet: Re: La prisonnière des Sargasses - Jean Rhys   La prisonnière des Sargasses - Jean Rhys Icon_minitimeMer 10 Nov - 13:57

Lecture toujours en cours de mon côté, mais je reviendrai poster mes impressions finales. Wink

Je dois dire qu'à ma grande surprise, pour le moment, j'aime beaucoup ce que j'ai lu - j'avais lu des avis plutôt mitigés sur ce roman. C'est vraiment très bien écrit -Jean Rhys a une voix singulière et intéressante. La Prisonnière des Sargasses est un livre digne d'intérêt dans la mesure où il peut être considéré comme une réécriture de Jane Eyre d'un point de vue différent, mais il peut aussi se lire indépendamment de cette grande oeuvre et susciter malgré tout la curiosité.

La vie dans les îles, l'histoire personnelle d'Antoinette Mason que son mari finira par appeler Berthe est extrêmement douloureuse. Son père meurt ; sa mère ne l'aime pas et lui préfère son fils, à moitié idiot ; elle se remarie, mais la maison familiale est incendiée par les habitants de l'île, et le frère d'Antoinette meurt. C'est pour cette raison que la mère devient folle. Eduquée (si on peut dire) dans un couvent, Antoinette, qui pense n'avoir d'autre choix que mourir, finit par se résigner à épouser un Anglais qui se marie avec elle essentiellement pour son argent. Elle en tombe amoureuse, croit à une possibilité de bonheur qui lui échappe malheureusement d'entre les mains.

Le racisme, le colonialisme, la condition féminine sont des points abordés en filigrane dans le roman. Jean Rhys se situe comme une héritière de ces femmes écrivains qui ont réussi à mettre en mot le malaise d'une condition inconfortable quand ce sont les hommes qui ont presque tous les droits, et les femmes quasiment aucun.

Antoinette peine à se définir par rapport à ses origines, par rapport à sa famille, à sa condition de femme et d'épouse.

Elle ne devient pas folle à cause de son hérédité (c'est du moins mon avis), mais à cause de son passé douloureux que les autres déforment, à cause de sa singularité, aussi, qui fait que les autres (les habitants de l'île, et surtout son époux) veulent qu'elle soit autre, veulent au sens propre l'aliéner : c'est alors qu'elle se rebelle, se met à boire et sombre dans la folie.

Certains commentateurs lui prêtent le même caractère qu'à Jane Eyre, à cause de la révolte constitutive des deux personnages. Jeu de miroir intéressant, mais à mon avis, les deux femmes sont quand même différentes : Antoinette est belle, comme sa mère, mais cette beauté fait son malheur, parce qu'elle est jalousée, et que son mari ne fait que la désirer physiquement. De plus, elle a le caractère propre aux habitants de son île, un mélange d'indolence et de défaitisme parfois, même si elle peut faire preuve de beaucoup de caractère. De plus, elle est intelligente, mais ne voit pas l'éducation, contrairement à Jane Eyre, comme une planche de salut. Sa richesse économique l'oppose également à ce personnage - sachant que cette richesse, en suscitant les convoitises, fera également son malheur.

Dans la deuxième partie, Jean Rhys fait s'exprimer "Rochester" - en réalité, je crois qu'il n'est pas nommé. C'est très troublant, parce qu'on retrouve des éléments de Jane Eyre, et on se rend compte qu'il veut bien faire, mais qu'il est incapable de comprendre sa femme, qu'il considère comme une étrangère, ou de l'aimer et d'avoir de l'affection pour elle. Quand les mauvaises langues lui révèlent le passé de sa femme, on a l'impression qu'il est trop heureux de trouver d'excellents prétextes pour repousser Antoinette, qu'il maltraite physiquement et moralement en ayant une aventure avec la servante noire alors que son épouse est dans la pièce d'à côté. Il décide également d'appeler cette dernière Bertha, depuis qu'il a appris que la mère de son épouse, devenue folle et régulièrement violée par son garde-malade, s'appelait ainsi.

Le texte est volontairement ambigu : Jean Rhys ne tranche pas en faveur d'Antoinette ou de son époux, mais lorsqu'il s'exprime, on a l'impression d'avoir affaire à quelqu'un de borné.

Un personnage secondaire joue un rôle très important dans l'appréciation qu'on peut avoir du mari : Philippine, la nounou d'Antoinette, la seule à être affectueuse avec elle et à lui venir quelque peu en aide. Elle est d'origine jamaïcaine si je me souviens bien, donc différente des autres habitants de l'île qui la considèrent comme une sorcière et redoutent ses pouvoirs magiques. Elle est souvent jugée antipathique par les autres protagonistes, elle est également recherchée par la police, mais Antoinette a confiance en elle, et Philippine essaiera de l'aider. Il y a une scène où Philippine dit ses quatre vérités à "Rochester", et malheureusement pour lui, ça sonne juste. Le mari d'Antoinette devient clairement antipathique sous nos yeux ; les circonstances vont l'amener à déclarer sa femme folle pour la spolier de son argent, mais en réalité, c'est lui qui l'a rendue telle qu'elle est en ne l'aimant pas, en refusant de la comprendre et de l'aider.

J'ai vu que le roman avait été adapté à plusieurs reprises, au cinéma et à la télévision, et j'avoue qu'après lecture du livre, j'ai davantage envie de les voir, même si certaines scènes doivent être assez dures.

En tout cas, c'est un livre magistral, un complément utile à la lecture de Jane Eyre. Je me refuse à identifier complètement les deux Rochester pour le moment, mais j'avoue qu'il y a des faits troublants... Particulièrement dans le fait qu'il a des appétits bien terrestres pour les femmes, et qu'il torture son épouse à petit feu. Mais pour l'instant, il m'apparaît comme un caractère moins fort que le "Rochester" de Charlotte Brontë : plutôt comme un pauvre type assez méprisable, en fait.

Beau roman sur l'identité féminine, en tout cas, écrit dans un style original et poignant. Les descriptions de l'île et des grandes demeures où vivent les personnages sont très évocatrices. La prisonnière des Sargasses - Jean Rhys 312935

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MessageSujet: Re: La prisonnière des Sargasses - Jean Rhys   La prisonnière des Sargasses - Jean Rhys Icon_minitimeMer 10 Nov - 19:06

Moi aussi, j'avais lu un nombre incalculable de critiques négatives sur ce livre. Et du coup, bien qu'il m'intéressait fortement, je ne me suis jamais laissée aller à l'acheter. Mais, à te lire, je dois dire que j'aurais quand même bien envie de lui laisser sa chance. Je vais attendre d'autres critiques dans ce sujet pour prendre une décision définitive. Mais ma curiosité est piquée donc bon...
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MessageSujet: Re: La prisonnière des Sargasses - Jean Rhys   La prisonnière des Sargasses - Jean Rhys Icon_minitimeMer 10 Nov - 19:27

Je n'ai pas encore lu ce livre, mais ce n'est pas l'envie qui me manque. Je pense qu'il faut faire attention aux critiques négatives. Beaucoup de lecteurs acceptent très mal qu'on touche à Jane Eyre, et en particulier à Rochester. De ce que j'ai pu lire à droite et à gauche, c'est une des meilleures réécritures qui existent. Cette œuvre est également étudiée à l'université, ce qui est tout de même un gage de reconnaissance et de qualité (même si on n'est pas obligé d'aimer tout ce qui est étudié à l'université). Ce que je veux dire par là, c'est que très peu de réécritures passent à la postérité. C'est donc une bonne preuve de sa qualité littéraire.
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MessageSujet: Re: La prisonnière des Sargasses - Jean Rhys   La prisonnière des Sargasses - Jean Rhys Icon_minitimeJeu 11 Nov - 12:23

J'avoue que lire des critiques négatives sur un roman, même si celui-ci m'attire, de prime abord, me fait souvent reculer et différer (parfois de longtemps) son achat ou encore le moment de le lire. J'avoue qu'en effet, ce côté-là, je suis affreusement influençable (comme je suis affreusement influençable quand je lis plusieurs critiques très élogieuses d'un livre). Il faut savoir qu'il n'y a qu'une très petite part de risque et de découverte spontanée dans mes achats livresques, très peu de place au hasard. Mais ton post, Damien, achève de me convaincre un peu plus de me le procurer dès que possible.
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MessageSujet: Re: La prisonnière des Sargasses - Jean Rhys   La prisonnière des Sargasses - Jean Rhys Icon_minitimeDim 14 Nov - 20:30

Je l'ai fini ce soir après une interruption forcée de plusieurs jours - il ne me restait pas grand chose à finir, en fait : la fin de la deuxième partie, racontée par Rochester, et la troisième partie, racontée du point de vue d'Antoinetta Bertha Mason.

Dans cette toute fin de deuxième partie, curieusement, Rochester m'est apparu beaucoup plus humain, beaucoup plus émouvant que précédemment, et beaucoup plus proche du personnage décrit par Charlotte Brontë. Il est profondément troublé par ce qui lui arrive, au bord de la folie à cause de ce pays au climat étouffant, malade de la maladie et de la folie de sa femme. Il a l'intuition qu'il commet peut-être une gigantesque erreur, mais c'est la haine qui l'emporte - Antoinette a définitivement basculé de l'autre côté : elle boît, elle se donne à d'autres hommes et a des accès de folie. Cette partie du texte est extrêmement belle et lyrique, dans sa description de la région ; elle a quelque chose de poétique (j'ai beaucoup songé à certains vers de Saint-John Perse en la lisant, en particulier dans l'évocation des éléments : le vent, l'eau et le feu).

Le retour en Angleterre semble inévitable, la seule porte de salut pour Rochester, et la troisième partie, où l'on entend de nouveau la voix d'Antoinetta Mason, se déroule vraisemblablement à Thornfield Hall. Antoinette devient une autre femme, l'ombre d'elle-même ; elle souffre de confusion mentale, avec de rares périodes de lucidité. Sa logique n'est plus celle du commun des mortels, et elle profite des absences de Grace Poole (qui s'adonne, comme on le sait, à la boisson) pour rôder la nuit dans le manoir. Elle agresse également Richard Mason, mais ne conserve aucun souvenir de l'incident. Dans un rêve, elle comprend ce qu'elle doit faire : mettre le feu à la propriété. C'est en accomplissant ce suicide qu'Antoinette pourra se libérer des autres et d'elle-même.

Une belle lecture, l'un de mes coups de coeur de l'année 2010. La prisonnière des Sargasses - Jean Rhys 312935

Je n'aurais certainement pas eu le courage de lire ce livre sans cette lecture de groupe, aussi je remerci Damien et Resmiranda de l'avoir organisée. Very Happy

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MessageSujet: Re: La prisonnière des Sargasses - Jean Rhys   La prisonnière des Sargasses - Jean Rhys Icon_minitimeDim 14 Nov - 21:04

Popila a écrit:
Une belle lecture, l'un de mes coups de coeur de l'année 2010. La prisonnière des Sargasses - Jean Rhys 312935

Je n'aurais certainement pas eu le courage de lire ce livre sans cette lecture de groupe, aussi je remerci Damien et Resmiranda de l'avoir organisée. Very Happy

Je suis content que tu dises ça. Il faut que je m'y mette. J'ai survolé ta critique pour découvrir tout seul le roman. J'ai hâte d'en parler avec toi, et les autres.
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MessageSujet: Re: La prisonnière des Sargasses - Jean Rhys   La prisonnière des Sargasses - Jean Rhys Icon_minitimeMer 17 Nov - 20:28

J'ai trouvé que ce livre était bien écrit, en revanche, il faut être bien concentré car le récit mêle deux voix narratives, celle d'Antoinette et celle de son mari.
J'ai trouvé intéressant le fait de traiter le sujet de Berthe, et de la mettre au premier plan. Son personnage est un peu difficile à cerner pour moi, je n'arrive pas à déterminer si sa folie était inéluctable ou si c'est son mariage et l'absence d'amour reçu qui lui font perdre l'esprit. Et puis, il y a beaucoup de choses qui restent un peu floues pour moi : les allégations de Daniel sont-elles vraies? Quelle est sa véritable relation avec Sandi?

En ce qui concerne le personnage du mari, je le trouve un peu inconsistant. Parfois, j'ai eu l'impression qu'il n'était pas acteur mais se laissait porter par les événements. La façon dont il est dépeint me semble très éloignée du Rochester de Jane Eyre, ici, il semble être un être malveillant, égoïste, vénal, uniquement mû par un désir physique qui s'éteint une fois satisfait. Le fait qu'il nomme sa femme d'un autre prénom que le sien est aussi étrange, cela montre qu'il dénie son identité véritable.

J'ai bien aimé les descriptions du paysages qui apparaissent dans le roman, même si l'ambiance est assez étouffante, comme si l'action se déroulait dans une chaleur tropicale.

Sinon, les parallèles avec Jane Eyre sont intéressants, j'ai bien aimé la troisième partie qui montre ce qui se passe dans la tête d'Antoinette lorsqu'elle met le feu à la demeure de Rochester et meurt. L'auteur suggère que cet incendie n'est pas un accident, mais un suicide qui permet à Antoinette de se libérer des autres mais aussi d'elle-même.


Dernière édition par Miss Virginia le Ven 19 Nov - 12:57, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: La prisonnière des Sargasses - Jean Rhys   La prisonnière des Sargasses - Jean Rhys Icon_minitimeMer 17 Nov - 20:41

Miss Virginia a écrit:
Son personnage est un peu difficile à cerner pour moi, je n'arrive pas à déterminer si sa folie était inéluctable ou si c'est son mariage et l'absence d'amour reçu qui lui fait perdre l'esprit. Et puis, il y a beaucoup de choses qui restent un peu floues pour moi : les allégations de Daniel sont-elles vraies? Quelle est sa véritable relation avec Sandi ?
Oui, c'est très difficile à cerner ; au début, quand je n'avais pas fini le livre, j'ai dit que l'attitude de son mari et le passé d'Antoinette expliquaient sa folie, que l'hérédité n'avait rien à voir là-dedans, mais en achevant le roman, je n'en étais plus si sûre.

Les allégations de Daniel, je les prends avec des pincettes : c'est un sale type, et "Rochester" le sait très bien. Mais dans la 3ème partie, on peut déduire de ce que raconte Antoinetta qu'elle a eu une liaison avec Sandy une fois sa folie déclarée et qu'elle n'était plus responsable de ses actes. Comme si le fait que certains aient pu subodorer qu'elle était amoureuse de son cousin avait entraîné le passage à l'acte. Les ragots, les paroles prononcées par les habitants de l'île feront beaucoup de mal à Antoinette, ils ont une part de responsabilité dans ce qui lui arrive.

Citation :
En ce qui concerne le personnage du mari, je le trouve un peu inconsistant. Parfois, j'ai eu l'impression qu'il n'était pas acteur mais se laissait porter par les événements. La façon dont il est dépeint me semble très éloignée du Rochester de Jane Eyre, ici, il semble être un être malveillant, égoïste, vénal, uniquement mû par un désir physique qui s'éteint une fois satisfait. Le fait qu'il nomme sa femme d'un autre prénom que le sien est aussi étrange, cela montre qu'il dénie son identité véritable.
Cela me ressure que tu le vois ainsi, toi aussi ; j'ai toujours peur d'être partiale en ce qui le concerne, et par conséquent de refuser l'identification entre les "Rochester" si différents des deux auteurs.

Citation :
J'ai bien aimé les descriptions du paysages qui apparaissent dans le roman, même si l'ambiance est assez étouffante, comme si l'action se déroulait dans une chaleur tropicale.
Oui, c'est exactement ça, une atmosphère de chaleur tropicale.

Citation :
J'ai bien aimé la troisième partie qui montre ce qui se passe dans la tête d'Antoinette lorsqu'elle met le feu à la demeure de Rochester et meurt.
C'est très bien fait, l'auteur a réussi son pari. Wink

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MessageSujet: Re: La prisonnière des Sargasses - Jean Rhys   La prisonnière des Sargasses - Jean Rhys Icon_minitimeMar 7 Déc - 16:59

Je n'ai pas lu vos avis pour le moment. Je suis en plein dans ma lecture du roman. J'ai lu la moitié, je pense. J'aime beaucoup. Pour moi ce livre est excellent pour lui-même. Pour le moment je ne vois pas encore tout à fait les liens qu'il entretient avec Jane Eyre (même si je les perçois). Cela ne m'empêche pas de lui reconnaitre de l'intérêt. J'espère vous rejoindre bientôt pour échanger nos impressions.
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MessageSujet: Re: La prisonnière des Sargasses - Jean Rhys   La prisonnière des Sargasses - Jean Rhys Icon_minitimeDim 12 Déc - 14:25

Shame on me Embarassed , ça fait déjà plusieurs jours que j'ai terminé le roman, mais je n'ai pas encore pris le temps de venir vous donner mon avis.

C'est un roman très particulier, je ne peux pas dire que j'ai aimé, comme je ne peux pas dire que je n'ai pas aimé. En fait, j'ai trouvé ce roman assez hypnotique avec une ambiance très particulière. Je ne sais pas si ce que je vais dire aura du sens pour vous, mais j'ai souvent eu l'impression d'être plongée dans le délire fièvreux de quelqu'un d'autre. Vous savez, cet état particulier lorsque l'on a de la fièvre où l'on ne sait pas dire si nos souvenirs de ces moments sont de véritables souvenirs ou si on les as juste rêvés. C'est un peu ce que j'ai ressenti avec ce roman. Comment démêler le vrai du faux, comment savoir quand Antoinette sombre dans la folie? Avant ou après cette nuit fatidique où elle est trompée par son mari ?

C'est étrange parce qu'on peut très bien lire ce roman sans avoir lu Jane Eyre (d'ailleurs on peut facilement se distancer de l'image que l'on a du Rochester du roman de Charlotte car ici son nom n'est jamais explicitement cité) et en même temps connaitre Jane Eyre aide à s'y retrouver. Surtout pour la troisième partie.

J'ai bien aimé la description des chocs des cultures entre les deux époux. Antoinette ne comprend pas son mari et lui-même est plongé dans un univers qu'il ne peut pas comprendre. On a l'impression que l'atmosphère étouffante, les ragots, les moqueries de ses employés et voisins l'empêchent de penser clairement, de se faire une opinion nette sur l'état de son épouse. On a l'impression qu'il croit ce qu'il a envie de croire. Il se rend compte qu'il a épousé Antoinette trop vite et j'ai eu le sentiment qu'il se laisse facilement persuadé de sa folie pour trouver un moyen "honorable" de sortir de ce mariage. Pourtant même le lecteur doute de l'état mental d'Antoinette, entre autres à cause de Sandy. Rochester s'il n'est pas le déclencheur de sa folie ne l'aide certainement pas en l'éloignant de ses racines, en la privant de son identité, d'amour et en brisant sa confiance en la trompant.

Mais l'atmosphère étouffante, la structure du récit ne permet jamais de se faire une réelle opinion sur Antoinette. J'ai bien aimé le dénouement, cette façon d'expliquer comment Antoinette trouve une façon de "s'en sortir" en transformant ses pulsions incendiaires en suicide. D'ailleurs toute sa vie est marquée par la chaleur et le feu.

S'il faut faire un parallèle entre Antoinette et le personnage de Jane Eyre, je dirais qu'il faut se pencher sur leurs années de jeunesse : elles ont toutes les deux été repoussées par leurs figures maternelles respectives (Antoinette a perdu sa mère qui sombrait dans la folie et d'une certaine manière rejetée par sa tante qui ne le recueille pas; Jane a également perdu sa mère et est totalement repoussée par sa tante), envoyées dans des institutions aux conditions difficiles même si différentes. Je crois que les comparaisons s'arrêtent là car si ces deux personnages sont des femmes passionnées, l'une se laire gouverner complétement par sa passion tandis que l'autre parvient à maitriser sa passion grâce à son instruction, son intelligence et sa force de caractère. En fait même si on peut faire quelques comparaisons entre ces deux femmes, elles sont aussi différentes que le climat de leurs pays respectifs.

C'est un roman qui ne manque certainement pas d'intérêt en tous cas, et même si cela n'a pas été un véritable coup de coeur pour moi, je suis contente de l'avoir découvert Very Happy
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MessageSujet: Re: La prisonnière des Sargasses - Jean Rhys   La prisonnière des Sargasses - Jean Rhys Icon_minitimeDim 12 Déc - 15:54

Je vous rejoins sur le fait que le roman peut-être lu pour lui-même, et qu'il est d'une très grande richesse. C'est sans doute ce qui explique son succès. Le lien qu'il entretient avec Jane Eyre est passionnant, et pourtant Jean Rhys a créé une œuvre originale et très personnelle. J'ai eu un peu de mal à entrer dans le roman. Le début est plutôt déroutant, sans que je ne sache expliquer les raisons. La scène de l'attaque de Coulibri est cependant magistrale, et c'est elle qui m'a fait apprécié le livre. A partir de cette scène extrêmement violente, et extrêmement complexe (Qui est victime ? Qui est responsable de cette violence ?) que je n'ai pu lâcher ce récit passionnant. J'ai beaucoup apprécié le style, les choix de narration (les nombreuses voix par exemple), et l'identité créole. Une excellente découverte.

@ Resmiranda. Je suis tout à fait d'accord avec ton ressenti sur l'atmosphère étouffante et hypnotisante du roman. Où commence la folie ? Quelle est sa véritable origine. L'utilisation des différents points de vue est très intéressante parce qu'elle provoque une lecture ambiguë des évènements et des personnages. Où est la vérité ? Qui vampirise qui ?

@ Virginia et Popila. Je n'ai pas été gêné par ce "Rochester". C'est d'ailleurs très intéressant qu'on n'est jamais son nom. En est-il privé ? Est-ce une punition de la part de la romancière ? Est-ce parce qu'il n'est pas encore le héros mythique qu'il va devenir par la suite ? De même que Jane Eyre n'est jamais mentionnée. "Rocherster" est encore très jeune dans ce roman. Il est effectivement palot, plutôt faible, mais c'est un peu l'image que j'ai de la jeunesse de ce personnage chez Charlotte Brontë. C'est son retour en Angleterre, ses différentes maitresses, et surtout Céline de Varens qui vont profondément le transformer. Qu'en pensez-vous ? Je trouve donc que la peinture d'un jeune homme faible, manipulé, et attiré par le physique de sa femme, est plutôt fidèle au roman original.

Je trouve tout à fait passionnant que Jean Rhys ait donné une voix à la "folle" de Jane Eyre. Les rapports complexes qui existent entre Antoinette et son mari sont à l'image, des liens entre La Prisonnière des Sargasses et Jane Eyre, et plus encore les échanges entre la culture anglaise et la culture des Caraïbes. On perçoit un mélange de violence et d'attirance. A l'image du peuple noir qui tente de s'affranchir des colons, et de trouver une nouvelle indépendance, Jean Rhys joue avec un classique pour trouver sa propre voix. Pourtant ce combat est difficile, du moins pour Antoinette et pour les anciens esclaves.
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MessageSujet: Re: La prisonnière des Sargasses - Jean Rhys   La prisonnière des Sargasses - Jean Rhys Icon_minitimeSam 18 Déc - 16:44

J'ai lu le roman pratiquement d'une seule traite, mais je ne peux pas vraiment dire que j'ai aimé. Je n'ai pas detesté et je ne me suis pas ennuyée c'est certain, mais je ressors avec une sensation de malaise assez étrange.
Pour moi c'est un roman étouffant, l'atmosphère des îles, la chaleur, la solitude relative de Antoinette et de sa mère, le fait que ni l'une ni l'autre ne trouve vraiment sa place où que ce soit, et que les erreurs des hommes sont telles que la fille n'échappera pas au destin de sa mère.
Je comprends très bien de quoi parle Resmiranda quand elle parle de délire fièvreux Smile
Du coup je sympathise un peu plus avec celle que je connaissais comme The Woman in the Attic et un peu moins avec Rochester. Je suis sortie du roman avec la conclusion que s'il avait essayé de comprendre un peu mieux la culture de sa femme, les choses ne seraient peut être pas allée aussi loin. Cependant je ne lui fais pas vraiment de reproche et je comprends très bien ses circonstances personelles
Ceci dit, comme d'autres l'ont dit avant moi, on peut parfaitement détacher ce roman de Jane Eyre et du fait que le nom de Rochester n'est jamais écrit, je ne crois pas que cette lecture changera de façon profonde mes possibles relecture de Jane Eyre Smile
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MessageSujet: Re: La prisonnière des Sargasses - Jean Rhys   La prisonnière des Sargasses - Jean Rhys Icon_minitimeDim 19 Déc - 10:32

Je vous rejoins sur l'ambiance hypnotique et particulière de ce roman. Wink

Même s'il peut être lu indépendamment de Jane Eyre, je pense comme Bagatelle que ce roman peut modifier les perspectives lors d'une relecture du roman de Charlotte Brontë.

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MessageSujet: Re: La prisonnière des Sargasses - Jean Rhys   La prisonnière des Sargasses - Jean Rhys Icon_minitimeDim 19 Déc - 13:47

J’ai également été happée par ce roman, hypnotique il est vrai Shocked study (j’ai failli manquer plusieurs fois mon arrêt de bus à cause de ce livre, ce qui ne m’arrive jamais ! lol! )
L’ambiance est comme vous l’avez dit oppressante, on ressent l’atmosphère humide et chaude qui rend l'environnement étouffant, monde dans lequel tous les sentiments et expressions semblent exacerbés.


Qu'avez-vous pensé du personnage d'Antoinette alias Bertha ?

On la sent prise entre son histoire familiale, l'ambiance de toute la région. Pas de doute qu'elle a été marquée profondément par Colibri et sa destruction, son frère, sa mère qui devient folle (là encore, ne serait-ce pas par l'ensemble de ce qui lui arrive et qu'elle sombre dans la folie pour échapper au réel ?), la haine contre sa famille, la solitude, etc.
Dans le mariage, elle ne trouve pas non plus le bonheur : Rochester la désire, mais ne l'aime pas... Rochester écoute les ragots plutôt que de parler avec elle, de l'écouter, de lui laisser une chance de lui expliquer les horreurs de son passé... D'ailleurs, il renie son identité en l'appelant "Bertha". Comme si également c'était Rochester qui créait ce qu'Antoinette va devenir, la Bertha qu'on retrouve dans le roman de Brontë, que Jean Rhys rendait ainsi Rochester responsable de la naissance de la folle en Antoinette. Ce thème de l'identité est très intéressant dans ce roman : car parallèlement, Rochester n'a pas de nom, il n'est pas cité une seule fois, comme si l'auteur lui niait son identité et ne voulait le présenter comme l'époux d'Antoinette. En fait, j'ai eu l'impression que c'était l'histoire de personnages qui n'arrivaient pas à s'écouter et communiquer, par leur refus de considérer l'autre et la culture de l'autre, par leurs situations respectives qui ne les mettent pas dans de bonnes dispositions l'un envers l'autre (mariage forcé avec une femme qu'il n'a pas vraiment choisi), et qui ne voient jamais vraiment qui ils sont au fond d'eux-même, une sorte de rencontre ratée.

Sa folie est aussi difficile à appréhender. Parce qu'on alterne entre les voix de Rochester et Antoinette, il est difficile de savoir si Antoinette est réellement folle, ou si elle est instable et fragile par tous les événements qui ont marqué son enfance et adolescence et que son mari qui la délaisse puis l'enferme, "l'interne" à Thornfield la fond décrocher de la réalité et s'enfermer dans un monde à elle qui lui permet d'échapper aux souffrances du réel... pale


Est-ce qu'elle correspond à l'image que vous aviez d'elle par votre lecture de Jane Eyre ?

Non, car il est vrai que nous ne voyons dans Jane Eyre que la première épouse folle de Rochesterla folle du grenier de Thornfield. On ne connaît rien de son histoire (sinon son mariage arrangé avec Rochester). Dans ce roman, on découvre qui elle est vraiment, son enfance, son histoire, ce qui l’a amené là-bas et jusqu’à ce point de non retour.

La fin du livre qui rejoint le présent de Jane Eyre est tout à fait marquante et magnifique...


Etes-vous maintenant plus enclins à avoir pitié de Rochester ou au contraire le jugez-vous plus sévèrement ?
Je ne sais pas trop, en fait… scratch Le paradoxe du personnage de Rochester de JE, c’est qu’il est loin d’être parfait (et l’avoue), qu’il joue avec les sentiments de Jane (voir la scène de la demande en mariage où il lui fait croire qu’il lui a trouvé une nouvelle situation de gouvernante loin), qu’il décide de l’épouser alors qu’il est encore marié… et que malgré tout, c’est un de nos héros anglais préférés… ! I love you
On sait qu’il a un passé, assez lourd, et que sa réaction à son mariage forcé et la folie de sa femme a été de chercher un réconfort dans la dissipation et les plaisirs. Et le Rochester de Jean Rhys nous montre le jeune homme qu’il était, avec tous ses défauts. Je ne vois donc pas vraiment de contradiction entre ces deux Rochester.
Par contre, il est vrai que je n’apprécie pas du tout ce jeune Rochester… Evil or Very Mad
Par contre, je ressens beaucoup plus de pitié pour Bertha … Car dans ce roman on ne la voit pas juste comme « la folle, épouse de Rochester » mais comme l’être humain avec son parcours de vie et ses malheurs.


Après avoir lu ce roman, êtes-vous tentés par les adaptations de celui-ci ?
Oui, ce qui m’intéresse particulièrement est de voir les choix de scénario et de mise en scène, car ce sont des choix qui sont forcément subjectifs et dépendent de la lecture qu’en font ceux qui font ces adaptations (comment rendre les points de vue différents des personnages, attitude de Rochester, quelle folie de Bertha…)


Après avoir lu ce roman, je suis surtout tentée par lire d’autres textes de cet auteur … J’avoue que ce roman m’a beaucoup impressionnée. Comme Popila, je remercie Damien et Resmiranda pour cette lecture de groupe car je ne serais très probablement pas allée vers ce roman par moi-même. La prisonnière des Sargasses - Jean Rhys 3928
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MessageSujet: Re: La prisonnière des Sargasses - Jean Rhys   La prisonnière des Sargasses - Jean Rhys Icon_minitimeMer 19 Jan - 10:35

Voici mon avis avec beaucoup de retard (je l'ai fini en vacances et n'ai pas pris le temps de me poser pour écrire toutes les critiques des bouquins que j'ai lus à ce moment là).
C'est un roman que j'ai beaucoup aimé, même s'il n'est pas exempt de défauts.
Commençons par eux, puisque je n'ai pas grand chose à en dire. Je trouve que la construction manque un peu de cohérence. On a l'impression de voir des saynettes, des moments qui se succèdent sans qu'il n'y ait réellement de liens entre eux. Le fait de changer de personnages à plusieurs reprises en cours de route n'aide pas non plus. Bien sûr, entrer dans la tête de Rochester au moment où la folie d'Annette se déclare est passionnant, car cela explique son comportement, mais empêche en même temps de comprendre les mécanismes à l'origine de cette folie (le comportement de son mari ? Une hérédité chargée ?). Finalement, je trouve que ça soulève plus de questions que ça n'en résout.

Parmi les choses que j'ai adorées, maintenant.
Le style est splendide. La description de la nature caribéenne est extraordinaire. Alors que ce genre de paysage ne m'attire pas du tout, je me suis prise à ressentir l'amour qu'Antoinette porte au jardin de son enfance. C'est mené de main de maître.
Citation :
The house was burning, the yellow-red sky was like sunset, and I knew I would never see Coulibri again. Nothing would be left, the golden ferns and the silver ferns, the orchids, the ginger lilies and the roses, the rocking-chairs and the blue sofa, the jasmine and the honeysuckle, and the picture of the Miller's daughter.
Et ça souligne aussi l'exotisme de la situation. Par la description du paysage, si différent du paysage européen, Jean Rhys introduit l'idée que les gens sont également de culture très différente. Et le problème de compréhension entre Rochester, le froid anglais, et Annette, la langoureuse caribéenne, est bien mieux souligné de cette façon, que via une longue explication. J'ai eu l'impression que la description de la nature était une métaphore pour la description d'Annette : séduisante, splendide, mystérieuse, exotique et nonchalante. On comprend mieux l'attirance de Rochester, et en même temps son malaise.

Quant à Rochester, je l'ai trouvé assez proche de celui de Jane Eyre, en plus jeune. C'est déjà un homme blessé (par sa relation avec son père et son frère), solitaire, assez orgueilleux, et totalement passionné (ce qui l'empêche de réfléchir clairement à partir du moment où il estime avoir été trompé). Quant à ses passions charnelles, elles apparaissent aussi dans Jane Eyre : pourquoi veut-il épouser Jane si rapidement, si ce n'est parce qu'il la désire ? (sinon, ça veut dire qu'il veut l'épouser avant qu'on/elle découvre Bertha, et c'est d'un cynisme que je me refuse à imaginer chez Rochester).
En revanche, ce que j'ai du mal à m'expliquer, c'est la cruauté dont il fait preuve en appelant Antoinette par le nom de sa mère. Je ne comprends pas le sens de cette torture...

J'ai également beaucoup aimé la fin, le lien avec les scènes si connues de Thornfield Hall. Voir le château par les coulisses du roman gothique a un charme puissant...

En tout cas, merci pour cette lecture vers laquelle je ne serais pas allée sans la lecture commune !! La prisonnière des Sargasses - Jean Rhys 3928
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MessageSujet: Re: La prisonnière des Sargasses - Jean Rhys   La prisonnière des Sargasses - Jean Rhys Icon_minitimeMer 19 Jan - 12:54

Merci pour ton avis, Akina ! sunny

Akina a écrit:
Je trouve que la construction manque un peu de cohérence. On a l'impression de voir des saynettes, des moments qui se succèdent sans qu'il n'y ait réellement de liens entre eux. Le fait de changer de personnages à plusieurs reprises en cours de route n'aide pas non plus. Bien sûr, entrer dans la tête de Rochester au moment où la folie d'Annette se déclare est passionnant, car cela explique son comportement, mais empêche en même temps de comprendre les mécanismes à l'origine de cette folie (le comportement de son mari ? Une hérédité chargée ?). Finalement, je trouve que ça soulève plus de questions que ça n'en résout.
C'est amusant, parce que ce point, je le vois justement comme une qualité du roman (ce refus de trancher sur les causes de la folie de l'héroïne, en laissant le lecteur seul juge, finalement). La folie est un phénomène difficile à expliquer de manière rationnelle, et je n'aurais pas aimé que l'auteur en explique les causes de manière trop tranchée. Wink

Sinon, je te rejoins sur tout le reste, même si je me demande si mettre Antoinette et le paysage dans lequel elle évolue en miroir n'a pas quelque chose d'un peu biaisé : est-ce que toutes les créoles ont forcément ce tempérament ? Je ne sais pas. Je vois bien, tout comme toi, que l'auteur met les deux en miroir, mais cette théorie du climat m'a un peu gênée ("c'est parce qu'elle est originaire des Antilles qu'elle est comme ça..." mouais, bof) Suspect

Pour Rochester, ses appétits charnels ne me dérangent absolument pas (Razz), mais je l'ai trouvé faible et inconsistant ; le personnage de Charlotte Brontë a quand même un peu plus de classe, d'envergure, et de sens moral (même s'il commet des mauvaises actions), ou bien suis-je aveuglée par l'attrait qu'exerce sur moi ce personnage créé par Charlottte Brontë ? lol!

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MessageSujet: Re: La prisonnière des Sargasses - Jean Rhys   La prisonnière des Sargasses - Jean Rhys Icon_minitimeMer 19 Jan - 13:09

Popila a écrit:

C'est amusant, parce que ce point, je le vois justement comme une qualité du roman (ce refus de trancher sur les causes de la folie de l'héroïne, en laissant le lecteur seul juge, finalement). La folie est un phénomène difficile à expliquer de manière rationnelle, et je n'aurais pas aimé que l'auteur en explique les causes de manière trop tranchée. Wink

Sans qu'elle tranche réellement, j'aurais bien aimée être dans la tête d'Antoinette au moment où ça se produit. On voit avant, on voit après, et l'événement déclencheur ... on le voit de l'extérieur ! Je reste un peu sur ma faim ...

Popila a écrit:
Je vois bien, tout comme toi, que l'auteur met les deux en miroir, mais cette théorie du climat m'a un peu gênée ("c'est parce qu'elle est originaire des Antilles qu'elle est comme ça..." mouais, bof) Suspect
C'est effectivement un peu particulier, et je ne prends certainement pas son propos comme argent comptant. Ça reste un roman, avec ce qu'il faut d'imagination et de fantasme.
Quoiqu'il en soit, je ne pense pas que ce soit son origine géographique qui est à l'origine de la faiblesse d'Antoinette, mais plutôt le fait qu'elle soit déracinée. Elle n'est pas européenne ; mais elle n'est pas créole non plus car elle est blanche. Philippine le dit à Rochester à un moment : "She is not béké, like you, but she is béké, and not like us either.". Blanche et pas blanche, antillaise mais européenne, elle n'est pas dans un milieu qui lui convient.
Et d'ailleurs, ce milieu ne convient pas non plus à Rochester, qui est malade pendant la moitié de son séjour là bas.

Popila a écrit:
Pour Rochester, ses appétits charnels ne me dérangent absolument pas (Razz), mais je l'ai trouvé faible et inconsistant ; le personnage de Charlotte Brontë a quand même un peu plus de classe, d'envergure, et de sens moral (même s'il commet des mauvaises actions), ou bien suis-je aveuglée par l'attrait qu'exerce sur moi ce personnage créé par Charlottte Brontë ? lol!
Je ne trouve pas que Rochester ait tant de sens moral que ça, dans Jane Eyre. Il trompe quand même cette pauvre Jane en voulant l'épouser alors qu'il n'est légalement pas libre.
Je trouve que sa faiblesse dans Wide Sargasso sea est expliqué par sa jeunesse. Il doit à peine avoir plus d'une vingtaine d'années, et il n'a rien vécu. Quand on le voit dans Jane Eyre, son cuir est plus tanné. En tout cas, je me suis expliquée les différences entre les deux Rochester par ce laps de temps.
Même si je te rejoins sur un point : il est beaucoup moins séduisant que celui de Brontë ! Very Happy
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MessageSujet: Re: La prisonnière des Sargasses - Jean Rhys   La prisonnière des Sargasses - Jean Rhys Icon_minitimeMer 19 Jan - 13:39

Akina a écrit:
Je ne trouve pas que Rochester ait tant de sens moral que ça, dans Jane Eyre. Il trompe quand même cette pauvre Jane en voulant l'épouser alors qu'il n'est légalement pas libre.
C'est vrai, mais il a conscience de mal agir. C'est quelqu'un qui a quelque chose de diabolique, qui fait souffrir Jane par moments et qui la trompe en lui cachant la vérité sur son passé. Mais j'ai quand même du mal à associer complètement les personnages des deux livres, y compris en prenant en compte le fait qu'il est plus jeune chez Jean Rhys... je suis probablement une indécrottable sentimentale ! Razz

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MessageSujet: Re: La prisonnière des Sargasses - Jean Rhys   La prisonnière des Sargasses - Jean Rhys Icon_minitimeDim 13 Fév - 18:47

J'ai lu récemment ce court roman de Jean Rhys et j'avoue que je suis on ne peut plus heureuse de l'avoir fait car il fera partie assurément de mes coups de cœur de l'année 2011.
Je ne vais pas redire ce que vous avez toutes et tous déjà brillamment dit auparavant mais j'ai lu ce roman en tout juste quelques heures et Jean Rhys m'a pris par la main et m'a emmené au bout de cette histoire sans que j'arrive à m'en rendre compte.
J'ai aimé par dessus tout son style, puissamment évocateur, totalement hypnotique. J'ai aimé les descriptions de cette nature caribéenne luxuriante. J'ai aimé Antoinette. Elle m'a touché, elle n'a pas eu de chance, elle a été rejeté de partout, dans son pays d'abord, par sa mère, les gens de son village, son mari, elle se retrouve perdu dans une autre culture en Angleterre, alors que son mariage n'en est plus un et que Rochester l'enferme, la torture qu'il met en place à son encontre est particulièrement affreuse (vous avez souligné le fait qu'il l'appelle comme sa mère, j'ai trouvé ça odieux et indigne du Rochester que je connais), on se met à sa place, ça a pas du être facile et je comprends un peu mieux ce qui a pu l'amener à sombrer dans la folie. A haïr comme ça. La somme de toute ses choses, ça ébranlerait n'importe qui...
Par contre, je ne crois pas qu'il bouleversera ma vision de Jane Eyre et du personnage de Rochester (non mais en fait, je dis ça parce que je crois que j'ai un peu pas trop aimé le Rochester décrit par Jean Rhys alors qu'il ne doit pas y avoir plus grande fan que moi du Rochester de Charlotte Brontë, et que ça m'a fait un peu mal, quand même, bien qu'on sache très bien que Rochester n'est pas tout blanc)...
Alors, du coup, je ne l'ai pas pris, finalement, pour un complément à Jane Eyre mais plutôt comme une autre histoire qui se suffit à elle même et c'est déjà énorme. Parce que si je n'avais pas réussi à me détacher de l'image du Rochester de Charlotte Brontë, j'aurais détesté le roman de Jean Rhys... Toucher comme ça à un mythe et en faire un personnage aussi vil et inconsistant que l'homme qu'elle nous décrit... Pouah! Je comprends que des fans acharnés de Jane Eyre et de Rochester n'aime pas ce livre.
J'ai quand même beaucoup aimé le chapitre qui se passe à Thornfield où l'on voit Antoinette sombrer dans la folie, y croiser Jane et Rochester, Grace Poole, voir l'incendie (du moins dans le rêve d'Antoinette), c'était un peu la cerise sur le gâteau.
J'ai l'impression que c'est un peu contradictoire ce que je dis mais je ne sais pas trop comment m'expliquer. Oui, j'ai aimé ce livre mais je ne veux surtout pas le rattacher à Jane Eyre à cause de Rochester. Mais j'aime quand même la troisième partie qui se passe à Thornfield... C'est un peu illogique. Mais je ne vois pas comment mieux faire sentir ce que j'ai ressenti.
J'ai emprunté ce livre à la bibliothèque et je vais me l'acheter très prochainement pour l'avoir à moi. Et merci mille fois pour la découverte.
J'aimerais bien essayer d'autres romans de Jean Rhys maintenant.
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MessageSujet: Re: La prisonnière des Sargasses - Jean Rhys   La prisonnière des Sargasses - Jean Rhys Icon_minitimeDim 13 Fév - 20:26

Merci pour ton avis, Séverine ! cheers

Séverine a écrit:
J'ai aimé par dessus tout son style, puissamment évocateur, totalement hypnotique. J'ai aimé les descriptions de cette nature caribéenne luxuriante. J'ai aimé Antoinette. Elle m'a touché, elle n'a pas eu de chance, elle a été rejeté de partout, dans son pays d'abord, par sa mère, les gens de son village, son mari, elle se retrouve perdu dans une autre culture en Angleterre, alors que son mariage n'en est plus un et que Rochester l'enferme, la torture qu'il met en place à son encontre est particulièrement affreuse (vous avez souligné le fait qu'il l'appelle comme sa mère, j'ai trouvé ça odieux et indigne du Rochester que je connais), on se met à sa place, ça a pas du être facile et je comprends un peu mieux ce qui a pu l'amener à sombrer dans la folie. A haïr comme ça. La somme de toute ses choses, ça ébranlerait n'importe qui...
Je me retrouve tout à fait là-dedans. Et je partage ton avis par rapport à Rochester ; autant j'aime le personnage créé par Charlotte Brontë, autant je n'aime pas beaucoup le personnage inconsistant créé par Jean Rhys... je me refuse à rattacher les deux, et pourtant j'aime moi aussi beaucoup la IIIème partie... mais finalementk, elle se détache un peu de ce qui précède, et on pourrait tout à fait imaginer ce point de vue s'intercaler entre les pages de Jane Eyre (une chose imaginable seulement dans le monde de Thursday Next). Wink

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MessageSujet: Re: La prisonnière des Sargasses - Jean Rhys   La prisonnière des Sargasses - Jean Rhys Icon_minitimeMar 15 Fév - 14:00

Séverine, cela prouve, comme tu le dis, que le roman se suffit à lui-même. C'est ce que j'ai apprécié en le dévorant. Ce n'est pas une vague variation autour de Jane Eyre. C'est une œuvre extrêmement bien écrite, mettant en scène un univers original et particulier. Jean Rhys a une voix, et ce roman est nécessaire pour elle, elle a besoin de s'exprimer. Elle ne se rattache pas à un chef-d'œuvre pour profiter d'une mode, elle a réussi a créer un roman très fort.

Je suis content que tu te sois laissée tenter en tout cas Razz.
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MessageSujet: Re: La prisonnière des Sargasses - Jean Rhys   La prisonnière des Sargasses - Jean Rhys Icon_minitimeDim 18 Sep - 10:26

J'ai lu ce roman cette semaine, j'ai bien aimé mais je n'ai pas vraiment eu de coup de coeur. J'ai eu un peu de mal à entrer dans le récit, qui m'a semblée, de prime abord en tous cas, un peu décousu. Mais j'ai eu ensuite l'impression que c'était délibéré de la part de Jean Rhys car ce type de narration, étrange et quelque peu déconcertant, épousait presque parfaitement l'ambiance de l'histoire et surtout, l'esprit embrumé d'Antoinette ...
Resmiranda disait que le roman était hypnotique, et je suis tout à fait d'accord. Une fois plongé dans le récit, on est très vite happé par l'atmosphère moite de la Jamaïque et on se perd dans les chemins tortueux que prend l'esprit d'Antoinette.
La violence est au coeur de ce roman. Elle se manifeste surtout dans les rapports humains. Antoinette trouve rarement l'équilibre et la stabilité auprès des gens qu'elle aime. Et lorsqu'elle trouve un mari en la personne de Rochester, les choses ne s'arrangent pas ! Lorsque leurs récits s'alternent et même lorsque leurs voix se mêlent presque, ils restent cloisonnés. Le manque de communication et leur imcompréhension mutuelle ne peuvent qu'engendrer la souffrance. Chacun des deux partis se réfugie dans la douleur et la solitude et Antoinette sombre, peu à peu, dans la démence ...
Le roman de Jean Rhys est sombre et bien cruel. Elle décrit extraordinairement bien la luxuriance des paysages créoles et la durété de la vie sur l'île.
J'ai beaucoup aimé la fin, que j'ai trouvé intense et poignante.

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MessageSujet: Re: La prisonnière des Sargasses - Jean Rhys   La prisonnière des Sargasses - Jean Rhys Icon_minitimeLun 8 Avr - 21:04

Je fais ressurgir ce topic après avoir fini le livre !

J'ai bien aimé dans l'ensemble, mais honnêtement, si je ne connaissais pas Jane Eyre, je pense que j'aurai eu vraiment du mal à suivre. C'est une bonne découverte en tout cas (il était sur ma PAL depuis 2 ans je crois) et je l'ai préféré à l'autre roman de Jean Rhys que je viens de terminer aussi : Voyage dans les ténèbres qui était un peu moins bien écrit et bien moins passionnant.

Je trouve que le passage à la folie d'Antoinette n'est peut-être pas très bien amenée car pour moi elle reste toujours lucide (enfin à sa façon). En tout cas c'est sûr que ce roman donne une autre image du Rochester de Jane Eyre... Mais j'aime beaucoup la partie où il prend la narration.
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MessageSujet: Re: La prisonnière des Sargasses - Jean Rhys   La prisonnière des Sargasses - Jean Rhys Icon_minitimeMar 9 Avr - 15:56

@ Kary : Je crois que c'est rarement un roman coup de coeur, mais en général, on ne regrette pas de l'avoir lu. Wink

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MessageSujet: Re: La prisonnière des Sargasses - Jean Rhys   La prisonnière des Sargasses - Jean Rhys Icon_minitime

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